Blackmagic DaVinci Resolve opus 20, une pincée de cloud, une marmite d’IA !

Développé sur la base d’un outil dédié au marché de niche de la colorimétrie pour les studios de cinéma, DaVinci Resolve est devenu le couteau suisse cinq-en-un de la postproduction et s’adresse à un très large public. Partons à la découverte de DaVinci Resolve 20.
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Boîte à outils technique, montage, effets spéciaux, animation, étalonnage, son à l’image… À partir de la version 18, Resolve a pris une nouvelle orientation autour du Blackmagic Cloud et ses outils de collaboration sur Internet. La version 19 accueille au sein de la page Cut, laboratoire d’idées de Blackmagic Design, une nouvelle fonctionnalité qui élargit les domaines d’application du logiciel vers la production en live, notamment via le panel Replay Editor.

Déjà progressivement introduite dans les précédentes versions, DaVinci Resolve 20, disponible en version bêta au moment de l’impression de ce numéro de Mediakwest, illustre particulièrement bien les avancées de l’intelligence artificielle en postproduction avec les outils AI IntelliScript, AI Audio Assistant, AI Magic Mask 2 et AI Multicam SmartSwitch. Pour Grant Petty, emblématique CEO de Blackmagic, ces outils d’automatisation des tâches chronophages de postproduction ont été développés pour libérer la créativité des utilisateurs. Cent nouvelles fonctionnalités sont également annoncées.

 

Les nouveautés de DaVinci Resolve 20. © DR

 

Un brin d’histoire

DaVinci Systems est né en 1984 à Coral Springs en Floride en tant que « spin-off » de Video Tape Associates, une société de production et de postproduction qui avait créé pour ses propres besoins « the Wiz », une solution matérielle d’étalonnage opérant parallèlement au contrôle des télécinémas RCA FR-35 ou Bosch FDL 60.

Le logiciel DaVinci Resolve a été développé au début des années 2000. Initialement disponible uniquement sur la plate-forme Linux, il était en version 6 lorsque Blackmagic Design a acquis la marque en 2009. Rapidement porté sur Mac avec la version 7, le logiciel est proposé sur les trois plates-formes Mac, PC et Linux depuis la version 8 sortie en 2011. Quatorze ans et douze versions après, les évolutions de l’opus 20 illustrent la force de frappe des équipes de développement de Blackmagic Design.

 

Les évolutions du cloud

Des outils de collaboration pour les particuliers ou les entreprises sont disponibles via le Blackmagic Cloud. © DR

 

Au sein de DaVinci Resolve, les projets sont hébergés dans des bases de données récemment renommées « Project libraries » (bibliothèques de projets). En versions locales, elles sont dédiées au travail « stand-alone ». Les bibliothèques de projets réseau permettent la collaboration de différents utilisateurs dans le cadre du réseau local d’un studio de postproduction par exemple. Les bibliothèques cloud étendent la collaboration aux utilisateurs du monde entier via un simple abonnement facturé 5 dollars par mois sans engagement. Les collaborateurs peuvent travailler sur le même projet et échanger des messages via le chat intégré.

Pendant que les assistants affinent le dérushage et préparent les synchronisations et les plans multicaméras, plusieurs monteurs prennent en charge le montage de différentes séquences alors que des artistes VFX truquent les plans choisis et préparent les habillages dans Fusion. Les étapes de finishing, étalonnage et mixage peuvent débuter avant la fin du montage sans nécessiter d’étapes fastidieuses et coûteuses de conformation.

En complément des librairies de projets, il est possible d’héberger des médias pour un coût de 15 dollars par To et par mois. Les sociétés de grandes tailles bénéficient d’un onglet dédié à la gestion de leurs équipes. Nommé « Organizations », cet espace permet de louer des serveurs de projets dédiés. Les tarifs s’échelonnent entre 100 euros par mois pour vingt utilisateurs et cinquante librairies de projets maximum, et 600 euros par mois pour 120 utilisateurs et 300 librairies de projets. Des licences studio sont disponibles à la location pour 30 euros par mois, ainsi que des présentations (lire ci-après) et des espaces de stockage.

