Mieux comprendre le stockage collaboratif (SAN) – Partie 1

La technologie SAN (Storage Area Network) n’est pas une nouveauté en soi. Le SAN existe depuis bientôt 15 ans, mais il a toujours été synonyme de coût élevé, associé à des contraintes techniques de mise en œuvre et d’exploitation mais les temps changent...
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En effet, le cœur du SAN, c’est l’infrastructure, donc avant toute autre chose le réseau ; et le réseau Fibre Channel est la seule technologie réseau susceptible de supporter un stockage partagé.

C’est avec l’arrivée de la Fibre Channel 4 Gb que les premières installations SAN « accessibles » ont pu devenir une réalité pour les sociétés travaillant sur de grosses postproductions avec des quantités massives de données. Au fil des ans, la technologie a évolué, les vitesses des connexions Fibre Channel ont doublé, passant de 4 Gb à 8 Gb, puis de 8 Gb à 16 Gb, répondant ainsi avec facilité aux demandes toujours élevées des flux de postproduction qui, dans le même temps, ont connu une ascension vertigineuse avec l’adoption récente des formats Ultra HD et 4K.

Malgré le développement croissant des solutions SAN, le coût des équipements Fibre Channel reste encore élevé, car son adoption reste cependant marginale au regard des équipements réseaux basés sur le standard Ethernet. La récente généralisation du standard 10 GbE (possible à la fois sur réseau fibre optique ou cuivre traditionnel) ouvre la porte à des solutions SAN plus abordables, plus faciles à déployer et à maintenir techniquement. D’autant que les évolutions autour du protocole Ethernet permettent d’entrevoir des solutions encore plus rapides avec le standard 40 GbE (dont les premiers adaptateurs réseaux sont d’ores et déjà disponibles), mais aussi du 100 GbE avec l’annonce des premiers commutateurs réseaux compatibles.

Ajoutons à cela les récentes évolutions autour du Thunderbolt 2 et l’apparition des premiers stockages partagés au moyen des connexions Thunderbolt, alors même que se profilent les premiers ordinateurs munis de ports Thunderbolt 3 qui apportent encore plus de bande passante et intègrent en standard la gestion du 10 GbE.

L’aspect réseau et connectivité est largement bien couvert actuellement par les technologies présentes et leurs prochaines évolutions, mais un SAN ne se limite pas seulement au réseau, aux connexions, adaptateurs et câbles utilisés. En effet, il faut considérer la solution de stockage qui sera au cœur du partage et surtout le logiciel (ou serveur) qui assure le partage du stockage au sein d’une infrastructure de postproduction.

Mais avant d’entrer dans des détails techniques plus spécifiques, il convient de répondre à quelques questions fondamentales autour du stockage partagé. Les questions les plus fréquentes auxquelles nous sommes confrontés régulièrement sont les suivantes : Mais à quoi ça sert un SAN ? Pourquoi pas un NAS en postproduction ? SAN et postproduction, c’est vraiment indispensable ? Quels pièges à éviter pour le choix d’un SAN ? Mes logiciels sont-ils compatibles avec un SAN ? Quel budget pour un SAN ?

Comme vous pouvez vous en douter, nous avons, par expérience, les réponses à ces différentes questions qui touchent à la fois les aspects techniques, mais aussi les aspects pratiques et budgétaires. Nous traitons les trois premières questions dans cette première partie, les trois autres points feront l’objet d’une seconde partie.

 

À quoi ça sert un SAN ?

Un stockage partagé est la réponse à de nombreux problèmes qui se posent au quotidien dans les entreprises manipulant des médias. C’est avant tout un stockage unique qui permet de centraliser les données, afin de les rendre accessibles immédiatement aux différents postes de travail connectés au sein du SAN. Les avantages sont immédiats en matière d’exploitation, de sécurisation et de sauvegarde des données, car elles se trouvent à un seul et unique endroit ! C’en est terminé des problèmes de redondance des données, des transferts de fichiers d’un poste à l’autre. À partir de 2 à 3 postes de travail, le SAN peut être envisagé en lieu et place de multiples stockages locaux en attachement direct.

Avec la généralisation des cartes mémoires ou disques SSD dans les moyens de tournage en numérique, il convient de copier le contenu des cartes mémoire sur le stockage de travail afin d’exploiter immédiatement les données et de mettre en place les flux de postproduction appropriés pour chaque entreprise. Prenons un cas de figure assez générique pour bien comprendre en quelques phrases tous les avantages du SAN.

1 – Tournage sur cartes mémoires, disques SSD ou tout autre support d’enregistrement numérique.

2 – Copie brutes des données de tournage sur le stockage partagé.

3 – Mise en conformité des données de tournage avant exploitation en postprod (transcodage, conversion, enrichissement des métadonnées, etc.)

4 – Disponibilité simultanée des données pour le montage sur plusieurs postes (avec les logiciels de montage qui proposent ce type de workflow)

5 – Données accessibles dans le même temps pour les motions designers, les VFX artists, les étalonneurs, les mixeurs

6 – Finalisation du produit, PAD fichier pour diffusion télé, création DCP pour diffusion en salles, compression en H.264 ou HEVC pour les plates-formes de diffusion TNT, Internet, VOD.

Tout au long de ces différentes étapes, vous remarquerez qu’il n’est nullement besoin de copies, de transferts de fichiers et que les différents postes de travail accèdent aux données dès qu’elles ont été copiées sur le stockage partagé. Le rôle du SAN est de rendre la postproduction plus facile, plus rapide, plus efficace, tout en apportant une sécurisation indispensable des données.

