Le motion design, un métier à part entière

De compétence hybride à mi-chemin entre l’animation, le graphisme et le design utilisés sur les génériques et l’habillage TV, le motion design est devenu un métier à part entière, dont le savoir-faire réside en grande partie dans la supervision complète de petits films pédagogiques et/ou publicitaires, dont l’ambition technique et artistique grandit chaque jour sur le web et sur les réseaux sociaux.*
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Le motion design se définit comme l’abréviation du Motion Graphics Design ou bien encore comme l’art de donner vie au graphisme via le mouvement. Pour parodier le clip de présentation de l’association Motion Plus Design qui promeut cette discipline, on pourrait donc dire que de simples chiffres, lettres ou graphiques deviennent du motion design dès lors que ces éléments sont en mouvement à l’écran. Idem pour une photographie dont les éléments seraient composités en profondeur et en mouvement grâce à des effets de travelling et de transition.

Certes, mais comme l’explique Matthieu Colombel, CEO du studio BlackMeal : « On a trop souvent tendance à réduire le mot design à du dessin et, par extension, à assimiler le motion design à du dessin animé, alors que le métier de designer tel qu’il a évolué ces dernières années est beaucoup plus protéiforme. Il fait appel à plusieurs compétences qui ont à voir avec le dessin animé, mais pas seulement. »

On pourrait ajouter que la différence entre motion design et animation se situe aussi dans le mode d’expression à l’écran, car dans le motion design les personnages sont le plus souvent muets, l’essentiel des informations étant véhiculé au travers d’une voix off et d’éléments graphiques textuels ou chiffrés.

 

Du générique au film court pour les supports digitaux

La technique du motion design est en soi assez ancienne, puisque dans les années 50, des génériques de films ou d’émissions de télévision reposaient déjà sur l’animation des logos, lettres ou graphismes réalisés par des artistes plasticiens curieux d’explorer un nouveau continent du design. On se souvient notamment des fameux génériques des films de James Bond créés par Maurice Binder ou ceux des films d’Hitchcock conçus par Saul Bass.

Aujourd’hui, on peut dire cependant que cette première vague est passée et qu’une seconde est en train de déferler : celle où le motion design sert à vendre des services sur le web de manière concise et imagée, à faire comprendre une problématique complexe à des clients et prospects ou à faciliter la formation en Digital Learning.

Selon les chiffres de l’Association des Motion Designers Français, les motion designers qui travaillent exclusivement sur les génériques de films ou programmes TV représentent moins de 30 % des professionnels de ce secteur en France.

« Le reste des 4 000 motion designers de l’Hexagone (70 %), souligne Matthieu Colombel, fondateur de l’association, travaille sur des projets de films corporates et publicitaires destinés aux supports digitaux. À l’ère des films courts largement répandus sur les réseaux sociaux comme YouTube ou Facebook… l’art d’animer des éléments graphiques a pris un essor considérable en s’appuyant sur une grande diversité de profils techniques et créatifs. »

 

Une réponse créative et une division du travail

Ces dernières années, les marques font notamment appel au motion design pour sa capacité à répondre de manière créative à un brief dans le cadre d’un film court animé d’une à deux minutes. Au travers des interventions qui se sont succédé lors du récent Festival Motion Motion qui s’est déroulé à Nantes, on constate même que le métier de motion designer recouvre plusieurs compétences assez différentes. Il doit être capable de penser le graphisme en mouvement dans sa globalité, en étant le coordinateur de l’ensemble du projet de clip ou de série. Le motion designer va superviser toutes les étapes de l’écriture du scénario jusqu’à la réalisation.

Généralement, il va s’entourer d’une équipe de spécialistes techniques 2D ou 3D, d’illustrateurs, d’animateurs, de spécialistes des VFX… Une tendance que Matthieu Colombel résume ainsi : « Aujourd’hui, on constate une grande diversité de talents parmi les motion designers, du jeune étudiant au style parfois conventionnel jusqu’au motion designer au style affirmé que les agences s’arrachent. Mais, une chose est sûre : un motion designer est de plus en plus rarement un geek solitaire qui travaille dans son coin. Vu le niveau de contraintes et d’exigence des clients qui monte en gamme, il est difficile de prétendre savoir tout faire à la perfection. Le motion designer est d’abord un créatif qui doit savoir être veille permanente sur le plan graphisme et technique, et savoir se réinventer constamment. »

En outre, étant donné les délais de réponse souvent très courts sur ce genre de projets, le motion designer doit déléguer des tâches. Il se gardera éventuellement une partie du travail pour laquelle il a une affinité particulière comme la composition, le montage, l’animation graphique, les personnages, la 2D ou la 3D, mais doit s’organiser en divisant le travail.

