Aujourd’hui Paper to Film compte plus de 320 producteurs et s’est ouverte depuis peu aux créateurs de musique de films. Mais l’aventure n’a pas été simple car Paper to Film donne un coup de pied dans la fourmilière. « Nous avons réalisé un important travail de prosélytisme à la naissance de la plate-forme : elle bouscule les pratiques du secteur. Chacun avait l’habitude de travailler avec son propre réseau », explique le fondateur.
En effet, ce n’est pas se cacher derrière son petit doigt que d’admettre que cette industrie se compose d’un ensemble de microcosmes presque autonomes. « Notre parti est simple : plutôt qu’un scénario (ne) soit (pas) lu par dix sociétés de production, nous préférons qu’il soit lu par notre comité de lecture. S’il est sélectionné, il acquiert un label de qualité et, via la plate-forme, il est présenté aux 320 abonnés », développe-t-il.
Concrètement, un scénariste envoie son texte à Paper to Film et il reçoit une réponse sous sept jours. En cas de refus, on lui explique pourquoi et il peut le représenter trois fois au maximum.
« Afin de ne pas être en flux tendu, nous avons toujours 45 scénarios d’avance dans notre sélection, donc d’attente après validation pour les scénaristes. Tous les mercredis à 14 heures, c’est huit nouveaux projets qui sont présentés (longs-métrages, séries, courts-métrages, podcasts, que ce soit en animation, fiction, documentaire). Nous ne manquerons jamais de scénarios. Le but n’est pas de noyer les abonnés sous la masse, mais de bien cibler », reprend-il.
Sur la plate-forme, il existe plusieurs points d’entrées, selon le format, le genre, la formation, l’agent, les soutiens déjà apportés à l’auteur (s’il a fait une résidence, reçu une bourse, etc.) : le but est que l’abonné puisse affiner sa recherche et trouver le projet idoine. Paper To Film est un outil B2B.
« Nous ne sommes pas en quête de volume, mais de qualité. Si un producteur ne se connecte pas, nous le contactons pour savoir s’il est toujours intéressé. Notre but n’est pas d’avoir des profils vides. Nous travaillons avec les résidences, les écoles, les festivals, etc. selon le guide de l’accompagnement du CNC, bible dans laquelle nous avons la chance d’apparaître », ajoute Raphaël Tilliette.
Côté Partenaires, Paper To Film est bien entouré entre la Sacem, la Procirep, la SACD, les festivals internationaux de scénaristes… « Le fait d’être en numérique a pu bloquer certains, même si, en termes de puissance de networking, Paper To Film challenge des dizaines de festivals », glisse le jeune entrepreneur.
L’objectif de Paper to Film est de rééquilibrer la balance entre les scénaristes et les producteurs. « C’est le scénariste qui va choisir avec quel producteur il veut travailler. C’est important de choisir le bon partenaire quand on connaît la durée des relations dans ce duo », souligne-t-il. Dans le cadre de l’ouverture à la coproduction, les projets déjà accompagnés par un producteur, en phase de développement, peuvent être mis en ligne.
Gain de temps et nid à pépites
Dans les prochains trimestres, la société aimerait faire en sorte que cet outil puisse permettre d’identifier les pépites à développer. Elle a déjà un pôle dédié au développement et propose ses services sous forme de prestation.
« Nous travaillons notamment avec les plates-formes. Nous pouvons leur assurer presque l’intégralité du développement artistique du projet. Quand nous aurons signé avec la majorité des régions et des institutions, l’idée est d’être un facilitateur d’accès à ces guichets et de centraliser toutes les informations afin de simplifier la tâche des scénaristes et des sociétés de production, majoritairement de petites sociétés, au mode proche de la start-up. »
Son but ? Regrouper sur Paper To Film 80 % des guichets principaux d’ici à la fin de l’année, mais aussi toucher d’autres professionnels, à l’instar des distributeurs. Ces derniers sont intéressés par l’identification de projets et par le réseau de producteurs qualifiés. C’est aussi le cas des vendeurs internationaux, qui entrent très tôt dans le financement des films.
« Le site leur permet d’avoir accès aux futures pépites du marché », reprend Raphaël Tilliette, dont l’idée est de permettre aux chaînes, distributeurs, vendeurs, de se positionner très en amont. « C’est un vrai gain de temps, ce n’est pas pareil de développer un projet qui a déjà des touches auprès de partenaires potentiels », précise-t-il. D’ailleurs dans le cadre de la coproduction, les projets déjà accompagnés peuvent être présentés par Paper to Film.
