Interview de Valérie LEPINE-KARNIK Déléguée Générale de Film France

« J’ai fait des études de droit... Et j’étais passionnée, tout particulièrement par le droit d’auteur, l’art plastique et le cinéma. Je me suis assez vite spécialisée en Faculté de droit dans la propriété intellectuelle ! Après l’obtention de mon DEA, je suis partie avec une bourse d’étude (allouée par le Consulat Britannique) à la London School of Economics. De retour en France, j’ai intégré la direction juridique de la SACD afin de m’occuper des contrats des auteurs (de films) et des chaînes de télévision. J’ai toujours eu une appétence pour l’international, cela explique que je sois rentrée, à la suite de cela, à la Fédération Internationale des Associations de Producteurs de Films (FIAPF). Et là, alors que je m’occupais des auteurs à la SACD, j’ai eu en charge l’intérêt des producteurs de films. Nos membres étaient des syndicats de producteurs provenant du monde entier : les États-Unis, la Chine, l’Inde… et l’Europe, bien entendu. Les missions de la FIAPF consistaient en l’accompagnement des producteurs d’un point de vue réglementaire (à Bruxelles et à l’OMPI à Genève) et la réglementation des festivals internationaux. Après dix belles années à la direction générale de cette Fédération, j’ai retrouvé les sujets nationaux en intégrant le CNC. Et le poste que j’occupais à la direction du cinéma a été formidablement riche, humainement et intellectuellement ! J’ai pu gérer à la fois les mécanismes de soutiens en termes de production et de distribution des films, mais aussi les réglementations encadrant les salles de cinéma ! Depuis mai, je suis Déléguée générale de la Commission Nationale du Film France…»
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Quel bilan tirez-vous du PARIS IMAGE TRADESHOW dont Film France est le coordinateur cette année ?

Cette année, cinq manifestations, réunies dans un même espace temps, représentaient la marque : PARIS IMAGE TRADESHOW. Aujourd’hui, seul le Paris Images Digital Summit se déroule encore en janvier. Les autres événements se situent au mois de février. C’était le cas du 15ème Micro Salon de l’AFC à la FEMIS, sous le signe de ses « Cartes blanches à l’Italie » très appréciées par plus de 2 550 visiteurs.

Le Salon des Lieux de Tournage a enregistré une hausse de fréquentation de 13 % par rapport à l’année 2014. Au total, 90 exposants se sont réunis cette année ! Et cette réussite s’explique par la préparation et l’accompagnement de la manifestation par la Commission du Film d’Île-de-France, mais aussi par le choix du lieu. Le Carreau du Temple est très central et parfaitement adapté à la manifestation. Cet endroit insolite est beau, fluide et lumineux ! En dépit d’une période plutôt tendue, puisque les mesures de sécurité ont été renforcées, ce salon a bénéficié une belle exposition. Les dates des 3 et 4 février sont posées pour 2016, on l’espère au Carreau du Temple…

Au Paris Digital Summit, avec 566 accrédités, la fréquentation était conforme aux attentes. À l’occasion de la remise des Digital Creation GENIE Awards, un prix a été notamment décerné à la société BUF (catégorie meilleur superviseur VFX, long-métrage) pour Bird People de Pascale Ferran. Les Master class qui mettaient l’accent sur les relations entre réalisateurs et superviseurs VFX ont été très suivies.

Paris Images Cinéma – L’industrie du rêve apparaît comme très satisfaite de ses résultats en 2015. Cette année, la tonalité affichée était résolument franco-chinoise avec la présence d’un certain nombre de professionnels des deux pays. Au final ce sont 500 accrédités qui ont pu bénéficier de ces rencontres dynamiques autour de la coproduction bilatérale. Colloques, Master class, projections de films et tables rondes ont été jugés très intéressants par le public !

Notre réunion de bilan global a fait ressortir la nécessité de rapprocher encore les événements, et notamment le Paris Images Pro. Ce salon, qui s’est déroulé à Saint-Denis, a enregistré deux événements très porteurs : la Master class avec Jean-Pierre Jeunet et Patrice Leconte ainsi que la conférence sur la distribution indépendante. Cependant, la moindre implication des industries techniques à cet événement en a rendu l’équilibre très délicat. Le Paris Images Pro affinera l’éditorialisation de ce salon. Et le calendrier 2016 du PITS sera organisé pour tendre encore davantage vers une synergie des évènements.

 

Quels sont les « fondateurs » du PARIS IMAGE TRADESHOW ?

Ces initiatives se sont rassemblées avec le soutien du CNC. L’idée étant de mettre l’ensemble de ces manifestations sous une démarche conjointe avec une communication globale. Film France a coordonné cette année l’ensemble du PARIS IMAGE TRADESHOW ainsi que la communication globale des cinq événements. Et La synergie est réussie, avec cette volonté affichée des parties d’avancer de façon très concertée. Et je dirais encore plus l’année prochaine et toujours avec l’aide de la CST, de la FICAM, du CNC qui sont les partenaires non organisateurs.