Pour sa part, le studio Black Meal encourage, à Nantes où il est installé depuis trois ans, les motion designers à se rassembler au sein de studios ou de collectifs. Ce studio partage d’ailleurs des locaux avec d’autres spécialistes du motion design comme Doze Studio, afin de jouer la complémentarité avec son voisin plutôt que la concurrence.

En outre, quand un sujet est complexe à exprimer en images et voix off, le motion designer doit s’entourer de concepteurs-rédacteurs ou de journalistes capables de condenser et mettre en perspective une masse d’informations. Cela permet d’être plus productif face à des demandes en volume.

 

Transgresser les règles et mélanger les techniques

Dans ce registre de la division du travail, la présentation faite par Cyril Izarn, lors du Festival Motion Motion, était très éclairante. Ce motion designer, cofondateur du studio lyonnais Nobl.tv, expliqua en effet comment, sur un même projet réalisé par son studio, il a été possible de transgresser les règles classiques de l’animation en mélangeant des techniques d’animation différentes quasiment à chaque plan. À la base, il s’agissait d’une commande de la Crohn’s & Colitis Foundation of America voulant réaliser un film pédagogique destiné à mieux faire connaître au public américain la maladie de Crohn.

Cyril Izarn explique : « Sur ce film de trois minutes conçu pour une agence basée à Chicago, le budget était suffisamment confortable et nous connaissions suffisamment bien l’agence avec laquelle nous avions déjà travaillé, pour nous permettre de prendre ce genre de risque. Nous avons donc choisi la technique la plus efficace pour chacune des séquences du film. Nous nous sommes fixé quelques règles de base sur le plan scénaristique et ensuite nous avons mélangé de l’animation 2D traditionnelle, de la 3D sur certaines phases de modélisation du corps humain, du stop motion pour certains effets cartoon… Six intervenants différents ont pris part au projet, parmi lesquels un character designer, deux réalisateurs et un développeur pour réaliser des scripts d’animation 3D bien particuliers. »

Pour ceux qui voudraient avoir un autre aperçu de l’éclectisme possible dans le cadre d’un film en motion design d’aujourd’hui, certains professionnels comme Claudio Salas n’ont pas hésité à en faire même une performance en réunissant au sein d’un même clip, The Wisdom of Pessimism, une trentaine d’artistes ayant des styles différents. Une source d’inspiration…

 

Des événements professionnels pour valoriser ces nouveaux profils créatifs

Si ce métier est en pleine expansion au sein de la filière des nouveaux médias numériques, le marché, lui, est encore peu structuré et beaucoup de motion designers, pourtant talentueux, sont encore peu visibles aux yeux de leurs clients potentiels, tandis que les bonnes pratiques entre professionnels méritent encore d’être plus largement partagées.

C’est pourquoi l’Association des Motion Designers Français, fondée en 2016 par Matthieu Colombel, a organisé à Nantes en mai 2017 un nouveau Festival Motion Motion qui, le temps d’un week-end prolongé, fut à la fois une plate-forme d’échange entre professionnels et un moyen de mieux faire connaître ce nouveau métier auprès d’un large public.

Pour sa première édition, la manifestation a réuni plus de 2 500 participants et les visiteurs ont pu découvrir les styles de motion design ayant le vent en poupe comme le « liquid motion » qui consiste à animer des lettres et des chiffres qui se transforment de manière fluide via des effets de transition particuliers. Ou bien encore, « l’abstract motion » qui consiste à répondre à un brief uniquement à l’aide de formes géométriques…

Ce festival fut aussi l’occasion de constater au travers de l’expérience The Daily Task mise en place par Doze Studio que le motion design se marie parfaitement avec un média global comme la réalité virtuelle, dans le but d’immerger le public dans un univers graphique enveloppant ou avec la réalité augmentée, comme le montre le concept des Francs Colleurs qui n’en finit pas depuis l’an passé d’inonder les grandes villes françaises de ses flyers conçus par le collectif 9e Concept et l’agence MNSTR qui renvoient à de petites animations… en motion design.

 

* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #22, p.50-51. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.