Futur des VFX : tout se joue avant… et après

Dans le cadre du Screen4All Forum qui s’est tenu à la Cité de la Danse en Octobre dernier, la conférence sur l’avenir des effets spéciaux visuels a permis d’apporter deux éclairages pertinents sur les récentes innovations made in France.
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Face aux récentes évolutions dans le domaine de l’image, désormais numérique de bout en bout, il convient de se poser plusieurs questions dont celles de l’optimisation de la production des contenus, l’hybridation entre la prise de vue réelle et les images virtuelles ou encore les automatisations de postproduction. Des sociétés comme Nexyad ont fait le pari de développer des outils d’étalonnage pré-calibrés pour une plus grande efficience. Plus en amont, le projet Previz prévoit d’intégrer, comme son nom l’indique, la prévisualisation sur le plateau de tournage. Explications.

 

La prévis’ sur un plateau

La prévisualisation a pris ses marques depuis plusieurs années dans le pipeline de production d’un long-métrage. Plusieurs sociétés, comme The Third Floor et Halon aux États-Unis et en Grande-Bretagne ont déjà de nombreux blockbusters à leurs compteurs. En France, Studio 20 a développé des solutions de studios virtuels et de prévisualisation performantes.

 

Souvent utilisée comme un garde-fou pour les réalisateurs et une assurance pour les producteurs sur des films intégrant de nombreux effets visuels, cette tendance s’est insinuée à chaque étape : pitchvis pour soumettre des projets aux producteurs, techvis pour valider les choix logiciels en amont, postvis pour valider les prises de vues, la prévisualisation est partout. Y compris sur le plateau.

 

Pour Christian Guillon, fondateur de L’EST – précurseur de la présence sur le tournage d’un superviseur VFX – et d’ADN, agence de doublures numériques, la prévisualisation sur le plateau (ou Previz on Set) est un « outil d’assistance à la mise en scène. La prévisualisation permet au réalisateur de voir en direct ce qu’il ne pouvait voir auparavant qu’en postproduction : la composition finale de tous les éléments de l’image. Mais elle lui permet surtout d’agir sur ces éléments, de les diriger ensemble, dans un même geste de mise en scène ».

 

C’est dans cette optique qu’avance le projet Previz, initiative menée conjointement depuis juin 2013 par Technicolor, Ubisoft, SolidAnim, Loumasystems, Polymorph ainsi que l’Insa Rennes, CNRS-LIRIS, Gipsa-lab et l’ENS Louis Lumière, en partenariat avec les pôles régionaux Cap Digital, Imaginove, Images et Réseaux mais également BpiFrance, les régions Île-de-France et Bretagne sans oublier le département de Seine-Saint-Denis. « Les objectifs de Previz, résume Gérard Briand, responsable du projet Previz pour Technicolor, sont de proposer sur le plateau de tournage une prévisualisation via une caméra virtuelle des VFX pour une approche fine de ceux-ci. »

 

Le meilleur des mondes

Théoriquement, il s’agit de prendre le meilleur des étapes de fabrication déjà présentes sur un flux de production : storyboard en amont, matchmove, rotoscopie, compositing, animation et rendu en aval pour les intégrer au stade de la prise de vues.

 

Pour « lier » images de synthèse et prises de vues réelles, le projet s’appuie, dans un premier temps, sur la solution de tracking sans marqueur de SolidAnim, adaptable sur tout type de caméras et même sur caméra portée par la Louma2. Ce compositing nécessite une gestion fine du Z rendue possible par la combinaison de deux sources d’information de profondeur – un couple de caméras stéréoscopiques – et l’utilisation de l’outil de mesure présent dans la Kinect PrimeSense. Ces informations, une fois croisées, permettent d’obtenir une map de profondeur que le compositeur utilise ensuite pour intégrer les éléments virtuels dans la scène, sur le plateau.

 

La troisième phase d’innovation porte sur le rendu temps réel. « L’idée est d’apporter une cohérence entre les éléments physiques et virtuels de la scène notamment sur la partie éclairage », commente Gérard Briand. La voie retenue à ce stade sera de développer un moteur de rendu temps réel, gérant à la fois les textures, les géométries complexes et plusieurs sources lumineuses, le tout en haute définition et selon la technique de l’illumination globale.