Maintenant que vous avez compris les avantages du SAN, il est temps de bien saisir les limitations et les réalités autour du NAS.

 

 

Pourquoi pas un NAS en postproduction ?

Le NAS (Network Attached Storage) est tout l’inverse du SAN et pas seulement au niveau de l’écriture ! Tout comme le SAN propose des avantages incontournables dans un contexte de postproduction, le NAS offre d’autres possibilités, mais aussi de grandes différences qui rendent son utilisation intéressante, mais absolument pas concurrente au SAN.

Le NAS est avant tout un stockage qui se connecte sur le réseau existant de l’entreprise par une simple connexion Ethernet 1 GbE (10 GbE pour les modèles haut de gamme) et dont la vocation première est de proposer l’archivage-sauvegarde de données sur volume Raid (5, 5 + spare ou 6 idéalement). Ce n’est pas la performance qui est recherchée dans les technologies NAS, mais plutôt le rapport attractif entre coût et capacité de stockage.

Le NAS est surtout un stockage intelligent, partagé en réseau par un système embarqué de type Linux (la plupart du temps) qui permet de stocker de grandes quantités de données pour un coût ultra compétitif.

Généralement, il intègre un processeur dédié, un peu de mémoire vive et un contrôleur Raid matériel afin de gérer efficacement un nombre de disques virtuellement illimité. En aucun cas, le NAS n’intègre une gestion intelligente des flux, de la bande passante et de la cohérence d’accès aux fichiers par de multiples postes de travail.

Il est très facile de se rendre compte à l’usage des limitations d’un NAS dans un cadre d’exploitation en postproduction. Essayez tout simplement de travailler à plusieurs sur le même projet ou tout simplement, un montage multipistes sur un poste, puis une ou deux autres machines qui accèdent à d’autres données en parallèle, vous constaterez tout de suite la chute de performances qui rend difficilement acceptable un véritable travail collaboratif.

Mais le cas de figure le plus basique, le plus parlant, est le suivant : un poste de travail en cours de montage sur une time-line avec quelques pistes audio et vidéo ; un autre poste lance en parallèle une copie (en lecture ou écriture) sur le SAN. Vous allez constater immédiatement que la lecture fluide n’est plus possible sur le poste de montage, l’opération concurrente de copie absorbe toute la bande passante disponible et rend ainsi le montage impossible jusqu’à la fin de la copie.

De plus, afin de proposer des NAS avec des tarifs toujours plus faibles, les fabricants utilisent généralement les disques les moins onéreux du marché, des disques spécifiquement conçus pour une exploitation NAS, c’est-à-dire qui ne tournent pas vite, qui se mettent en veille en permanence, ainsi des systèmes Raid minimalistes. Bien sûr, on trouve sur le marché des NAS haut de gamme, mais leurs tarifs élevés ne justifient plus la dépense pour ce type de technologie.

Par contre, le NAS constitue souvent une excellente solution de sécurisation du contenu du SAN, ce qui permet de mettre en place des mécanismes de synchronisation avancés entre le SAN et le NAS pour bénéficier, en permanence, d’une sécurité intégrale des données du stockage de production.

 

SAN et postproduction, c’est vraiment indispensable ?

Comme vous commencez à percevoir les avantages réels d’un SAN au sein de votre entreprise, la réponse à cette question est assez évidente. De par la problématique de gestion de volumes sans cesse grandissants de données numériques, la nécessité de travailler plus vite, tout en maximisant la sécurité et la fiabilité, le SAN se révèle rapidement un maillon essentiel des flux de postproduction.

Il n’est pas rare de nos jours d’embarquer un SAN directement sur le lieu de tournage, afin de sécuriser au plus vite les données de tournage, d’assurer ainsi des services DIT de tout premier ordre pour la prévisualisation des données brutes (avec ou sans LUTs), voire les tout premiers tests d’étalonnage et de VFX afin de valider les plans tournés le jour même.

Un des autres (et nombreux avantages) du SAN repose sur la flexibilité qu’il propose en matière de dimensionnement. Aujourd’hui, nous disposons d’une grande variété de possibilités en matière de SAN, en fonction des postes de travail utilisés, du réseau existant et du besoin réel de l’entreprise en matière de stockage centralisé de production.

Les solutions SAN modernes autorisent une mixité des moyens de raccordement (Ethernet 1 GbE, Ethernet 10 GbE, Fibre Channel 4 Gb, 8 Gb et 16 Gb, Thunderbolt), et bientôt Ethernet 40 GbE et Thunderbolt 3. Il en va de même pour les solutions de stockage qui peuvent être raccordées en SAS 6 G, SAS 12G, Fibre Channel et Ethernet. Enfin, et ce n’est pas le moindre des arguments, car un SAN moderne se doit de prendre en charge les systèmes d’exploitation les plus utilisés dans le secteur de la postproduction, à savoir Windows, OS X et Linux. Nous reviendrons en détail sur ce point par la suite.

Nous vivons aujourd’hui dans un monde axé autour du collaboratif et le SAN s’inscrit totalement dans ce contexte de travail, ce qui le rend effectivement quasiment indispensable, dès lors que de multiples postes de travail doivent accéder à un volume de données communes.

Fin de la première partie. Lire la seconde partie…