NDI de NewTek est à la fois une technologie et un protocole destinés à des outils de production « live » câblés en IP. Lesquels recouvrent en réalité un écosystème complet associant des modes de communication en réseau, un algorithme de compression exploité selon une architecture répartie, regroupant des équipements dédiés, des logiciels de production et de communication et des matériels de fabricants tiers dotés des API NDI conçues par le fabricant.
Les technologies de production « live » sur IP sont devenues un enjeu majeur pour le développement des nouveaux outils de production en direct. De nombreux constructeurs ont présenté des projets ou des technologies destinées au transport des signaux SDI via des réseaux IP. Ils ont entrepris un important travail de normalisation via de multiples groupes de normalisation (SMPTE, AIMS, ASPEN, VSF…) déjà évoqués dans nos colonnes. Dans ce domaine, il est impératif que les matériels de différentes marques puissent fonctionner ensemble au sein d’une même régie.
NewTek a choisi une stratégie alternative en lançant dès maintenant une technologie propriétaire, le NDI (Network Device Interface). Il a néanmoins entrepris un large travail d’évangélisation et de développement de SDK (Software Development Kit) pour qu’elle soit reprise par d’autres fabricants.
Mais le NDI ne se limite pas à cette nouvelle gamme de mélangeurs car NewTek propose également des modules logiciels destinés à exploiter le NDI sur des micro-ordinateurs. Les utilisateurs des systèmes TriCaster de la marque ne sont pas oubliés car des options logicielles leur ouvrent également l’accès à la technologie NDI en augmentant leurs capacités par des entrées réseau supplémentaires.
Le NDI, un protocole réseau simple à exploiter
Le NDI est d’abord un protocole réseau destiné au transport de flux vidéo live sur IP. Il fonctionne au niveau 2 de la couche OSI, avec un mode de transmission unicast. Il est associé à un algorithme de compression propriétaire, basé sur la technologie des ondelettes, défini de manière à ce qu’un flux vidéo SD consomme environ 50 Mb/s de bande passante et une source HD de l’ordre de 100 Mb/s.
Cet algorithme est optimisé pour limiter la latence à une image, car il est avant tout destiné au « live ». Il n’exploite pas les possibilités d’un transport multicast comme de nombreux autres systèmes de distribution live sur IP. En conséquence si une source alimente deux destinations distinctes, le débit total sera de 2 x 100 Mb/s en HD. Le port gigabit d’un switch Ethernet pourra donc transmettre environ huit flux HD sur un lien.
Les concepteurs du NDI ont choisi la simplicité pour la gestion du réseau de façon à ce que les utilisateurs ne soient pas confrontés à des complications pour le choix des actifs réseau et leur administration. Comme l’explique Bruno Lesté, responsable des produits LiveXpert chez 3D Storm, « Nous devons mettre la vidéo à la portée du réseau et non définir ou dimensionner le réseau pour qu’il s’adapte à la vidéo ».
Toujours dans le même esprit, NewTek a inclus dans le NDI le protocole mDNS (Multicast DNS), développé au départ par Apple et intégré à ZeroConf et à Bonjour. Il offre une reconnaissance automatique des machines fonctionnant sous NDI, sans se préoccuper de leurs adresses IP.
En jouant la carte de protocoles reconnus et standards, les machines sont reliées via des « switchs » simples à gérer et donc peu onéreux. Bruno Lesté confirme : « Une installation de production classique peut tourner grâce à un switch gigabit Ethernet non « manageable » qui coûte de 200 à 300 € ». Selon les situations, un système vidéo peut fonctionner sur les infrastructures réseau existantes et cohabiter avec les flux habituels de gestion, tout en veillant au nombre de flux NDI y circulant pour ne pas dépasser le débit maximal.
Comme le protocole NDI fonctionne au niveau 2 de la couche OSI, cela limite son usage à un domaine local ou sous-réseau. S’il est exploité dans une configuration de « remote production », on ne pourra pas transiter sur les liaisons managées ni sur de l’IP public. Il faudra mettre en place des liaisons spécifiques non partagées.
