Mikros Image, la trentaine sereine

Maurice Prost, la société Mikros Image s’est beaucoup développée pendant quelques années jusqu’à devenir un groupe international, coté en Bourse via son acquéreur italien Mediacontech
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Cela fera donc bientôt 30 ans que Mikros Image, spécialiste des effets visuels, a vu le jour, fondé par Maurice Prost, son actuel PDG. Racheté par le groupe de médias italien Mediacontech en 2006, Mikros fait partie des rares sociétés de postproduction françaises à être encore debout, en dépit de nombreux soubresauts. Aujourd’hui, Mikros Image est devenu un groupe avec six sociétés et un peu moins de 400 membres permanents avec, à sa tête, Gilles Gaillard. Ambitions américaines, stratégie de R&D orientée open source et passage de témoin sont au cœur des préoccupations d’une équipe rajeunie mais qui ne veut pas pour autant se détourner de son ADN.

 

 

Un projet de groupe

Mikros Image compte actuellement six sociétés : deux filiales de la holding MTC sont établies à Liège et Bruxelles, la première dédiée aux VFX et au cinéma, la seconde à la publicité et la télévision. En France, outre le Mikros Image « d’origine », le studio Plus Gros Le Logo, rebaptisé récemment DoMove, concentre son activité sur le marché publicitaire. En 2010, Mikros crée LFX pour développer sur le territoire luxembourgeois une offre de prestation pour le cinéma (effets visuels et étalonnage).

 

Un an plus tard, Mikros ouvre un studio à Montréal et s’attelle au compositing et au rendu final, jusqu’à l’étalonnage et à la masterisation du film Je vous ai compris de Franck Chiche. Après avoir réalisé 350 plans du long-métrage live Astérix et Obélix au service de sa Majesté, le studio a été « réquisitionné » pour deux longs-métrages d’animation, menés en parallèle, Le petit Prince et Mune, tous deux produits par On Entertainment. Si le calendrier canadien laisse penser à une certaine orientation vers l’animation, Gilles Gaillard s’en défend : « Tout comme en Belgique, nous avons vocation à développer l’intégralité de nos métiers au Canada. Produire actuellement trois longs-métrages d’animation (Astérix et le domaine des Dieux produit par M6 Studio et en fabrication à Paris – NDLR) est une opportunité mais nous ne souhaitons pas nous couper de ce qui constitue nos compétences premières ».

À être coté en Bourse, on en est moins disert sur les données économiques d’une société. Pour autant, le directeur général avance quelques chiffres : entre 2011 et 2012, le groupe Mikros Image a réalisé plus de 25 % de croissance de son chiffre d’affaires et la clôture 2013 révélera une nouvelle croissance de plus de 35% qui devrait flirter avec les 40 M€. Et sur le seul territoire canadien, « nos clients auront dépensé à fin 2014 et sur deux ans, 45 M$ ».

 

 

 

Une croissance organique

On a parfois reproché à Mikros Image (comme à de nombreux autres studios et prestataires, français ou britanniques avant eux) de s’implanter sur des territoires où la politique fiscale permettait d’attirer des productions, comme en Belgique ou au Canada. Gilles Gaillard ne nie pas qu’il s’agit d’un atout mais réfute en faire un argument de vente : « Je vais là où je peux défendre la valeur de ce que je vends. À Mikros, on a une culture de développement organique avec soit des mouvements de partenariats soit des mouvements de consolidation. C’est une approche à laquelle nous sommes très attentifs car adresser un marché ou un territoire pour de mauvaises raisons peut s’avérer dangereux ». Ainsi, plutôt que d’attaquer frontalement le marché US, Mikros a préféré nouer un partenariat avec le studio EightVFX basé Santa Monica et qui vient juste d’ouvrir un bureau à New-York: « On fait nos gammes là-bas et cela nous permet de mieux appréhender la façon de travailler, en collaboration avec des professionnels bien établis ».