 

Une collaboration plus fluide

Lors du travail à distance sur un projet commun, la gestion et la synchronisation des médias est un sujet important pour lequel différents fabricants et éditeurs proposent des solutions matérielles ou cloud. Avec l’hébergement dans l’espace Cloud Storage du Blackmagic Cloud, les médias ajoutés au fur et à mesure de l’évolution des projets sont directement disponibles sur les postes de travail des utilisateurs où qu’ils soient. Explorés depuis le cloud sous forme de liens virtuels, les médias sont synchronisés localement uniquement lorsque les utilisateurs choisissent de les intégrer au projet.

 

Le montage débute dès la captation

L’application pour smartphone Blackmagic Camera et certaines nouvelles caméras Blackmagic telles que les Ursa Cine ou les Pyxis 6K et 12K permettent l’envoi vers Blackmagic Cloud par réseau des médias en versions allégées (proxies) ou natives dès leur captation. La connexion réseau des caméras peut être filaire en RJ45 ou via un smartphone connecté en USB-C.

 

Présentations pour les validations

Cette fonctionnalité de Blackmagic Cloud permet de fluidifier les échanges entre les collaborateurs d’une société de production ou d’un studio qui souhaitent pouvoir annoter des films et demander des modifications via une interface Web simple d’utilisation. « Présentations » s’ouvre désormais aux personnes extérieures aux studios, telles que les clients ou les donneurs d’ordre, via l’envoi d’une adresse URL. Il est possible d’interagir via le chat intégré ou de planifier une visio de présentation et d’annotation du film en direct.

 

 

Intelligence Artificielle

Les nouveaux outils AI Dialogue Leveler, AI Music Remixer et AI Voice Isollation sont de précieuses aides pour la préparation des mixages. © DR

Les annonces les plus importantes de cette nouvelle version de DaVinci Resolve illustrent l’impressionnante évolution de l’intelligence artificielle pour l’assistance à la postproduction. Les effets d’IA dédiés au mixage annoncées lors des précédentes versions, Voice Isolation, Dialogue leveler, Dialogue Separator et Music Remixer sont complétés d’outils particulièrement aboutis.

AI Music Editor permet de remonter automatiquement des musiques depuis une durée originelle vers une durée cible. L’utilisateur peut choisir parmi quatre versions différentes de remix. Avec l’option Live Trim le clip musical peut être directement étiré dans la timeline : le ressenti est plus interactif. AI Music Editor illustre parfaitement l’apport de l’intelligence Artificielle qui excelle dans la prise en charge des tâches fastidieuses ; ici, isoler, répéter et associer subtilement des boucles musicales pour améliorer la bande son d’un montage. La panoplie d’outils d’IA pour le mixage se complète de « checkerboard to new tracks » qui propose, à partir d’une prise de son commune, de reconnaître et répartir automatiquement les différents acteurs ou intervenants sur des pistes dédiées, les sons étant automatiquement positionnés en damier (checkerboard).

 

 

Une interface dédiée à l’enregistrement de voix off fait son apparition dans les fenêtres Cut et Montage. © DR

AI Dialogue Matcher équilibre le rendu de voix-off enregistrées à des moments différents dans des conditions différentes. Les paramètres harmonisés sont le niveau audio, la réponse spectrale (ton) et l’équilibre entre l’ambiance et la voix.

AI Voice Convert va plus loin : partant d’une voix enregistrée dans des conditions approximatives, il génère une voix de synthèse en conservant les inflexions, les intonations et l’émotion de la voix originelle. Un modèle de voix peut être préparé au préalable à partir d’un enregistrement.

