Avec le deuxième volet de la réforme des territoires, la France est passée de 22 à 13 Régions métropolitaines au 1er janvier 2016. Pour nombre de Régions, cette première année d’existence a été une année de transition. Il a fallu trouver un nom, choisir un chef-lieu, définir de nouvelles règles. En matière de politique audiovisuelle, la disparité des situations n’a pas toujours facilité la tâche des décideurs. Très souvent, dans l’attente d’une harmonisation, les dispositifs d’aides des anciennes Régions ont été maintenus sur leurs périmètres. Les nouvelles politiques régionales vont réellement s’exprimer avec le vote des budgets 2017. Ce planning correspond aux échéances des conventions tripartites État-CNC-Régions qui doivent être renouvelées pour la période 2017-2019. L’an prochain sera donc un nouveau départ à double titre. Mais toutes les Régions ne sont pas logées à la même enseigne.
Stabilité ou grand chambardement
En dehors de la Région francilienne et des territoires d’outre-mer, cinq Régions ont conservé leurs délimitations administratives : la Bretagne, le Centre (qui a seulement changé de nom pour devenir Centre Val-de-Loire), la Corse, Paca et les Pays de la Loire.
Parmi elles, la Bretagne et le Centre Val-de-Loire ont bénéficié d’une majorité sortie des urnes en 2015, assurant la continuité politique de l’assemblée délibérante. Ces Régions privilégiées ont connu une stabilité bien loin de ce qu’ont vécu la plupart de leurs consœurs ! Pour les sept autres régions, il a fallu composer à deux… voire à trois : Le Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées sont devenus l’Occitanie ; la Champagne-Ardenne, l’Alsace et la Lorraine forment maintenant le Grand-Est ; l’Aquitaine, la région Poitou-Charentes et le Limousin se sont regroupés dans la Nouvelle-Aquitaine, etc.
Disparité d’une Région à l’autre
Cet exercice de définition d’une politique commune a mis en exergue la disparité des dispositifs existants. Parmi les 22 ex-Régions de métropole, 18 géraient l’attribution des aides au niveau de leur direction de la Culture et quatre s’appuyaient sur l’action d’une structure extérieure, ayant soit un statut d’association (Pictanovo à Lille et Pôle image Haute-Normandie à Rouen), soit de société anonyme (Rhône-Alpes Images à Lyon), soit d’Établissement public de coopération culturelle (Ciclic en Région Centre).
Il existait également des solutions intermédiaires avec une association gérant uniquement l’instruction technique et artistique des dossiers. C’était le cas de la Maison de l’Image en Basse-Normandie. Les modalités de soutien varient également. À côté des subventions, certaines collectivités ont mis en place des avances remboursables ou des achats de droits de diffusion. Notons la particularité de Pictanovo et de Rhône-Alpes Images qui interviennent comme coproducteurs des films soutenus. Enfin certaines associations ont un rôle limité à l’accueil des tournages ou à l’éducation à l’image.
Quelles seront les compétences de ces structures externes dans les futures organisations des Régions ? Tant que rien n’est décidé et validé par les assemblées délibérantes, les discussions restent confidentielles. Mais, globalement, elles restent parties prenantes des champs d’actions où elles ont développé une réelle expertise.
Paradoxalement, les régions les plus hétérogènes en termes d’activités ne sont pas forcément celles qui rencontrent le plus de difficultés lors de leur fusion. Pour une région comme Bourgogne-Franche-Comté, avec un fonds d’aide franc-comtois quasiment inexistant, sans convention avec le CNC, l’extension du fonds bourguignon à l’ensemble du territoire est apparue comme une évidence. Le travail de convergence se fait essentiellement sur les aides aux festivals.
Économie, addition ou augmentation ?
Des réductions de budget, à l’occasion des fusions, pouvaient être à craindre. En effet, le niveau d’implication des Régions varie de façon notable d’un territoire à l’autre : plusieurs millions d’euros pour l’Aquitaine, la Bretagne, le Centre, la Corse, le Nord-Pas-de-Calais, Paca ou Rhône-Alpes ; de 100 000 à 300 000 euros pour la Picardie ou l’Auvergne. Les budgets 2017 n’étant pas encore votés, il est légitime de se demander quelle tendance dominera : logique d’addition ou logique d’économie ? Les quelques annonces déjà faites montrent que les nouvelles Régions se sont pleinement saisies de leur rôle d’accompagnateur du développement de la création cinématographique et audiovisuelle. Les ex-Régions les plus dynamiques jouent le rôle de locomotive et tirent vers le haut les anciennes Régions moins actives.
