Femmes techniciennes au cinéma, quel défi !

Depuis #metoo, l’industrie audiovisuelle s’est penchée avec attention sur la problématique des VSS (Violences Sexistes et Sexuelles). Des formations obligatoires ont été mises en place par le CNC et le statut d’ambassadeur référent est en train d’émerger. D’autres mesures pourraient-elles être légitimes ? Lors du Paris Images en février dernier, quatre techniciennes du cinéma ont fait part de leurs réflexions sur la question.
Cette table ronde a eu lieu lors du Paris Image 2023 © Enora Abry

Du nouveau en 2023 pour la lutte contre les VSS ! Depuis janvier, le CNC a rendu obligatoire les « formations violences sexistes et sexuelles » pour les exploitants. D’une durée d’environ trois heures et animées par l’AVFT, celles-ci sont une condition pour recevoir les aides du centre national. Cette initiative fait suite au lancement d’un kit de prévention à destination des professionnels en avril 2022.

 

Des formations complémentaires à celles du CNC

Bien que les cinq femmes de la table ronde saluent la décision du CNC, celle-ci se doit néanmoins d’être complétée par d’autres types de formation, d’une durée plus longue et adapté aux responsabilités de chaque formé. Dans cette optique, la CST s’est allié à Egae, un créateur de formation, pour construire des formations aux luttes contre les violences et harcèlement. D’un à trois jours, celles-ci se déclinent selon le statut du formé : salarié, directeur de structure ou futur ambassadeur référent. L’objectif étant aussi de démocratiser ce dernier rôle pour qu’à terme, un ambassadeur référent soit présent sur chaque tournage.

« Durant cette formation, selon les niveaux, on apprend à accueillir la parole des victimes, à faire des enquêtes internes, des rapports d’enquêtes. On apprend aussi à gérer la charge mentale que cela représente et à mobiliser les autres salariés à la question des violences », détaille Sarah Caillé-Sauteron formatrice du groupe Egae.

Un programme qui a été bénéfique à Sophie Lainé Diodovic, directrice de casting. « J’ai beaucoup aimé la formation. On y comprend l’importance des mots et surtout le fait que l’on sous-qualifie toujours tout. »

 

 

 

Revaloriser le travail des femmes

 La lutte contre les violences n’est pas le seul combat qui anime les femmes dans la profession. Les techniciennes du cinéma présentes l’affirment : il faut que leur travail soit reconnu à sa juste valeur.

« Avec la LSA nous avons réfléchi à notre situation particulière car nous sommes les seules femmes à être historiquement sur les plateaux. Pour nourrir cette réflexion nous avons rencontré Rachel Silvera qui est économiste et maitresse de conférences. Elle nous a bien expliqué que notre métier étant à majorité féminine, il n’était donc pas reconnu à sa juste valeur », raconte Estelle Bault, scripte et membre de la LSA. Une problématique que la LSA tente de résoudre. « Nous sommes à la recherche de nouveaux critères que ceux du genre pour évaluer la valeur d’un métier. Notre but final est de montrer que celui de scripte est sous-évalué. »

 Une démarche que l’association française des costumiers, l’AFCCA a également entrepris. « En tant que costumière ou habilleuse, nous endossons souvent des responsabilités supplémentaires à celles de nos métiers, comme veiller au confort des acteurs par exemple, nous voulons que ces mentions figurent dans les conventions collectives », déclare Marie Frémont, créatrice de costume et membre de l’AFCCA.

Cette prise en compte de la valeur du travail est un premier pas vers l’égalité économique, qui n’est toujours pas atteinte contrairement aux apparences. « Si nous comparons nos métiers à ceux de la déco : le salaire d’un chef décorateur est sensiblement le même que celui d’un créateur de costume. Sauf que très souvent une femme va se faire embaucher au titre de chef de costume, qui est un grade un dessous. C’est là que la différence de salaire se niche », développe Marie Frémont.

« Quand on est une femme, le minima devient le tarif », résume Sophie Lainé Diodovic.

 

 

Favoriser la parité lors des tournages

Selon les participants de la table ronde : les femmes sont peu présentes sur les plateaux ou dans les chaines production, parquées dans des métiers « à faible possibilité d’évolution et souvent administratifs », commente Estelle Bault.

Favoriser leur présence et les rendre visible, c’est l’objectif du collectif 50/50. A cet effet a été créé la bible 50/50 qui recense les professionnels de l’audiovisuel.

« Dans cette bible, y a environ 80% de femmes, des hommes mais aussi des personnes non-binaires. Elle permet de mettre en valeur ces profils peu représentés et ce de manière complètement gratuite. Nous avons aussi ajouté un système de tags pour les ambassadeurs référents sur la question des VSS. Les recruteurs peuvent utiliser la bible et trouver facilement un référent pour leurs tournages », souligne Mathy Mendy, coordinatrice de la bible 50/50.