 

AI Audio Assistant : le jusqu’au-boutisme appliqué à l’IA pour le mixage

AI Audio Assistant effectue automatiquement différentes opérations de mixage au sein de Fairlight. © DR

 

Voici la recette ! Préparez un montage avec des éléments traditionnels : voix off, commentaires, ambiances, musiques et effets sonores. Faites appel à AI Audio Assistant : il reconnaît et classe les sons sur des pistes correspondantes en colorisant les plans selon les typologies (dialogue, music, SFX, speaker). Les différents mixages sont alors effectués en débutant par les dialogues, puis les musiques et finalement les effets sonores et les ambiances. Les différentes étapes sont effectuées automatiquement en exploitant l’ensemble des outils d’IA progressivement apparus au sein de Fairlight (Voice Isolation, Dialogue Leveler, Dialogue Separator) et des outils traditionnels : ducker, de-esser, compresseur, égaliseur multibande, limiteur et automations.

 

Montage

Les trois axes de développements principaux concernant le montage ont été l’ajout d’une fenêtre d’enregistrement de voix off directement accessible depuis les pages montage et Cut, le transfert de fonctionnalités appréciées des utilisateurs depuis la page Cut vers la page Montage et le mise en place d’une interface utilisateur optimisée pour le montage vertical des films dédiés aux réseaux sociaux.

N’oublions pas l’IA qui se propose là aussi de faciliter les tâches itératives de vos montages. AI Intelliscript prépare automatiquement une timeline à partir d’un scénario et des plans cerclés correspondants. AI Multicam SmartSwitch monte automatiquement des plans multicaméras filmés à partir de différentes prises de vues synchrones. Les angles sont choisis en fonction de la voix des personnes qui parlent et du mouvement des lèvres. La page Cut a été complétée d’un mixeur qui peut être étendu horizontalement pour afficher l’outil d’analyse du loudness audio selon la norme choisie, par exemple YouTube ou EBU-R128. La table de mixage de la page Montage a profité des mêmes évolutions (hormis le loudness) : chaque tranche dispose d’outils de dynamique et d’égalisation.

 

Habillage

Le mojo de l’opus 20, vous l’avez compris, c’est l’IA. AI Animated Subtitles renforce les fonctionnalités de transcription et de sous-titrage automatique déjà introduites dans les précédentes versions en proposant de remplacer les sous-titres habituels par des modèles de titrage Fusion qui s’animent au rythme des paroles. Avec l’effet MultiText, les monteurs pourront préparer des titres sur plusieurs lignes directement depuis l’interface de montage (page Cut ou Montage) et animer chaque ligne séparément.

 

Fusion

Il est désormais possible d’importer des fichiers EXR et PSD multicouches et de manipuler chaque couche indépendamment. L’outil depth map permet de travailler avec les informations de profondeur des fichiers EXR pour coloriser ou transformer les images. Les étalonnages préparés dans la page color peuvent dorénavant être lus directement dans le visualiseur de Fusion affichant le nœud Media Out. Des outils basés sur les algorithmes de flux optique permettent de manipuler les images pour réduire le bruit ou effectuer des transformations aux rendus « organiques ». Des outils sont dédiés à la manipulation d’images en VR : PanoMap, Spherical Stabilizer, LatLong Patcher et le visualiseur caméra 3D/VR.

 

Nouvelle fenêtre d’enregistrement des voix off

Elle permet de choisir le type de monitoring lors de l’enregistrement des voix off directement dans la timeline des pages Cut ou Montage. L’utilisateur qui travaille au casque peut opter pour l’écoute directe du micro, de la séquence ou de l’ensemble des deux. Lors du travail avec des enceintes, le retour audio peut être muté pendant l’enregistrement pour éviter les larsens. Un décompte (disponible dans les deux pages) et le texte du commentaire (dans la page Cut uniquement) peuvent être ajoutés pour simuler la lecture du texte à l’aide d’un prompteur.

 

Une touche de Cut dans la page Montage

La fonction Bande Source de la page Cut est portée dans la page Montage. © DR

 

Pour nous la page Cut de DaVinci Resolve est depuis son introduction au sein de DaVinci Resolve, un véritable laboratoire d’idées. Elle permet aux équipes de développement de Blackmagic Design de valider la pertinence d’idées novatrices telle que la fonctionnalité bande source. La page Cut fonctionne également en duo avec la surface de contrôle Replay Editor.

