Le tournage de L’Empereur de Paris, réalisé par Jean-François Richet, s’est fait sur une friche de l’ancien aéroport de Bretigny-sur-Orge, dont la gestion a été confiée au groupe TSF. Un décor y a été construit, reprenant des rues du Paris du XIXe siècle. Plus précisément ce sont les rez-de-chaussée et premiers étages des bâtiments qui ont été construits, tout le reste étant de l’extension numérique de décor. Cette méthode permet ainsi de jouer sur le meilleur des deux mondes, celui des décors et celui du numérique, tout en réduisant les coûts de fabrication s’il avait fallu tout reconstruire en plateau en France ou à l’étranger. Ce genre de décor n’est plus disponible en naturel. Une prouesse réalisée par la société CGEV (Compagnie générale des effets visuels).
Le tournage de L’Empereur de Paris s’est déroulé du 25 septembre au 8 décembre 2017. En parallèle, les équipes de la CGEV travaillaient sur les recherches iconographiques, les premières modélisations en totale adéquation avec le chef décorateur sous l’œil du réalisateur : « Jean-François Richet est très exigeant et il connaît parfaitement l’histoire, les détails architecturaux, les métiers de rue de cette époque. Nous avons je pense une image assez fidèle de ce que pouvait être le Paris de cette époque », commente Alain Carsoux, président de la CGEV.
Les sociétés d’effets visuels sont habituées à faire des extensions de décor en numérique, le matte painting (ou peinture sur verre) est l’un des fondamentaux des effets visuels, mais dans ce film, cette technologie est portée à son paroxysme.
Habituellement, dans un film d’époque, la caméra est contrainte dans son cadre, dans la taille des plans. Les acteurs sont filmés en gros plan pour éviter les découvertes. Ici, il y a une totale forme de liberté dans la mise en scène ; il revient aux équipes de la CGEV de se débrouiller. Il y a eu aussi très peu de recours aux fonds verts, comme le fait remarquer Alain Carsoux.
« Il était impossible de mettre des fonds verts, car il aurait fallu en construire sur des dizaines de mètres, ce qui économiquement n’était pas viable, ni techniquement car cela demande de la construction. Nous avons donc, hormis pour quelques plans particuliers, tourné sans fond vert. »
Le réalisateur a une forme totale de liberté, il filme comme il veut sans se soucier de l’arrière-plan, cela permet de filmer plus rapidement. Toutefois, pour que cela fonctionne bien, il faut être précis en amont. « Plus les plans sont anticipés, plus nous gagnons du temps sur la postproduction, sur l’étalonnage. Le workflow était plutôt fluide et même s’il y a eu des moments de tension, tout s’est plutôt bien passé », souligne Alain Carsoux.
Tournage hybride
Le film a été tourné de manière hybride en pellicule et numérique. Environ 25 % du film est en 35 mm et le reste a été tourné avec des caméras Arri Alexa. La pellicule a été scannée en 4K et les fichiers Alexa débayrisés pour avoir un look désaturé proche de l’image 35 mm. Certaines séquences ont nécessité jusqu’à trois caméras, soit environ 2,5 To de données par jour. La pellicule était développée chez Hiventy et scannée en HD pour le montage.
Le montage s’est fait au sein de la CGEV avec du matériel fourni par Dum Dum Films et c’est le labo qui a fait l’étalonnage. Le film comprend de nombreux plans truqués (450 plans), ce qui est toujours critique au niveau du montage et de l’étalonnage, mais la synergie et les workflows mis en place entre la CGEV et le labo ont permis de postproduire le film sans douleurs excessives !
Cette méthode de tournage (décor et extension numérique) doit pouvoir se développer sur d’autres projets. Le rapport entre la qualité finale des images et l’investissement n’a aucune commune mesure avec un tournage conventionnel en décors réels ou en plateau. Cette carte de visite devrait permettre à la CGEV d’attirer de nombreux projets, y compris étrangers.
Le budget sur les effets est d’environ 1,5 M € – il y a eu jusqu’à 60 personnes lors des pics de production. Toute la partie modélisation a été faite sur Maya et le rendu avec V Ray. Les séquences les plus complexes ont nécessité jusqu’à 36 heures de calcul (plus de 3 000 frames). Parmi les séquences les plus complexes à réaliser, celle de la construction de l’Arc de Triomphe, le plan de survol du marché et la séquence de fin sur la cour du Louvre.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #30, p.88/89. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.