M. C-A. : Le secteur privé et plus précisément la radio…
H. R. : La radio est un média qui me passionne ! Dès l’âge de 4 ans, je tapotais déjà sur les touches des vieux postes en bois que mes parents avaient à l’époque, et j’écoutais la radio. Je suis arrivé à la CLT et j’y ai géré un réseau FM : je suis devenu directeur général du réseau Maxximum créé par RTL. Par la suite, RTL a vendu une partie de ses parts à un groupe espagnol, Prisa, devenu M40. J’ai alors été conseiller du directeur général de RTL, Rémy Sautter. J’ai passé quatre ans auprès de lui et de Jaques Rigaud. Une très belle expérience…
M. C-A. : Vous partez ensuite diriger le Syndicat national de l’édition phonographique ?
H. R. : Oui, j’ai eu cette proposition d’être directeur général du Snep. Et je ne m’attendais pas à diriger un quelconque syndicat. Comme je suis éclectique et que j’aime la musique, cela m’a séduit. J’ai appris beaucoup au Snep en côtoyant des producteurs, des artistes… Cette belle histoire a duré 14 années, marquées par deux grandes périodes. L’une où l’industrie phonographique allait plutôt bien (entre 1994 et 2001) et l’autre (à partir de 2001) assombrie par la crise du disque et la piraterie sur Internet. Ce bouleversement rebattait les cartes : c’était intéressant et il fallait se battre ! Internet a créé l’illusion de la quasi gratuité des contenus. Pourtant, pirater des oeuvres c’est assécher les revenus des auteurs et l’investissement dans les oeuvres nouvelles. Et le public ne le comprend pas toujours… Si certaines grandes stars s’en sortent bien dans ce système, les artistes en général gagnent le Smic. C’est aussi pour cela que le régime des intermittents du spectacle n’est pas galvaudé, il est utile.
M. C-A. : Peut-on parler de clivage entre les auteurs et les producteurs ?
H. R. : Je n’aime pas trop les clivages absolus où l’on opposerait systématiquement les producteurs aux auteurs, les éditeurs aux écrivains, les diffuseurs aux producteurs. Certes, de grandes divergences d’intérêts entre les auteurs et les producteurs existent, sinon la Scam n’aurait pas vu le jour. Les producteurs sont souvent mal vus. On considère qu’ils vivent sur le dos des artistes ; c’est un peu plus compliqué que cela. Beaucoup de producteurs sont des amoureux de musique, d’écriture, de cinéma… Il peut donc y avoir des conflits, et il y en a ! En même temps, sur un certain nombre de sujets comme la défense des droits, la diversité culturelle, la création française, on peut se retrouver autour d’objectifs communs importants ! Il faut construire des ponts entre tous ces corps de métiers. La Scam a ce souci, en privilégiant le dialogue et la concertation.
M. C-A. : Aujourd’hui vous êtes le directeur général de la Société civile des auteurs multimédia…
H. R. : J’ai accepté de diriger la Scam, car cela me rapprochait des problématiques des auteurs. Je pense avoir une bonne connaissance de l’écosystème culturel. Par ailleurs, ma formation en droit m’apporte la logique, la rigueur et la méthode pour maîtriser les problématiques de gestion collective. En effet, la Scam intervient dans un cadre réglementaire avec un fort aspect de gestion de droits. Je m’y situe bien.
M. C-A. : Considérez-vous que les auteurs soient bien défendus en France ?
H. R. : Oui. Je pense honnêtement que la France est l’un des pays où les auteurs sont le mieux défendus. Ils le sont déjà par les pouvoirs publics lors d’arbitrages ou de décisions politiques, y compris au niveau de l’Union européenne. On le voit, en ce moment, dans l’analyse que fait le gouvernement français de la nouvelle Commission de M. Jean-Claude Juncker, qui a appelé à une réforme en profondeur du droit d’auteur. Globalement, la France défend et préserve le droit d’auteur. Elle a un rôle très important, même dans le débat européen, concernant les questions culturelles et celles de la propriété artistique. De nombreux Européens attendent de la France qu’elle prenne des positions fortes sur ces sujets.
M. C-A. : Le droit d’auteur, selon vous, pourrait-il être menacé ?
H. R. : L’auteur doit pouvoir autoriser ou non l’utilisation de son oeuvre. Certes, il peut être complexe d’expliquer ce qu’est le droit d’auteur, car c’est une matière technique. Mais le droit d’auteur est tout simplement le droit de négocier l’intégrité et la valeur de son oeuvre. Chaque auteur doit avoir la capacité de négocier ou non son oeuvre, cela le protège ! Le mécanisme de licence globale ou de gestion obligatoire l’en empêche. Ce sont les enjeux actuels, autour du rapport de Julia Reda voté au Parlement européen le 9 juillet, en Commission. La vigilance est nécessaire du fait de la présence du numérique. La Scam défend un système qui consiste à avoir un modèle contractuel de négociation des droits. L’élargissement de l’Europe ouvre la porte à différents points de vue… Nous devons construire une Europe culturelle, avec des mécanismes économiques qui préservent les financements liés à l’identité de chaque pays membre…
M. C-A. : Êtes-vous satisfait du succès de la journée « Auteurs&Co 2015 : Marché unique… Culture unique », un colloque organisé en mars dernier par la Scam ?