L’approche est tout aussi mesurée pour l’aspect humain : « Pendant longtemps, Mikros c’était 180 personnes soit une équipe de taille raisonnable », concède Gilles Gaillard. « En 12 mois, Mikros Canada Inc. est monté à 200 salariés et l’ensemble du groupe compte aujourd’hui 400 permanents plus environ 80 free-lances », ce qui nécessite d’aller sur des projets « où nous avons une vraie force de proposition » sous peine d’essuyer des déconvenues…

 

 

 

La R&D : un vrai poste de profit

La recherche & développement a toujours représenté pour Mikros un développement d’activité « extrêmement vital », confirme son directeur général. C’est ainsi que Mikros Bruxelles propose en service une plateforme de livraison dématérialisée de publicités via le système D-MAT pour l’Association Belge des Médias Audiovisuels (ABMA). « Et nous développons actuellement un projet similaire, HD-MAT avec France Télévisions ».

Autre concrétisation de cette volonté d’intégrer la R&D dans leur offre : le partenariat mené avec Golaem autour de Golaem Crowd, un plug-in Maya de génération et de simulation de foules.

L’open source est également un sujet de préoccupation pour le groupe. Ainsi, sur le site http://opensource.mikrosimage.eu/, plusieurs librairies logicielles sont disponibles, élaborées dans le cadre de l’ancien projet HD3D mais également Cap Digital. Parmi les outils disponibles, on peut citer openMVG (pour Open Multi View Geometry), TuttleOFX (un framework open source de processing d’images), le dispatcheur de rendu Puli utilisable aussi bien dans Maya que Nuke (notamment), ColorTribe, pour la calibration et la mesure colorimétrique pour les écrans ou encore Duke, un player haute résolution open source.

Quant à ArtForge, même si le projet en tant que tel, n’existe plus, il est encore utilisé, sous l’appellation d’Octopus, par les équipes de Mikros. « Nous travaillons aussi sur Shotgun mais l’outil de gestions des assets Octopus demeure encore largement présent sur nos productions », confie Gilles Gaillard.

 

 

 

Des prix comme gages de qualité

Si 2008 marque une étape importante dans l’histoire de Mikros Image, avec la Palme d’or décernée à Entre les murs de Laurent Cantet et dont la totalité de la postproduction s’est faite au sein du studio, on retiendra surtout 2010 et l’Oscar du court métrage d’animation remporté par Logorama.

Depuis, Mikros a multiplié les trophées, et ce, dans tous les domaines. Sans faire d’inventaire à la Prévert, on pourra se rappeler des pubs « Dior J’adore » avec son cortège de stars américaines ou la campagne « L’ours » pour Canal + (tous deux multiprimés sans oublier le spot Perrier « the Drop » ni le récent Evian « Baby&Me ».

Mikros a aussi participé au succès de la série Les Revenants (primée aux Emmy Awards) et naturellement au cinéma : De rouille et d’os de Jacques Audiard, La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche, Amour de Mickael Haneke.

En février dernier, et pour la troisième fois, Mikros Image a été nominé aux VES qui récompensent la crème internationale des VFX. Après le parfum (Dior J’adore) et la télévision (Canal + L’ours), c’est au tour de Mercedes « Sensations » d’être sous les feux de la rampe. Une preuve supplémentaire de la perception internationale du groupe

 

 

En perspective

2014 et a fortiori 2015 seront des années charnières pour le groupe Mikros, dans un contexte de transition générale. « Nous allons renforcer nos positions sur les marchés actuels en soutenant des projets ambitieux tout en adressant à la fois de nouveaux segments de marché et de nouveaux territoires mais de façon mesurée ».

Lorsqu’on lui rétorque jeu vidéo, Gilles Gaillard botte en touche : « Le monde de la création sait qu’une bonne propriété intellectuelle va s’exprimer sur tous les territoires et tous les supports. Aussi, nous sommes présents dans ce secteur pour voir comment on peut soutenir des projets de ce type ». On n’en saura guère plus.

Côté territoire, outre les États-Unis que Mikros Image envisage, dans tous les sens du terme, l’Asie comme « une zone géographique hyper intéressante » ; pour autant, le directeur général ne souhaite pas se lancer dans toutes les batailles au risque de s’affaiblir.

À bientôt 30 ans d’existence, Mikros Image s’est visiblement refait une seconde jeunesse, à l’image de son équipe dirigeante sans pour autant faire fi du passé. Une transition douce, un encadrement aux ambitions affichées mais mesurées à l’international, tels sont les ingrédients d’un studio qui fait office de « papy » pour certains « digital natives ». Mais attention à ne pas s’y méprendre : 30 ans, c’est le bel âge !