Fréquence, la qualité de service avant tout

Fréquence s’est spécialisé dans la location de matériel audio pour le broadcast, l’événementiel, notamment sur la HF, l’intercommunication et les réseaux audio numériques. Il franchit cette année une nouvelle étape. Entretien avec Julien Périlleux, son président et fondateur.
Un soin particulier est apporté à la préparation du matériel, tout est testé et rangé pour faciliter les départs. © DR

 

La société s’est développée rapidement en étoffant en permanence son parc de matériel lui permettant de gérer des projets de grande envergure. Elle a accrue son périmètre en faisant l’acquisition, il y a un an, du loueur de matériel audio pour le cinéma A4 Audio. Une nouvelle étape sera franchie cette année avec un déménagement prévu cet été.

 

Julien Périlleux, président et fondateur de Fréquence. © DR

Quand la société Fréquence a-t-elle été créée ?

Fréquence a été créée il y a douze ans. J’étais, à cette époque, directeur technico-commercial chez Silence. J’ai décidé de quitter la société. J’ai eu plusieurs propositions mais j’avais des envies d’entreprenariat. J’ai rencontré Bernard Scyeur, dirigeant de RF Transmission, qui cherchait à se ré-établir en France. Je n’étais pas passionné par la HF mais je sentais qu’il y avait un potentiel de développement. Nous nous sommes bien entendus et nous avons décidé de créer cette structure qui était à quelques centaines de mètres des locaux actuels. Ce bureau était un bureau commercial entre la Belgique et la France. Nous avons travaillé ensemble dix-huit mois jusqu’en en mai 2012, date à laquelle nous nous sommes séparés. J’ai racheté toutes les parts de la société pour me permettre de disposer d’une structure déjà opérationnelle.

L’ADN de Fréquence s’articule aujourd’hui entre location et support technique. Nous sommes loueurs de moyens techniques audio et pouvons dans certains cas fournir des techniciens en support sans remplacer pour autant les techniciens de nos clients. Hormis de rares cas et avec certaines productions, nous nous tenons à cette philosophie.

 

Pour étoffer son offre, Fréquence a fait l’acquisition de plusieurs consoles de mixage, proposant un seul intermédiaire pour ses clients. © DR

 

Comment l’entreprise a-t-elle évolué ?

À partir de 2012, j’ai continué et développé la partie transmission audio HF. En 2016, Philippe Delépine et Jean-Luc Gérards (Audiopole/CSI) sont venus me présenter un boîtier Freespeak de Clear-Com. J’ai tout de suite été séduit et j’ai passé commande. À cette époque, Overline Systems était l’intercom privilégié sur les plateaux TV.

J’ai proposé aux équipes de France Télévisions de faire les Victoires de la Musique avec quarante boîtiers FreeSpeak sur une matrice Eclipse Median. À l’époque, c’était complètement fou. Ce fut un vrai succès et les clients ont vu rapidement que cette technologie permettait de multiplier les postes sans multiplier les fréquences HF dans un spectre déjà amputé des deux dividendes numériques. Là où l’on comptait cent-quarante fréquences pour les HF et les Overline, il n’en fallait plus qu’une soixantaine pour les micros et IEM.

J’ai acheté quarante postes puis quatre-vingts, et enfin cent-vingt car cela marchait très bien. Le Freespeak était précurseur sur le marché et les équipements étaient très robustes. Depuis, nous avons diversifié notre offre avec le Boléro de Riedel. À l’époque, il fallait une antenne pour cinq boîtiers Freespeak alors que les antennes Boléro pouvaient gérer dix boîtiers avec un roaming parfait entre elles. La technologie Riedel Bolero simplifiait le déploiement avec un dimensionnement totalement différent en AES67. Depuis, Clear-Com est aussi passé à l’AES67 et les systèmes DECT sont maintenant identiques.

Pour être compétitif sur le marché broadcast et pas uniquement sur l’événementiel et le live, il fallait que je me rapproche d’une marque broadcast comme Riedel. J’ai imaginé un plan de financement global en investissant tous les ans car je n’avais pas les moyens de tout acheter en même temps. En ce début d’année, nous venons de finaliser un large investissement chez Riedel. Notre stock s’est étoffé et comprend aujourd’hui : trois cents boîtiers Boléro, cent antennes, des matrices Artist 1024, 64, 32 et 120 panels nouvelle génération Série 1 200.

Parallèlement au développement de l’intercom avec Riedel, Clear-Com et un peu de RTS, nous avons continué notre investissement dans le domaine HF. Nous avons quatre principaux fournisseurs : Sennheiser, Shure, Wisycom et AudioLtd (Sound Devices) pour la partie tournage. Notre philosophie est de faire maintenant de la profondeur de parc. Nous ne diversifions plus les investissements en nous limitant aux principales références. Le but est de répondre sur des demandes qui sont de plus en plus conséquentes. Le développement des transmissions numériques a permis de maximiser le nombre d’émetteurs et a facilité leurs gestions. Nous gardons un œil attentif sur toutes les dernières innovations et sommes prêts à dégainer à tout moment.

