Audio dans les cars-régie – Les tendances du moment

À l’heure du transport sur IP, de la fibre optique et des réflexions sur le son immersif, des spécialistes du son dans les cars-régie décrivent les changements auxquels ils sont confrontés en matière d’équipements, de techniques, de méthodes de travail et évoquent les nouveaux défis qui les attendent.*
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En quelques années, l’univers du son en car-régie a été le théâtre de nombreux bouleversements : multipaire cuivre en net recul, arrivée en force de la fibre, mutualisation du transport ou encore banalisation des technologies IP, pour n’en citer que quelques-uns. Ils sont chef opérateur son, responsable d’exploitation et le son dans les cars-régie fait partie de leur quotidien. Ils expliquent comment ces évolutions changent leur métier.

 

La console : communication et partage de ressources

En broadcast, la distribution de signal est devenue la fonction essentielle des consoles qui, si elles continuent bien sûr à assurer le traitement audio, sont désormais architecturées autour de leur propre grille audio. Des consoles, telles que les gammes Studer Vista et Lawo MC2 56 qui intègrent en interne leurs propres grilles, sont devenues en quelques années les standards dans les cars français. « Les grilles audio externes type pro Bell ont quasiment disparues, résume François-Xavier Ballon, chef opérateur son pour France TV/Filière, production rattaché au car de Lyon. Aujourd’hui, le système VSM [Virtual Studio Manager de LSB Broadcast Technologie, NDLR] nous permet de piloter les grilles audio et vidéo. D’ailleurs, la console audio y est vue comme une grille à part entière… ».

Même constat pour Dominique Guyot, également chef opérateur son pour France TV/Filière, production rattachée cette fois au car de Toulouse : « On ne patche plus le son, c’est le système VSM qui commande les grilles physiques. Par ailleurs, nous disposons de trente-deux passerelles qui nous permettent, par exemple, d’injecter du son noble depuis la console vers la matrice d’ordre, et inversement, de router des ordres vers le stagebox. Là encore, plus besoin de patch, la console Studer et la matrice d’ordres RTS communiquent directement via Madi. »

D’autre part, on constate que le son voyage de plus en plus souvent conjointement avec la vidéo, ce qui permet de mutualiser le routing, comme l’illustre Emmanuel Le Marquand, responsable d’exploitation audio pour AMP Visual : « Lorsque l’émission est enregistrée dans le car, plus besoin de router les liaisons audio une à une dans les enregistreurs vidéo ; l’audio se trouve maintenant directement embeddé dans les flux vidéo par les grilles vidéo processées et attaque ainsi directement les enregistreurs vidéo ».

Au-delà des modes de communication entre la console et l’extérieur, l’autre évolution qui semble poindre à l’horizon concerne le partage des ressources. « Chez Lawo, on peut déporter une partie de la console pour aller, par exemple, l’utiliser sur le plateau ; mais l’exploitation reste limitée, car le partage des ressources n’est pas suffisamment évolué, du moins dans la version actuelle… »

De son côté, AMP Visual a été séduit par la conception modulaire des consoles Calrec qui équiperont le futur, car Millenium Signature 12 est attendu pour fin mai. « Ces consoles nous offrent la possibilité de prélever facilement, par exemple, un rack d’entrées-sorties, un rack DSP et un bac de seize fader pour les utiliser sur une régie flight-case. Libre à nous ensuite de ré-assembler le tout dans la régie du car, en fonction des besoins. »

 

Fibre et transport mutualisé

La fibre se généralisant, le déploiement sur les opérations d’envergure de multipaires en cuivre, assurant les liaisons audio depuis le car, devient de plus en plus ponctuel, comme le constate Emmanuel Le Marquand : « Sur une allocution présidentielle, par exemple, on pourra, pour des besoins de sécurisation, doubler la fibre par un circuit cuivre, à l’ancienne via un splitter, de façon à garder deux circuits autonomes entièrement séparés. »

Outre l’importance du dispositif déployé, c’est aussi l’augmentation des distances qui plaide en faveur de la fibre, analyse François François-Xavier Ballon : « Sachant que les zones techniques sont de plus en plus grandes, elles se trouvent de plus en plus éloignées de l’événement et même parfois divisées sur plusieurs sites. Par exemple, sur le Tour de France, selon les étapes, nos cars sont parfois situés de part et d’autre d’un col ou encore placés à des distances importantes de l’arrivée des courses. De ce fait, les distances à couvrir pour connecter les cars augmentent, d’où la nécessité et la généralisation du transport par fibre. »

Actuellement, les solutions du français Ereca ou des allemands BroaMan ou Riedel sont largement utilisées. Parmi eux, on trouve d’ailleurs des systèmes compacts conçus pour le car SNG, comme le Ereca Cam Racer dont le boîtier s’enfiche directement sur la caméra et permet de transporter vidéo, télécommandes, data, ordre caméra et audio. Pour les opérations plus importantes, on trouve de véritables Stagebox, compatibles audio analogique, AES, Madi, intercom, IP, audio sur IP et vidéo avec, sur certains systèmes, des possibilités de distribution ou de conversion de format …