Parmi les nouveautés, citons la place donnée aux compositeurs de musique de films. « Ils sont la dernière roue du carrosse dans les plans de financement ; pourtant en France, ils sont considérés comme des auteurs, au même titre que les scénaristes et les réalisateurs. » Pour eux, l’abonnement est de 65 euros par an.
En deux mois, la plate-forme accueille déjà 120 abonnés compositeurs de musique de films. Elle compte s’ouvrir, à partir du deuxième trimestre, aux réalisateurs. « Certains d’entre eux n’ont pas envie d’entrer dans le cycle de l’écriture, ils préfèrent travailler sur un scénario clé en main, ou répondre à la demande de producteurs », détaille Raphaël Tilliette.
« Nous les avons intégrés en dernier, car il fallait que chaque auteur puisse décider du degré d’exposition de son scénario. Aujourd’hui, les scénaristes ne peuvent pas se lire entre eux, pour des raisons de protection des scénarios. Le producteur a accès à un résumé du scénario. Nous avons standardisé la présentation pour qu’en dix minutes, il ait une idée concrète du projet. Il peut consulter le CV de l’auteur, et s’il est intéressé, il envoie, via la plate-forme, une demande de lecture au scénariste en direct. Le scénariste reste toujours le maître de l’accession à son scénario, cela nous permet de travailler avec des auteurs émergents et confirmés. »
Paper to Film travaille aussi main dans la main avec les agents, dans la mesure où l’accès est gratuit, sans exclusivité et sans commission pour les scénaristes. « Tout est transparent : chaque auteur sait qui a regardé sa fiche, qui a demandé une lecture, etc. Un agent qui gère cinquante auteurs a tout intérêt à les mettre sur Paper to Film ; il a ainsi un outil de suivi, voit les projets qui ont éveillé un intérêt et peut ensuite faire son travail de négociation avec les producteurs. Notre but était d’intégrer de manière vertueuse tout l’écosystème et non de nous positionner en intermédiaire gourmand. »
Identifier des projets à haut potentiel international
Parmi les ambitions de Paper to Film, l’élargissement à l’Europe est dans les tuyaux, d’où une ouverture aux projets anglophones. L’autre voie de développement tient dans l’adaptation du livre au scénario.
« On va fortement éditorialiser en choisissant six livres maximum, on donnera un accès gratuit aux livres à nos 550 scénaristes qui pourront se positionner. En cas d’adaptation, cela permettra aux producteurs d’avoir déjà un vivier d’auteurs intéressés. Une option bloque le livre et les gestionnaires de droits ont tout intérêt à ce que le projet se fasse vite afin que ce soit rentable », détaille-t-il.
Mais Paper to Film n’entend pas en rester là et travaille sur un autre projet très excitant. « Un consortium regroupant plusieurs partenaires européens va créer un fonds afin d’investir à hauteur de plusieurs millions d’euros par an, dans le développement, le moment le plus important en termes de prise de risque », dévoile Raphaël Tilliette.
C’est à Paper to Film qu’il a confié la mission d’identifier des projets à haut potentiel international, européen et visuel. « Ces projets, portés par des producteurs, pourront venir les solliciter afin d’être soutenus dans leur phase de développement », explique-t-il, ajoutant que cette entité se positionne comme une coopérative de producteurs indépendants, afin de répondre aux grands groupes.
« Ces producteurs se fédèrent non pas dans un syndicat, mais dans un groupe de travail et de création, au fur et à mesure. Avec les gains des projets, le but est qu’ils acquièrent la coopérative qui à terme serait possédée par les 100, 200, producteurs indépendants européens (UK, Allemagne, Italie, France). »
Paper to Film pourra accompagner le développement de ces projets présentés sous un label de qualité, si le producteur a besoin de soutien. Ils seront épaulés par des équipes marketing qui les présenteront aux plates-formes. L’objectif est double : faire levier de négociation face aux différents intervenants de l’industrie (distributeur, plate-forme, diffuseur, etc.) et devenir un label de qualité pour les producteurs, au même titre que Paper to Film pour les créateurs. Le consortium se positionnera comme garant, cela rassurera les futurs diffuseurs. C’est une vraie professionnalisation du secteur. « Un jeune producteur avec du talent pourra arriver à son but, même s’il n’a pas de bouteille », conclut Raphaël Tilliette.
PAPER TO FILM EN CHIFFRES
- Date de création : 9 mai 2017
- 3 000 projets reçus, 650 sélectionnés
- 550 auteurs
- 120 compositeurs
- 320 producteurs, diffuseurs, distributeurs et plates-formes
- 91 options prises par des producteurs
- 29 contrats issus d’appels à projets
- 24 partenaires institutionnels
- 12 pays connectés
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