Le protocole NDI est bidirectionnel, comme tout outil de communication réseau. Ainsi, pendant qu’une source envoie ses images vers un système de mixage ou de traitement grâce au protocole NDI, la régie pourra renvoyer via la même liaison, des commandes RS-232 ou autres vers cette source, pour piloter une caméra PTZ ou paramétrer le signal vidéo. Il assure également le transport de méta données standardisées ou spécifiques.
Une nouvelle gamme de mélangeurs
La nouvelle gamme de mélangeurs IP Series de NewTek a été conçue entièrement autour du protocole NDI. Ils fonctionnent grâce à un cœur de traitement capable de gérer 44 flux NDI en entrées et en sorties. Ils sont associés via des liaisons IP 10 à Gigabits/s à des modules d’entrées équipés pour recevoir quatre sources SDI et quatre flux réseau et des modules de sorties à quatre sorties SDI et quatre flux NDI.
Selon les versions, ces modules sont également équipés de sorties monitoring, HDMI et/ou multiviever, de modules conversions de streaming et d’entrées/sorties audio analogiques et Dante. Le dernier élément du système est une importante surface de contrôle avec toutes les touches donnant un accès direct aux 44 sources et aux fonctions de mélange et d’effets spéciaux. Les fonctionnalités et les caractéristiques sont très étendues et seront décrites dans un prochain article.
Le NDI s’ouvre à d’autres constructeurs
Même si la gamme IP Series exploite à fond les capacités du protocole NDI, NewTek ne limite pas son usage à cette nouvelle gamme de produits. Le constructeur ouvre sa technologie à d’autres acteurs en fournissant un SDK ouvert pour l’intégrer dans leurs propres produits (hardware ou software). Suite à la présentation du NDI, de nombreux constructeurs (JVC, AJA, Teradek, Matrox, Bluefish444, Brainstorm, Wowza… ) ont manifesté leur intérêt pour le nouveau protocole. Pour certains il s’agit d’ajouter à leurs équipements existants, une fonction logicielle disponible via une mise à jour du firmware. Pour d’autres, ce sera l’ajout d’un driver qui viendra enrichir les formats d’import/export d’un logiciel.
Ainsi dans la suite de postproduction Adobe Creative Cloud, il est possible de faire une lecture directe par réseau en NDI vers un mélangeur fonctionnant avec ce protocole. ChyronHego et Vizrt proposent déjà de transmettre les habillages graphiques conçus avec leurs systèmes vers des équipements NDI. LiveU a annoncé de son côté la disponibilité d’une sortie en NDI sur son serveur de réception, pour les flux transmis par ses unités de reportage 4G. StreamBox annonce des fonctions similaires pour ses produits.
De son côté, NewTek propose également toute une série de logiciels tournant sous Windows et capables de traiter des flux NDI. Ils sont regroupés par grandes fonctions et disponibles en deux versions, l’une légère, souvent gratuite pour découvrir le protocole NDI et une seconde plus complète en termes de fonctionnalités.
Ainsi le logiciel NewTek Connect transforme un micro-ordinateur équipé d’une carte interface SDI en passerelle de conversion vers le protocole NDI. Il est capable de traiter deux signaux simultanément dont une webcam intégrée. La version Pro, payante, traite, elle, jusqu’à quatre sources, dont une caméra IP, ajoute des outils de corrections et sert également de passerelle vers les signaux ASPEN ou SMPTE-2022. Les deux versions permettent la visualisation de flux NDI et sont compatibles avec les cartes AJA, Blackmagic, DeltaCast, entre autres.
Une gamme de logiciels pour travailler en NDI
Le logiciel NDI Transmit établit un pont logiciel entre un système NDI et les outils de visioconférence et de travail collaboratif comme Skype, Webex, HangOuts. Il est destiné à améliorer une visioconférence en remplaçant la webcam traditionnelle avec un véritable outil de production et de mixage vidéo complet et professionnel.
Isocorder est un logiciel d’enregistrement recevant des flux NDI via son interface réseau. En version de base, il capture deux sources NDI enregistrées en QuickTime avec de l’audio stéréo. La version Pro enregistre quant à elle huit flux NDI avec gestion de huit canaux audio par flux. Elle offre en plus de nombreux outils de contrôle (affichage multifenêtres, réticule de safe-area, moniteur de profil, vecteurscope, vumètres complets,..).