Au quotidien, l’exploitation s’en trouve changée et appelle de nouvelles compétences, comme l’explique Emmanuel Le Marquand : « Avec un seul câble, on passe effectivement l’audio, la vidéo et l’intercom ; en revanche, l’installation devient plus pointue et les passages de câbles plus rigoureux car la fibre optique est plus fragile que le cuivre. Sur les grosses opérations, nous faisons donc appel à une équipe technique spécialisée dans la fibre optique. Outre l’installation, elle gère l’exploitation, distribue les brins et en assure la maintenance. Dans le cas d’une configuration en anneau fermé, si une rupture intervient à un endroit, nos spécialistes sont par exemple capables de rétablir les connexions rapidement en redirigeant les signaux dans le sens inverse de la boucle… »

Actuellement, sur une fibre, chaque brin est le plus souvent dédié à un type de signal (audio, intercom, vidéo, data), mais dans un système comme MediorNet de Riedel, la mutualisation va plus loin, poursuit Emmanuel Le Marquand : « Sur le prochain car Millenium Signature 12 dont l’équipement inclut deux matrices intercom Riedel, le système MediorNet assemble les brins afin d’obtenir la bande-passante nécessaire pour transporter un ensemble de canaux audio, vidéo, ainsi que l’intercom et les datas qui transitent de manière groupée grâce à des techniques de multiplexages. En fonction des interfaces choisies, le système MediorNet permet de distribuer les différents signaux de manière autonome à l’intérieur du ring. »

 

Intercom : l’inflation

Autre réalité plaidant en faveur du déploiement de la fibre, l’inflation du nombre de panneaux d’intercom sur les émissions est devenue une tendance généralisée, comme en témoigne Dominique Guyot : « La manifestation la plus exigeante est sans doute le Tour de France où nous déployons jusqu’à seize panels d’intercom. Ensuite, sur des émissions ponctuelles comme la spéciale Taratata en direct du Zénith, La Fête de la musique, Les Victoires de la musique, on arrive facilement à douze panels. »

Plus loin dans ce palmarès, on trouve des émissions récurrentes comme Question pour un Champion, Slam ou La Grande Librairie, dont les besoins s’échelonnent entre cinq et huit panels. Le constat est identique pour Emmanuel Le Marquand : « Sur une émission de prime-time comme Tout le monde joue avec l’Histoire [co-animée par Nagui et Stéphane Bern, et diffusée sur France 2 – NDLR], on déporte couramment une douzaine de panels d’intercom Riedel PMX en fibre, contre deux ou trois sur une émission comparable il y a seulement quelques années. Rien que pour la lumière, on nous demande maintenant trois panels, auxquels il faut ajouter, bien sûr, la réalisation, mais aussi le personnel qui gère les écrans, sans oublier l’informatique devenue indispensable pour gérer les jeux et les réactions en provenance des réseaux sociaux. »

Alternativement au système Riedel, AMP Visual utilise également l’Audio Racer, un modèle de stagebox développé par Ereca sur une base de cahier des charges AMP pour l’intercom : « Il s’agit d’une passerelle point à point permettant de transporter via fibre optique 16 X 4 fils audio, 16 GPI/GPO, 4 AES bidirectionnels et du data. Ces stagebox nous permettent de déporter au choix des panels d’intercom Riedel ou Telex-RTS. »

 

HF : gérer la pénurie

Suite à la réallocation de la bande des 700 MHz au profit des télécoms, l’usage des systèmes HF devra se limiter à la bande 470>694 MHz qu’il faudra partager avec une TNT redéployée dans cet espace hertzien. Sachant que selon les zones géographiques, cette nouvelle donne sera effective dans un calendrier s’étendant entre le 5 avril 2016 et le 1er juillet 2019, l’heure est à la réflexion et toutes les pistes sont étudiées.

« Sur une opération comme Les Victoires de la Musique, nous avions 173 porteuses HF sur site à gérer, comprenant les micros bien sûr, mais aussi les retours In-Ears et les ordres HF avec pas moins de 49 boîtiers overline !, rappelle François -Xavier Ballon. J’avoue que pour l’instant on se gratte la tête ! Rien n’est arrêté, il n’y a pas une solution miracle, mais nous étudions plusieurs pistes. L’une d’elles serait d’utiliser la plage DECT pour les ordres, comme le propose le système numérique matricé en 1,92 GHz FreeSpeak de Clear-Com par exemple, mais cela ne répond pas à tous nos besoins d’intercom, en longue portée notamment. Pour la HF audio, nous nous intéressons à la gamme Shure Axient et, plus généralement, à tous les systèmes à allocation dynamique de fréquences qui devraient nous permettre de récupérer jusqu’à 30 % de fréquences en plus, grâce à un meilleur filtrage, des porteuses sécurisées et à l’allocation dynamique. »

De son côté, Dominique Guyot compte également sur la technologie DECT pour libérer quelques fréquences et envisage de renouveler les liaisons dont les fréquences vont devenir inutilisables : « Nous avons testé avec succès les systèmes Wisycom, intéressants de par leurs performances et leur possibilité de gérer la puissance d’émission. » Notons que la HF numérique pourrait sans doute être précieuse grâce à la densité qu’elle permet, mais il manque encore des récepteurs fixes de gamme moyenne pour répondre à la demande de nos interlocuteurs…

 

* Cet article est extrait de « L’audio dans les cars-régies » paru pour la première fois dans Mediakwest #16, pp. 36-39. Abonnez-vous à Mediakwest pour lire dès leur parution nos articles dans leur totalité.


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