H. R. : Oui, cette journée bisannuelle a été une réussite. Je l’ai voulue pour les artistes, à travers des débats, sur des sujets importants. Auteurs, documentaristes, scénaristes, journalistes doivent faire entendre leurs voix puisqu’ils sont l’âme de la Scam. Cette journée 2015 a été opportunément axée sur l’Europe. Ce que j’en retire, et cela nous a donné un motif de satisfaction, c’est qu’elle a servi la cause au niveau européen. La ministre Fleur Pellerin, la sénatrice Catherine Morin-Desailly, le député Patrick Bloche étaient présents. Catherine Morin-De-Julia Reda ; elle l’a reçue par la suite… Un colloque donc constructif ! Ces journées doivent être des rencontres avec des confrontations et aussi des avis divergents ! La Scam est multi-répertoire. Auteurs&Co a réuni des gens du livre, de l’audiovisuel, de la radio… Et je n’ai pas hésité à inviter Arnaud Noury, le président d’Hachette, qui s’exprime de façon très pertinente quant à la défense de son métier. Cette journée a réussi son pari : prendre des positions au moment où le débat européen démarrait ! Et la franchise est cruciale, quand il s’agit de bien public : les choses doivent être dites.
M. C-A. : Comment peut-on adhérer à la Scam ?
H. R. : La Scam est une société civile au capital variable. Et les auteurs sont adhérents s’ils ont des oeuvres qui sont exploitées. Nos principaux répertoires télévisuels sont le documentaire et le reportage. En radio, cela est plus diversifié ; on y trouve des chroniques, des tribunes (tous les textes écrits)… Nous couvrons aussi le domaine de la photographie avec des centaines de photographes adhérents. La Scam accueille également les auteurs des arts numériques sur le web. Et de très nombreux écrivains sont membres de la Scam. Certains de nos auteurs sont pluridisciplinaires. Cette année, sur près de 38 000 auteurs, plus de 10 000 auteurs ont déclaré des œuvres de l’écrit !
M. C-A. : La Scam est donc une société de perception et de répartition des droits d’auteur, mais aussi de gestion de droits…
H. R. : Il y a deux formes de gestion : celle dite volontaire, telle la négociation d’accords avec des chaînes de télévision publiques ou privées ; et la gestion collective obligatoire fixée par la loi comme le droit de prêt, la reprographie, la copie privée… L’intérêt d’adhérer à la Scam est évidemment d’espérer toucher des droits pour les oeuvres exploitées. Notre Maison des auteurs, au sein de la Scam, organise des réunions d’informations et d’échanges. Nos membres ont accès à des formations. Les adhérents peuvent venir y travailler librement. L’auditorium permet aux auteurs de documentaires et de reportages de diffuser leurs films. Nous intervenons aussi socialement, avec des aides aux auteurs les plus en difficulté. Notre action culturelle existe grâce à la rémunération pour copie privée. Ce budget, de 1’ordre de 1, 7 million d’euros, représente une activité importante de la maison ; les auteurs y sont très attachés. Il est destiné, pour partie, à des bourses ou à des prix avec des dotations aux auteurs. « Brouillon d’un rêve » octroie des bourses d’aides à l’écriture. Ce programme de bourses est décliné dans tous les répertoires. Nous remettons aussi des prix comme les Grands Prix de la Scam et d’autres, en partenariat avec des festivals. Le jury de nos « Étoiles de la Scam » détermine, parmi tous les films diffusés à la télévision, les trente plus remarquables de par leur qualité. La liste est dévoilée chaque année au Sunny Side of the Doc, lors d’une conférence de presse. Chaque année, le président est un documentariste connu ; cette année il s’agissait de Stan Neumann.
M. C-A. : Lors de votre conférence de presse au Sunny Side cette année, vous avez annoncé également la signature d’une charte qui vient réguler les relations entre auteurs et producteurs…
H. R. : C’est un sujet important ! Nous avons mis deux ans à négocier cette charte avec les producteurs. J’évoquais mon souci d’avoir des relations apaisées, de confiance et professionnelles, avec les producteurs. Certaines choses ne vont pas dans les relations entre les producteurs et les auteurs, comme l’absence de reddition de comptes pour certains producteurs… Nous avons mis tout à plat, en rédigeant cette charte, des bons usages et des bonnes pratiques. Ce document est en vigueur depuis peu de temps. Il va falloir faire un travail de suivi effectif pour savoir si les producteurs respectent cette charte. Maintenant, nous souhaiterions, avec les auteurs et les producteurs, signer une Charte des bonnes pratiques avec les chaînes publiques. Il s’agit d’élaborer un document sur la manière de travailler ensemble. Il faut respecter les territoires de chacun.
M. C-A. : Que pensez-vous de la Charte des bonnes pratiques signée entre les professionnels de la publicité et les ayants droit…
H. R. : Il est positif que Fleur Pellerin ait pu obtenir cet accord, tant il est vrai qu’on ne peut accepter de voir des offres de téléchargement illégal se financer avec de la publicité. Il était grand temps d’agir. Reste à voir si les annonceurs seront de bonne volonté et respecteront leurs engagements.
M. C-A. : Quels sont vos principaux objectifs à venir ?
H. R. : Maintenir notre niveau de perception, d’un montant de 100 millions d’euros, pour soutenir la création culturelle française. Et le débat sur le montant et le périmètre de la redevance reste crucial. Nous nous battons pour que les moyens de France Télévisions et d’Arte soient maintenus ; c’est fondamental. Réussir la réforme du Cosip avec le CNC, pour le documentaire dit de création. Résoudre les problèmes professionnels en régions, dus à la situation très difficile des télévisions locales et à la diminution des aides aux collectivités locales. Il faut un tissu productif dynamique au niveau régional. Nous avons, bien entendu, le devoir de garantir que le droit d’auteur n’est pas menacé en Europe. Notre nouvelle présidente Anne Georget va se pencher sur tous ces sujets de gestion de droits et de défense du métier d’auteur… Il y a fort à faire.