La 5G, bientôt une réalité ou encore un fantasme ?

Voiture autonome, cloud gaming, objets connectés, facilité de diffusion de contenus HDR/4K… la 5 G est présentée comme un miracle. Sur RTL, station radio de grande écoute : « Celui qui contrôle la 5G contrôle potentiellement le monde », glisse ainsi Stéphane Dubreuil, expert télécom. Plus rapide que ses aînées, les 3G et 4G, la 5G est actuellement expérimentée dans 83 pays par 201 opérateurs, selon le dernier rapport de The Global Mobile Suppliers Association. Elle a dénombré pas moins de 562 tests ou essais. Mais que ce soit aux États-Unis, en Asie ou en Europe, la 5G est encore un fantasme : elle devrait devenir une réalité à l’horizon 2020.
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L’exemple nord-américain

Aux États-Unis, les plus importants opérateurs, AT&T et Verizon, n’ont plus que la 5G à la bouche. Tous deux ont présenté leurs plans, même si pour l’instant très peu d’appareils existent pour le grand public, le dernier annoncé étant le Samsung Galaxy S10 5G… qui devrait être lancé d’ici à la fin du premier semestre 2019 (avec Verizon).

Selon AT&T, une douzaine de villes seraient déjà équipées (Atlanta, Charlotte, Dallas, Houston, Indianapolis, Jacksonville, Louisville, la Nouvelle-Orléans, Oklahoma City, Raleigh, San Antonio et Waco). D’ici à la fin de l’année, AT&T prévoit 21 villes en tout. Le 22 février dernier, l’opérateur a même annoncé la création d’un programme AT&T 5G Innovation, regroupant Cisco, Ericsson, Infosys, Intel, Magic Leap, Microsoft, Nokia, Samsung et WarnerMedia. Parmi ses nouveautés, citons l’AT&T Stadium (Arlington, Texas), le premier stade nord-américain, équipé en 5G.

Parmi les démonstrations présentées par AT&T et ses partenaires au dernier MWC 2019 de Barcelone, on pouvait voir une expérience de réalité virtuelle autour de Batman. C’est l’une des créations du tout jeune WarnerMedia Innovation Lab (New York). Lancé le 22 janvier dernier, cet incubateur vise à renforcer les liens de recherche entre WarnerMedia and AT&T. Comme le déclare John Stankey le PDG de WarnerMedia : « En nous appuyant sur les possibilités technologiques d’AT&T, nous créons un terrain de jeu “nouvelle génération” pour nos créatifs et nos partenaires clés tels que HBO, Turner, Warner Bros. et Otter Media. »

Le but : créer de nouvelles expériences d’entertainment pour les consommateurs, qu’elles soient en réalité virtuelle, augmentée ou mixte. Citons notamment le trailer en réalité augmentée, développé par Warner Bros. et Magic Leap autour du blockbuster, « Les Animaux fantastiques : les crimes de Grindelwald ».

 

Le défi est tentant, AT&T affichant pas moins de 300 millions d’abonnés. Et parfois la 5G se glisse là où on pourrait ne pas l’attendre. L’un des partenaires de WarnerMedia, la NBA, espère avec cette technologie renforcer l’immersion et par conséquent l’engagement de ses fans. C’est la filiale Turner qui cogère avec la NBA, la plate-forme digitale du NBA Digital (regroupant sites, TV et licences), qui est chargée d’inventer cette nouvelle expérience immersive.

Mais qui dit 5G implique aussi la possibilité de cibler, un atout essentiel pour la publicité. Turner et la toute nouvelle filiale d’AT&T, Xandr, dédiée à la publicité, explorent quant à elles le futur de la publicité, adressée et ciblée grâce aux datas.

 

Face à ce « tout-tout flamme » déballé par AT&T, l’autre mastodonte, Verizon affirme lui entrer dans la quatrième révolution industrielle et se revendique comme le premier « déployeur » de 5G aux États-Unis. Une des dernières déclarations indique qu’il équipera cette année 30 villes du réseau 5G, après Houston, Indianapolis, Los Angeles et Sacramento. Le géant des télécoms veut mettre le turbo, d’autres se positionnant à l’instar de T-Mobile, allié à Mobile US, qui a déjà prévenu dès 2018 qu’il installerait la 5G dans 30 villes en 2019. Le hic est que, contrairement aux discours marketing, les standards de la 5G sont encore en cours d’élaboration…

 

 

La stratégie chinoise

Si le royaume de la 4G se trouve outre-Atlantique, l’Asie semble l’eldorado de la 5G. Les deux continents n’ont pas pris le même chemin, le premier optant pour la voie tournée vers les consommateurs, le second, celle dédiée aux industries. Interrogé par ZDNET, le patron d’Ericsson, Börje Ekholm, résume ainsi la course à l’échalote entre les États-Unis et la Chine : « La Chine s’est très tôt engagée dans l’Internet industriel, discernant ses applications industrielles. » Et dans le plan China 2025, la 5G tient un rôle primordial.