 

Comment vous définir, au regard des différentes fonctions que vous avez exercées ?

J’aime le cinéma, et je me situe autour des professions que je qualifierais « de création » dans ce domaine. Je défends l’œuvre audiovisuelle ou le film et, bien entendu, les corporations autour du film destinées au cinéma ou à la télévision. Mon objectif réside dans cet accompagnement des producteurs, des auteurs et des diffuseurs. J’ai découvert la règlementation des salles de cinéma au CNC. Et je dois dire que le monde des exploitants de salles est formidable. Ces professionnels sont très proches de leurs clientèles et ils connaissent leurs films intuitivement. Cette proximité unique est un vrai bonheur ! Certaines histoires ou des sagas familiales cinématographiques sont juste extraordinaires…

 

Quelles sont les missions des commissions de Film France ?

Les 41 commissions du film, membres de Film France, ont pour objectif d’accueillir dans toute la France les tournages. Elles offrent un soutien logistique aux équipes de tournage : aide au recrutement de comédiens, de techniciens et de figurants et, aussi, repérage de décors. La France offre un dispositif exceptionnel autour de la création cinématographique et audiovisuelle. De la création jusqu’à sa diffusion : l’œuvre est accompagnée comme nulle part ailleurs au monde !

 

Que pensez-vous de la délocalisation des tournages de façon générale ?

La délocalisation peut résulter de choix artistiques, mais elle est surtout liée à des incitatifs fiscaux forts comme c’est le cas pour la Belgique et le Luxembourg. En France, en décembre dernier, le Parlement a voté une réforme visant à rendre encore plus attractifs les crédits d’impôts au niveau national et international. Elle sera effective en 2016 avec l’objectif de maintenir les films en France. Notre pays dispose d’énormes atouts : ce patrimoine architectural exceptionnel, des techniciens réputés, des grands talents et un savoir-faire technologique de très haut niveau !

 

Droit d’auteur ou copyright : quel est le système le plus avantageux en termes de protection des droits pour les créateurs ?

Chaque système est adapté à son écosystème et propre à son pays. La France a créé le droit d’auteur pendant la Révolution française grâce à Caron de Beaumarchais qui voulait protéger les auteurs d’œuvres de création. Le copyright, c’est le droit de copier : un droit de marchand. Aux États-Unis, la personne centrale est celle qui porte le projet, le vend et l’amène aux consommateurs. Le droit moral français s’adapte à notre culture ; les Guilds, aux USA, sont très organisées dans la défense des droits de leurs créatifs. Ce sont les origines culturelles, religieuses, philosophiques qui expliquent nos différences. Je dirais que chaque système se justifie dans son environnement national. Ce qui est bon aux États-Unis ne l’est pas forcément en France, et réciproquement… Aujourd’hui, la difficulté réside dans le fait d’adapter le droit d’auteur ou le copyright à la circulation massive des œuvres et d’en contrôler les usages (quelques fois illicites). Un film coûte très cher. En France, de l’ordre de 4 millions pour les films dits « du milieu ». Aux USA, entre 40 M€ pour les films indépendants, et plus de 70 M€ pour les films des studios ! Chaque segment de la commercialisation d’un film contribue à sa rentabilité : le cinéma, la vidéo, la télévision…

 

Quel est le statut de la Commission Nationale de Film France ?

Film France est une association essentiellement financée par le CNC. Notre action en est complémentaire et nos échanges sont permanents ! Nous accompagnons les 41 commissions du film pour offrir un soutien logistique aux tournages. Nous existons, déjà, depuis 20 ans… Nos outils principaux sont une base de décors (de plus de 20 000 fiches) disponible gratuitement sur notre site et notre base TAF composée de techniciens, d’artistes et de figurants travaillant en régions (à l’exception de l’Île-de-France). D’ailleurs, nos bureaux d’accueil sont de plus en plus sollicités pour l’emploi en régions. Nous veillerons à ce que ces maillons, essentiels au maintien de l’activité cinématographique et audiovisuelle en région, ne soient pas fragilisés dans le cadre de la prochaine réforme territoriale. Nous espérons, bien entendu, qu’il n’y aura pas de réduction d’effectifs pour notre réseau… Nous éditons, aussi, deux ouvrages, le Guide des Tournages et Tourisme et Cinéma avec Atout France.

 

Quels sont vos objectifs importants à venir ?

Déjà, que nos réseaux continuent à exister dans des conditions optimales pour les productions ! Nous allons valoriser et moderniser notre base de décors, qui est notre outil principal d’affichage du territoire français, comme lieu de tournage. Et nous avons 10 mois pour attirer des productions étrangères intéressées par le crédit d’impôt international…

 

Écrire ou produire un film pour le cinéma ou la télévision, vous le ferez peut-être…

Non, je ne crois pas. J’aime accompagner les gens dans leurs démarches créatives, ma place est bien là. Et je suis remplie de bonheur lorsque je vois un projet que j’ai suivi se concrétiser ! Je dirais, chacun son talent…

 


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