3D Storm, l’importateur de NewTek en France, a développé sous le nom LiveXpert, toute une gamme d’outils logiciels qui viennent compléter les fonctionnalités du TriCaster. Ainsi, il propose LiveMedia Server NDI, un serveur de diffusion et d’enregistrement multicanal conforme au protocole NDI. Raccordé par réseau Ethernet à un mélangeur ou une source NDI, il enregistre ou lit des contenus (jusqu’à quatre canaux vidéo simultanés) dans les principaux codecs : DNxHD, ProRes, XDCam, DVCPro, Mpeg TS ou PS, FLV.
Grâce au transport par réseau, il alimente plusieurs points de diffusion, ou en multipliant le nombre de postes équipés, on effectue un enregistrement redondé ou dans des formats ou codecs distincts. Un poste de montage équipé de ce logiciel et raccordé par le réseau NDI à une régie de production, pourra démarrer le montage immédiatement après la fin du direct sans attendre les opérations de transferts de fichiers. La partie diffusion dispose de tous les outils pour jouer des play-lists, et des panneaux de commandes dédiés facilitant le suivi de la lecture de clips.
Sous la dénomination NDI Tools, NewTek propose six outils facilitant l’intégration et la gestion de contenus vidéo dans l’architecture NDI : NDI for Creative Cloud, un plug-In destiné à la suite de postproduction d’Adobe et permettant de diffuser directement depuis ses logiciels un flux NDI via le port réseau de la machine, un second plug-In destiné à VLC, NDI Test patterns, un logiciel générateur de mire fournissant des images de référence en NDI, NDI Vidéo Monitor, un module permettant d’afficher un flux NDI sur un écran d’ordinateur, et enfin NDI Scan Converter qui récupère la sortie écran d’un micro-ordinateur et la transforme en flux NDI.
Ainsi, n’importe quelle source d’images informatiques est convertie en résolution vidéo et se raccorde directement par réseau à un mélangeur NDI sans devoir passer par un boîtier ou une carte de conversion. Enfin, un dernier module NDI Access Manager permet d’associer des flux NDI dans des groupes et de gérer leur mode d’accès, public ou privé au sein d’un réseau.
La polyvalence et la modularité de tous ces outils permettent de créer des configurations sophistiquées, sans déployer de multiples accessoires de distribution et de traitement. Ainsi dans une salle de conférences équipée en prises de vues vidéo avec un mélangeur TriCaster ou IP séries de NewTek, fonctionnant en NDI, la sortie écran du micro-ordinateur de l’orateur sera renvoyée vers la régie vidéo et le système de projection, via un câble unique RJ-45, qui servira également à lui renvoyer le final image de la captation (ou toute autre source vidéo disponible dans la configuration).
Tous ces logiciels sont disponibles en version Windows tournant sur PC, mais l’éditeur anglais Sienna TV propose des versions compatibles MacIntosh, disponibles sur le Mac AppStore.
NewTek vient d’annoncer la sortie de l’application NDI Camera, disponible en version iOS et Android, pour transformer un smartphone ou une tablette en caméra vidéo mobile, dont les images sont alors transmises par wifi à un réseau transportant des signaux NDI.
Une option logicielle pour utiliser le NDI avec les TriCaster
Les propriétaires de systèmes TriCaster, vendus depuis fin 2012, ont également accès à la technologie NDI. En effet, NewTek propose une option logicielle appelée TriCaster Advanced Edition. Elle comprend une centaine d’options supplémentaires et en particulier, elle ouvre ces systèmes de mixage et de postproduction, aux flux NDI entrant et sortant. Elle ajoute quatre entrées NDI aux entrées déjà disponibles en SDI. Ainsi, le propriétaire d’un TriCaster à quatre entrées physiques a pu ajouter une cinquième caméra à son système grâce à cette option. Il lui suffit de raccorder son système à un micro-ordinateur, associé à un module Blackmagic SDI/USB et exploitant le logiciel NDI Connect.
Avec cette option, il est également possible de coupler deux systèmes TriCaster pour additionner leurs capacités d’entrées physiques. On pourra mettre en place des caméras distantes ou un plateau déporté, raccordés à un TriCaster mini dont les quatre entrées et leurs images sont renvoyées vers le mélangeur principal via un seul câble réseau, et avec voie de retour.
*Article paru pour la première fois dans Mediakwest #20, p.72-74. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.