Comme il l’a indiqué, le 21 février dernier, l’État chinois entend continuer son déploiement, malgré les soucis de Huawei (lire plus loin). Dans un communiqué officiel, il indique : « Pour améliorer l’efficacité dans l’utilisation des ressources spectrales pour la 5G, le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’Information (MITI) devrait proposer plus de mesures concernant la commercialisation de cette technologie, comme la mise en place de nouvelles exigences pour les stations de base dans les fréquences basses et moyennes, ainsi que la coordination de ces stations. Dans le même temps, les autorités devraient publier des directives pour l’utilisation des ondes millimétriques pour la 5G. »

 

Les véhicules connectés seront privilégiés. Selon les chiffres du cabinet EY (juin 2018), les connexions en 5G dans ce pays pourraient représenter jusqu’à 40 % du total mondial d’ici à 2025. On comprend pourquoi il est urgent pour lui d’accélérer la mise en place de ce réseau.

En octobre dernier, Pékin a dévoilé sa feuille de route de la politique « Made in China 2025 » (MIC 2025), faisant trembler Washington. Avec 1,1 milliard d’abonnés à la téléphonie mobile 4G, le pivot du marché est juteux. Selon Bernstein Research, des tests sur le réseau 5G devraient être mis en place par trois opérateurs de télécommunications chinois dans différentes villes (environ 1 000 stations de base chacun). Tout devrait être prêt pour 2020.

 

 

La France en plein test

En France, le 31 janvier dernier, le gouvernement et l’Arcep ont lancé un appel à la création de plates-formes d’expérimentations 5G dans la bande 26 GHz, la bande identifiée par l’Europe comme « pionnière ». Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, veulent ainsi « favoriser l’appropriation par l’ensemble des acteurs des possibilités offertes par cette bande de fréquences et identifier les nouveaux usages permis par ces fréquences. »

On pourrait penser que si l’enjeu de la 5G est indéniable, son avenir en France est encore bien flou. Une impression renforcée par ce recensement lancé auprès des entreprises innovantes des usages futurs basés sur la 5G par l’Arcep. Depuis le lancement du guichet « pilotes 5G » en janvier 2018, mettant à disposition des fréquences pour tester des cas d’usages, on peut noter l’émergence de plates-formes testant des usages en 5G dans la bande 3,5 GHz, à l’instar du projet 5G-EVE, financé par Horizon 2020, ou de la plate-forme 5G à Linas-Montlhéry consacrée aux véhicules autonomes.

 

En France, les opérateurs affirment avoir investi près d’un milliard d’euros dans l’innovation de la 5G, Orange aurait ainsi fait croître son budget d’investissement de 3,1 % en 2018, passant à 7,4 milliards d’euros. Dans la feuille de route, le gouvernement français a tracé ses priorités : dès 2020, les fréquences seront attribuées et les déploiements commerciaux devront concerner au moins une grande ville. En 2025, les axes de transports principaux seront couverts en 5G. SFR (sud de Paris, Toulouse et Nantes), Bouygues (Bordeaux) et Orange (Lille, Douai, Marseille et, en 2019, le quartier de Paris-Opéra) expérimentent. La France répond en ces points au plan d’action de la Commission européenne pour la 5G.

Celui-ci prévoit un calendrier européen commun pour un lancement commercial coordonné des services de 5G. Pour mesurer ces avancées, la Commission européenne s’est dotée en octobre 2018 d’un observatoire trimestriel de la 5G (http://5gobservatory.eu/). Comme l’a déclaré Sébastien Soriano, président de l’Arcep, le 31 janvier, présentant la 5G aux professionnels : « Ne ratons pas le tournant de la 5G. L’Arcep ne laissera pas la France être dans le ventre mou européen de la 5G. Nous avons dépensé trop d’énergie à rattraper notre retard sur la 4G ! »

 

 

HUAWEI INSTALLE UN CENTRE DE CYBERSÉCURITÉ À BRUXELLES

Suite aux accusations d’espionnage visant Huawei, son fondateur Ren Zhengfei a déclaré à la chaîne américaine CBS News qu’il vendrait, voire fermerait, son groupe plutôt que de compromettre ses produits pour le compte du gouvernement chinois. À noter que Huawei génère 60 % de ses revenus en dehors de la Chine et travaille avec de 500 opérateurs de réseaux de télécommunication dans le monde.

Conscient que s’il existe un risque en matière de cybersécurité avec la 5G, Ren Zhengfei glisse que celui-ci doit être adressé de manière globale et par tous les acteurs du secteur. Le dirigeant rappelle que la norme 5G est le fruit de dix années de travail de la part du consortium 3GPP, et que la cybersécurité n’y a pas été négligée.

Mise au ban par les États-Unis, la société chinoise a inauguré le 5 mars son centre paneuropéen pour la transparence et la cybersécurité à Bruxelles. Un pied de nez à Donald Trump et un geste d’apaisement avec l’Europe.

 

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #31, p.86/87. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.