Le Speed Editor est une autre surface de contrôle dédiée au montage, particulièrement à cette page. Financièrement intéressante pour les monteurs souhaitant acquérir la version Studio de DaVinci, cette surface commercialisée 385 euros bénéficie d’une licence incluse dans sa boîte. Parmi les fonctions de la page Cut qui ont séduit les utilisateurs, Blackmagic a intégré les boutons source clip, source tape (bande source) et timeline au-dessus du visualiseur source de la page Montage. Le bouton source tape (bande source) permet de simuler l’affichage d’une séquence virtuelle dans laquelle l’ensemble des plans d’un chutier classés dans un ordre choisi par l’utilisateur auraient étés montés bout-à-bout. Cette technique régulièrement utilisée par des monteurs de news, de magazines ou parfois de documentaires accélère et facilite le montage des séquences tournées à partir de nombreux plans. Une version de l’éditeur de trim présentée pour la première fois dans la page Cut est accessible via un double clic sur une transition. La fenêtre de trim historique de la page Montage reste celle affichée lorsque le monteur entre dans le mode trim via un raccourci clavier.

 

Séquence source et fenêtre enrichie d’animations

Une interface évoluée dédiée à l’animation via des images clés et des courbes est introduite dans la version 20 de DaVinci. © DR

Les monteurs qui utilisent en source des séquences de plans montés en bout-à-bout disposent désormais d’un affichage dédié avec une tête de lecture colorisée en bleu pour la différencier de la tête de lecture rouge orangé de la timeline de montage. Pour enrichir les possibilités d’animation d’éléments infographiques ou de titres, une nouvelle fenêtre Keyframes dédiée est accessible directement depuis la page Montage dans l’emplacement commun aux effets et au media pool. Elle offre deux modes de visualisation. Le premier affiche les images clés des différents paramètres superposés. L’affichage des courbes permet d’affiner et de lisser les animations. Les lignes d’images clés des paramètres peuvent également être affichées sous la timeline.

 

Étalonnage

Cette page s’était récemment déjà enrichie de superbes fonctionnalités, telles que la palette ColorSlice à six vecteurs modifiant l’apparence selon des procédés de travail des couleurs soustractifs ainsi que l’effet Film Look Creator ou l’outil de réduction de bruit UltraNR basé sur le moteur DaVinci AI Neural Engine. La version 20 ajoute des modes de fusion directement accessibles sur les nodes sans obliger de passer par les nodes calques (layer nodes). La carte de disparité (ou de profondeur Depth Map) est améliorée.

 

Chroma Warp est un nouveau venu dans les outils Color Warper de la page Étalonnage. © DR

C’est également le cas du Magic Mask qui évolue en version 2 avec une puissance et une facilité d’utilisation impressionnante. L’outil Color Warper qui disposait de deux fenêtres permettant de modifier en une seule étape deux paramètres (teinte/saturation et chroma/luma) est complété du Chroma Warp très intuitif grâce à une interface utilisateur permettant de manipuler les couleurs au sein d’un graphique rappelant les affichages de l’espace CIE 1976. Les échanges entre différents membres d’une production sont facilités grâce à la nouvelle mouture de l’outil de monitoring à distance qui permet de streamer au format H.265 en 4:2:2 et d’afficher les Power windows (zones ciblées d’étalonnage) sur le moniteur de référence. Un rapport d’analyse des niveaux HDR peut être généré pour chaque média, permettant de vérifier les fichiers Master avant de les envoyer en diffusion.

Chaque page bénéficie d’outils nouveaux, mais ce sont surtout les incroyables avancées de l’IA corrective et générative que la version 20 de DaVinci Resolve illustre avec une grande dextérité. Les fonctionnalités collaboratives du cloud bénéficient également d’avancées très pertinentes et concrètes !

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest # 62, p.98 – 102