 

Si cela va permettre d’affiner dès l’étape de tournage sur plateau – voire de modifier – les VFX, le projet Previz ambitionne, à titre plus exploratoire, d’accroître les possibilités d’interaction entre le réel (l’acteur) et le virtuel (les VFX) et ce, dans les deux directions. Comment ? Plusieurs hypothèses sont actuellement à l’étude au sein du projet. Pour aider l’acteur dans son jeu « virtuel », sont évoqués un retour image à partir d’écrans judicieusement positionnés autour du plateau ou un retour plus haptique, basé soit sur un smartphone ou une smartwatch avec un système codifié. Tout cela, au risque de déconcentrer l’acteur…

 

A l’opposé, les équipes de Previz réfléchissent à la capacité pour un acteur d’activer des événements dans le monde virtuel via la reconnaissance d’actions types par exemple.

 

Si l’on se réfère au calendrier, qui faisait état d’une durée de 27 mois de travaux, Previz devrait voir le jour, ou tout du moins se dévoiler, à la rentrée 2015… voire un peu plus tôt. Certains se plaisent à espérer une présentation au Siggraph.

 

Nexyad : le color grading automatique…

Fondée en 1995 par deux ingénieurs, Pierre Da Silva Dias et Gérard Yahiaoui, la société Nexyad a développé un savoir-faire unique en traitement des luminances et de la couleur pour le cinéma. Son activité se partage entre la restauration de films (par exemple, La Belle et la bête de Jean Cocteau) et le développement d’outils. Ceux-ci, baptisés les Nexyad Skins, permettent d’automatiser la phase d’étalonnage « en appliquant des grammaires de couleurs cohérentes et validées », explique Gérard Yahiaoui qui s’est appuyé sur les œuvres de Kandinsky ou du Bauhaus. Concrètement, sur un tournage, le directeur de la photo cherche à obtenir une cohérence de lumière ce qui n’est pas simple à atteindre soit parce que plusieurs caméras ont été utilisées ou parce que les variations de lumière extérieure impactent sur l’image. « A la réception d’un fichier EDL, nous allons remettre tout le film dans une dynamique connue, utilisant l’intégralité des 16 bits, pour l’homogénéiser ». Si cette étape existe déjà, elle est souvent considérée comme chronophage et susceptible d’erreurs, tant l’œil du professionnel ne peut être certain de conserver cette continuité de luminances tout au long de l’œuvre. « Avec notre méthode mathématique d’analyse des lumières, nous offrons une plus grande fiabilité ».

… et artistique

 

La seconde phase s’attache à l’approche artistique de l’étalonnage. Pour le cofondateur de Nexyad, rares sont les exemples d’intention artistique dans les couleurs au sein de la production française, hormis la série Kaamelott tandis que c’est un point crucial pour les productions nord-américaines. « Il ne s’agit pas d’une question de compétences », poursuit Gérard Yahiaoui qui se défend de dévaloriser les professionnels européens, préférant avancer l’hypothèse d’un manque de possibilité à avancer sur un tel sujet. En proposant des grammaires de couleurs prédéfinies – à l’instar des harmonies en musique – les skins de Nexyad vont permettre « d’améliorer la lisibilité des messages portés par la couleur donnée à l’image. Ensuite, on peut aisément donner une impression de très fort contraste sans pour autant l’avoir à l’écran. Enfin, lorsqu’on prend un environnement naturel, les couleurs ne sont pas naturellement raccordées. On va pouvoir automatiquement, via des systèmes complexes de traitement d’image développés par Nexyad, générer des étalonnages types. »

 

A ceux qui pourraient leur reprocher de standardiser l’étalonnage, Gérard Yahiaoui rétorque que si les outils de base incluront quatre à cinq looks paramétrés, l’offre de Nexyad sera infiniment plus importante : « Nous disposons d’une centaine d’étalonnages types en cours de développement. Si vous ajoutez à cela la capacité offerte de régler de façon fine chacun d’entre eux, on parvient sans peine à une infinité de looks différents. Nous sommes loin de la standardisation ».

 

En proposant les Nexyad Skins via une tarification à la minute, en mode SaaS et pour un coût de base estimé à moins de 50 euros la minute, Nexyad espère susciter l’intérêt des professionnels, tant dans le cinéma que la télévision. « Le système sera accessible fin 2015 », conclut Gérard Yahiaoui.

 

Pour plus d’informations sur Screen4All Forum, rendez-vous sur : www.screen4allforum.com

Vous pouvez également retrouver cette conférence Screen4All et d’autres en streaming VOD :

screen4all.streamakaci.com