La manière d’enseigner l’image numérique (animation 2D/3D, effets visuels…) a-t-elle beaucoup évolué en France ?
Lorsque j’enseignais à LISAA, nous défendions une approche traditionnelle de l’animation (papier, dessin, etc.). En me rapprochant du milieu professionnel français et international, je me suis aperçu que la plupart des studios étaient à la recherche de compétences techniques plutôt que de profils aux velléités artistiques. Pour répondre à leurs besoins, il fallait donc s’éloigner de cette approche Arts appliqués et du pur acting de personnages.
La 3D temps réel accélère-t-elle cette évolution ? Comment VFX-Workshop s’y prépare-t-elle ?
Le temps réel a bouleversé les règles instituées par Supinfocom Rubika il y a trente ans. Pour ma part, j’ai commencé à l’aborder lorsque j’ai ouvert la section jeu vidéo au sein de LISAA. J’ai développé une première caméra virtuelle qui se retrouve aujourd’hui dans le studio de mocap de VFX-Workshop.
VFX-Workshop met à la disposition des élèves une large panoplie de logiciels. Quelles sont vos relations avec les éditeurs ? Ceux-ci jouent-ils le jeu ?
Adobe ne fait pas aucun effort pour soutenir l’enseignement supérieur. Je le déplore. Cette attitude nous a poussés à regarder du côté des logiciels libres. Nous avions déjà fait le choix d’arrêter Première, etc. Photoshop reste encore, pour l’instant, dans notre pipeline. Concernant Substance Painter et Substance Designer (développés par Allegorithmic puis rachetés par Adobe en 2019), c’est un mauvais coup car ce sont d’excellents logiciels.
La formation sur les logiciels libres est-elle aisée à mettre en place ?
Ce n’est pas évident car il faut des compétences de la part des enseignants. Par chance, à VFX-Workshop, nous avons des professionnels qui l’apprécient et aiment l’enseigner. Certains élèves connaissent déjà Blender à leur arrivée à l’école. Nous les encourageons bien sûr à poursuivre, mais nous leur apprenons aussi à passer à d’autres logiciels. Dans notre promotion 2021, presque un tiers des projets seront réalisés avec Blender. Avec l’open source, les studios peuvent enfin arrêter d’être consommateurs et développer leur savoir-faire.
Le film de fin d’études marque-t-il la fin du cursus chez VFX-Workshop ?
À l’inverse de la plupart des écoles d’animation, nous ne demandons pas à nos élèves de réaliser un film de fin d’études, mais des bandes-démo, des études de cas…
Allez-vous proposer d’autres formations ?
Il est encore trop tôt pour envisager de nouveaux cycles de formation. Nous voulons déjà asseoir cette pédagogie en trois ans avec plusieurs promotions. Et s’assurer que celles-ci correspondent bien à la demande des studios. L’école est déjà agréée par le Rectorat de Paris et nous avons hâte de débuter le processus de certification.
Comment l’école a-t-elle survécu au confinement ?
Les grèves de décembre nous avaient déjà conduits à mettre en ligne certains cours. Il nous a suffi de 24 heures pour virtualiser le reste de nos formations et assurer une continuité pédagogique. Nous avons mis en place des serveurs d’échange pour que les élèves puissent retrouver leur classe avec une partie des interactions habituelles. Ils ont tous eu accès aux logiciels – dont Houdini – via des licences gratuites. Tout le monde pouvait donc suivre l’évolution des travaux.
Comment voyez-vous le développement de VFX Workshop ?
Je souhaiterais à terme constituer un cluster où pourraient se côtoyer, au sein de l’école, à la fois des productions 3D, des services ainsi que du transfert de compétences. Une école a en effet les ressources pour développer des outils qu’un studio n’a pas le temps de mettre en place. Je porte cette folie et cela me plaît.
Extrait de l’article paru pour la première fois dans Moovee #4, p.54/63. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.