Une politique ambitieuse pour les Hauts-de-France
L’exemple le plus emblématique est certainement celui des Hauts-de-France. La Picardie, qui fonctionnait avec un fonds d’aides doté de 160 000 euros, ne pouvait que se réjouir de son alliance avec le Nord-Pas-de-Calais qui affichait, en 2015, un budget de plus de 2,8 millions d’euros. Mais Xavier Bertrand, le nouveau président de la Région Hauts-de-France, a souhaité un projet plus ambitieux. Lors du Festival de la fiction TV qui se tenait à La Rochelle mi-septembre, il a annoncé sa volonté de multiplier par 2,5 le budget actuel. « Chaque année, un peu plus de 10 millions d’euros seront consacrés à la filière audiovisuel et cinéma. Ce budget permettra de coproduire près de 196 œuvres par an (soit 85 % d’œuvres en plus qu’en 2015). Par ailleurs, je souhaite relancer l’existence des ciné-clubs dans les lycées grâce au recrutement d’une centaine de jeunes en service civique. »
C’est Pictanovo, l’association basée à Tourcoing (ex-CRRAV), qui sera au centre de la politique en faveur de la production cinéma et audiovisuelle. Au fil des années, elle a su acquérir une légitimité professionnelle. Elle gérera en 2017 un fonds d’aide de 7 millions d’euros. Dès 2016, le fonds a été enrichi et le comité de lecture agrandi afin de permettre à l’association de traiter les dossiers provenant de ce qu’il est convenu d’appeler « le versant Sud » des Hauts-de-France. Pour Malika Aït Gherbi-Palmer, qui dirige la structure depuis février 2015 « il était important qu’il n’y ait pas de rupture de service. Pour les professionnels, un guichet unique est préférable. Nous avançons avec pragmatisme, pour servir au mieux les réalisateurs et les techniciens ».
Ainsi le bureau d’accueil des tournages situé à Amiens a été rattaché à Pictanovo qui assurait déjà cette fonction pour le « versant nord ». Quant au pôle régional Image ACAP, situé à Amiens, son rôle sera renforcé dans les missions qui étaient les siennes : l’éducation à l’image et le soutien à la diversité cinématographique des salles de proximité.
Dispositif commun pour le Grand-Est
Dans la Région Grand-Est, les dispositifs de soutien à la production audiovisuelle, cinéma et nouveaux médias sont déjà harmonisés à l’ensemble du territoire. Depuis le dépôt au 15 juillet, les courts-métrages, longs-métrages et la fiction TV sont organisés au niveau Grand-Est. Pour le dépôt du 15 novembre, ce sont l’ensemble des dispositifs qui seront mis en œuvre à l’échelle du nouveau territoire.
Nouvelles conventions 2017-2019
L’État a souhaité prendre en compte la diversité des territoires dans les futures conventions triennales. Après avoir effectué un « tour de France » des Régions pour associer les acteurs locaux à la construction du nouveau cadre conventionnel, les représentants du CNC ont rencontré à deux reprises les acteurs concernés. Une première rencontre s’est déroulée à Lille début juillet. Une seconde était programmée aux rencontres de Films en Bretagne, début octobre à Saint-Quay-Portrieux. Chaque fois, le CNC a affirmé sa volonté de maintenir, et d’amplifier si besoin, sa politique du « 1 € pour 2 € », pierre angulaire de sa politique territoriale depuis 2004 (pour 2 € investis par la Région, le CNC ajoute 1 €). « C’est un investissement pour l’avenir », a déclaré Frédérique Bredin, la présidente du CNC.
Reconnaissant le rôle essentiel des télévisions locales dans le renouvellement et la diversité de la création, le CNC compte aider « les Régions qui intègreront dans leurs contrats d’objectifs (COM) avec les télévisions locales la production d’œuvres réalisées sur leurs territoires, spécifiquement des documentaires et des captations de spectacles vivants ».
Enfin, et c’est la nouveauté, le CNC souhaite « soutenir les salles art et essai en les aidant à financer des emplois de médiateurs pour attirer le public, notamment les plus jeunes, ceci pour faire découvrir aux spectateurs la diversité du cinéma ».
* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #19, p.40-42. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.