 

Fréquence dispose d’un des plus importants parcs d’intercom Bolero de Riedel, pour répondre à tout type de demande y compris sur des opérations complexes. © DR

Outre la HF et l’intercom, quelles sont les autres technologies que vous proposez ?

Entre intercom et HF, nous avons suivi également depuis dix ans le développement de l’audio sur IP. Nous avons choisi et investi sur des switchs Luminex. Le choix s’est fait sur une seule marque car le produit répond pleinement à nos besoins et nous pouvons les proposer en très grandes quantités. Nous avons agrégé à cette partie réseau tous les compléments « couteaux suisse » comme des convertisseurs DirectOut Technology, Auvitran, Focusrite, horloges et autres pour proposer une offre complète quel que soit le format AOIP choisi.

Nous avons notamment investi ces derniers temps dans des consoles de mixage en sélectionnant Yamaha Rivage pour les événements, l’institutionnel (Yamaha représente 70 % des consoles vendues dans le monde) et pour le broadcast nous venons de faire l’acquisition des consoles MC2 36 MKII de Lawo, consoles all-in-one, qui offrent une ouverture vers le SMPTE 2110 et qui complètent notre offre de consoles broadcast des Calrec Brio. Notre activité est quasi exclusivement audio avec toutefois une offre en grilles vidéo distribuées Riedel Mediornet et Ereca StageRacer 2 pour donner suite aux demandes de nos clients. Cette partie se développe bien et nous réfléchissons à un nouveau business plan pour compléter notre offre car les budgets d’investissements sont plus importants. Nous comptons aujourd’hui une trentaine de machines et les demandes augmentent toujours.

Certains clients souhaitent aujourd’hui prendre le maximum de produits au même endroit car les temps et les coûts de transport explosent en région parisienne. Il faut donc leur apporter de la volumétrie tout en gardant une qualité de préparation optimale pour toutes leurs opérations. Nous intervenons sur des installations de grandes envergures qui nécessitent énormément de moyens. Cela créé un effet boule de neige sur notre parc et nous a permis de répondre maintenant à une multitude de demandes simultanées. Notre objectif reste inchangé : se tenir au plus près de nos clients, pouvoir les conseiller et les aider le plus possible aussi bien techniquement que financièrement.

 

Comment se sont passées les deux dernières années ?

Durant ces deux dernières années, nous avons pu résister à la crise en étant sur plusieurs marchés. Sur l’année 2021, Fréquence et A4 Audio ont connu une croissance importante de près de 30 %. Ce succès est en partie dû à la politique de profondeur de parc initiée depuis 2019 chez Fréquence et aux nouveaux investissements chez A4 Audio.

Durant la période Covid, j’ai continué à embaucher du personnel sur la partie SAV, la logistique et j’ai renforcé la partie préparation. C’est le nerf de la guerre pour un loueur d’avoir du matériel quasi neuf et une qualité de service exemplaire. Je prends souvent exemple sur les loueurs de voitures qui doivent avoir un parc en renouvellement permanent pour proposer les derniers modèles en excellent état. On ne vient pas louer aujourd’hui une voiture sortie il y a dix ans, rayée et affichant 100 000 km au compteur.

 

Le rangement, c’est le nerf de la guerre des loueurs, car un câble manque et la prestation peut être menacée. © DR

Quelle sera l’actualité des prochains mois ?

Nous allons, cet été, déménager sur un nouveau site de 2000 m2. Nous multiplions la surface par 4 et rapatrions A4 Audio dans les mêmes murs pour globaliser les parcs de matériels. Ce nouveau site va un peu changer notre organisation et surtout nous permettre de mieux structurer l’entreprise. Nous cherchons à pouvoir répondre de manière plus industrielle, tout en gardant notre philosophie du prêt à l’emploi. Pour optimiser la qualité de préparation, nous avons besoin de place, de moyens humains, de nouvelles machines et de stocker des kits tout faits.

Nous voulons rester à proximité de nos clients et cet emplacement sur les EMGP est idéale. Tous nos collaborateurs habitent Paris ou la proche banlieue et je ne souhaite pas partir à 20 ou 30 km de là. Nous sommes dans la logique de la logistique du dernier kilomètre et restons à proximité de Paris et de tous les accès routiers importants (périphérique, A1, A3, A86).

Le déménagement se fera en août car c’est le seul moment où l’activité baisse de 30 %. La fin d’année 2021 a été en surchauffe. La suractivité post-Covid et la réalisation des événements reportés, nous ont obligés à être sur le front en permanence. La nécessité de déménager nous a sauté aux yeux. Ce déménagement est un passage important. Cela va faciliter la gestion de A4 Audio, augmenter les synergies entre les entreprises, globaliser les stocks de matériels. La HF est la même. Depuis que nous avons intégré le catalogue de A4 au catalogue de Fréquence et vice-versa, nos clients ont élargi leurs demandes. A4 se développe bien, a besoin de place et doit faire évoluer son fonctionnement.

A4 Audio a été repris il y a un an. 2021 a été une bonne année avec une large augmentation du chiffre d’affaires et un doublement du parc de location. Nous sommes passés de huit à seize Cantar X3 entre autres. Jimmy Martin dirige ce pôle tournage.

Fin mars 2022, il y aura seize personnes sur les deux structures. Du fait du nouveau bâtiment qui va demander plus de travail au quotidien, certaines fonctions externalisées vont être internalisées et nous allons embaucher. Jusqu’à présent nous sommes tous capables de faire un devis, mettre en service un matériel et prendre un camion pour livrer un client. Dans le futur, nous allons répartir un peu plus les tâches.

 

Y a-t-il des évolutions dans les méthodes de travail pour le cinéma ?

Il y a des évolutions sur le marché du cinéma, mais il y a une dimension financière qui est archaïque et qui pose des problèmes à cette modernisation. On m’a expliqué, quand je m’y suis intéressé, que les acteurs présents depuis longtemps sur le marché avaient décidé que le kit de tournage d’un long-métrage se proposait à environ 1 500 euros la semaine. En faisant le calcul des investissements nécessaires pour créer un tel kit de tournage, l’enveloppe s’est avérée a minima de 100 000 euros et nous connaissons aujourd’hui des augmentations drastiques des prix des matériels et des coûts de transport. Nous devons faire évoluer ces prix pour pouvoir continuer à fournir cette qualité de service et renouveler en permanence les équipements.

Il y a une tendance à mettre de plus en plus de matériels sur les tournages mais les budgets n’évoluent pas, voire sont à la baisse. Il faut que nous trouvions tous ensemble une solution pour que tout le monde y trouve son compte.

En termes d’innovations, l’audio numérique Dante arrive de plus en plus sur les tournages cinéma. Nous accompagnons les ingénieurs du son à les intégrer dans leurs workflows.

 

Fréquence s’est développée rapidement en étoffant en permanence son parc de matériel lui permettant de gérer des projets de grande envergure © DR

Et sur le matériel ?

Nous avons acheté une machine pour tester les microphones et nous prévoyons une pièce dédiée dans le prochain bâtiment. Nous voulons donner accès à nos clients aux courbes de réponse des micros actualisées à chaque location. L’objectif est très haut mais nous souhaitons automatiser ce test. Le microphone est placé dans l’étrier, on lance le test et on obtient instantanément le résultat. C’est un gros investissement mais c’est dans notre démarche de qualité. Grâce aux fiches stockées dans l’ordinateur, on peut tout de suite comparer la réponse par rapport à un micro neuf ou étudier son comportement au fil de l’eau.

Nous réfléchissons en broadcast sur l’immersif. Nous avons des idées et le matériel pour le faire mais c’est encore expérimental. Nous sommes à un moment charnière entre la technologie, la façon de produire et les innovations permanentes.

La baisse des coûts de production oblige souvent nos clients à circonscrire au minimum les équipes techniques. Les parties montage et démontage sont dures à valoriser. Ce sont des temps très coûteux : il faut donc les aider à aller plus vite. Nous nous sommes inspirés des préparations des kits de tournées dans le live. Les conditionnements doivent être adaptés à un déploiement ultra-rapide avec les machines déjà programmées. Nous programmons en fréquences, nous identifions tous les émetteurs et tous les récepteurs. Lorsque les opérateurs son arrivent sur une prestation, ils n’ont pas beaucoup de temps pour tout labéliser, tout programmer et tout tester : nous devons leur faciliter la tâche.

Autre exemple, nous avons maintenant neuf cents micro-casques pour l’intercom et la qualité du casque est le nerf de la guerre. Un casque défectueux et le système ne marche plus. Il faut du temps pour les tester et les ranger. C’est quasiment un équivalent temps-plein pourvu à cette tâche.

 

Comment se répartissent vos marchés ?

Le marché broadcast représente 60 % du CA, mais c’est difficile de cerner précisément ce que font nos clients prestataires. Avec le Covid, l’événementiel a changé en intégrant la partie streaming qui utilise beaucoup plus les technologies broadcast. Les frontières sont de plus en plus minces entre les différents secteurs d’activités.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #46, p. 34-37