Comment est née la production de Sauver Notre-Dame ? Est-ce que ce film a été plus compliqué à mettre en place, notamment en termes d’autorisation ?
Nous avons produit de très nombreux films documentaires sur des sites historiques et patrimoniaux, dont la Sainte Chapelle, Le Louvre, Versailles, Marly, Chambord, le Mont Saint Michel, et beaucoup d’autres, comme Pompéi, récemment. Dans le cadre de ces productions, nous avions déjà travaillé avec les différentes institutions mobilisées dans le sauvetage de la Cathédrale Notre-Dame, que soit la Direction régionale de l’action culturelle (DRAC) Ile-de-France, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), le Centre des Monuments Nationaux, ou le ministère de la Culture… Je les ai contactés immédiatement après l’incendie pour proposer de mettre les équipes spécialisées de GEDEON Programmes à disposition des services de l’État, afin de documenter, indexer et mettre en place des outils de communication sur le programme de sauvetage qui était mis en place par le gouvernement.
Pourquoi avez-vous senti qu’il était important de faire ce travail ?
Je savais que rien n’était fait à l’intérieur de la cathédrale du point de vue des prises de vues. Il fallait absolument qu’une documentation précise et régulière du chantier soit réalisée, autant pour garder une mémoire des événements, que pour pouvoir communiquer localement (sur le parvis à destination des Français et des touristes qui n’avaient aucune information en arrivant sur les lieux), mais aussi au niveau national. Réaliser un documentaire pour une diffusion sur une chaîne de service public était la moindre des choses que l’on se devait de faire vis-à-vis des citoyens. Il était aussi important que ce film puisse avoir une aura internationale car la mobilisation autour de ce drame a été énorme et les dons très importants. Il convenait donc de pouvoir expliquer et montrer au public étranger ce qui avait été fait de ces financements pour sauver la cathédrale.
Concrètement comment avez-vous procédé ?
Le document que j’avais envoyé à tous les services de l’État en charge du patrimoine, très au fait du travail de GEDEON Programmes, a été transmis au général Georgelin, nommé par le président de la République, Emmanuel Macron quelques jours après l’incendie, pour gérer le plan de sauvetage. Son secrétariat m’a contacté pour fixer un rendez-vous dès le lendemain et le général a autorisé GEDEON Programmes à filmer le chantier, à la condition qu’aucune image ne soit diffusée avant une année. Je devais aussi m’engager à donner des images pour la communication de l’Établissement Public qui serait ensuite créé. Ces images seraient notamment utilisées sur le site internet, ainsi que dans le cadre de l’exposition de la maison du chantier qui devait ouvrir ses portes plus tard. Il était aussi établi que GEDEON diffuse le plus largement possible le premier documentaire auprès du public international.
Est-ce un accord d’exclusivité ?
Il ne s’agit pas d’un accord d’exclusivité, mais plutôt d’un partenariat grâce auquel l’Établissement Public peut accéder à des images des travaux pour ses besoins de communication. Celui-ci bénéficiera à terme d’une banque d’images qui sera utilisée, non seulement pour conserver la mémoire des événements, mais également comme documentation scientifique.
Quand avez-vous débuté le tournage ?
Nous avons pu commencer à filmer dix jours après l’incendie, et ce de façon régulière, jusqu’à ce que le chantier soit arrêté fin juillet, pendant trois semaines, par l’inspection du travail pour permettre de décontaminer la zone. Le chantier a ensuite repris au ralenti, et sans la présence de nos caméras, pendant les deux mois suivants.
Quelles précautions avez-vous prises pour votre équipe ?
Nous avons été tout de suite avertis des problèmes de plomb et des précautions à prendre pour travailler sur le site. Notre équipe, dirigée par le réalisateur Quentin Domart, a suivi la formation plomb et fait tester sa plombémie, puis elle a utilisé les équipements nécessaires pour les tournages en zone contaminée. Plusieurs chefs opérateurs et ingénieurs du son ont été formés par GEDEON de façon à pouvoir filmer de façon régulière à tous les moments importants du chantier.
Comment se sont passées les relations entre les différents intervenants sur le chantier ?
La relation que Quentin Domart et les équipes de GEDEON ont tissée avec les acteurs du chantier, et notre présence depuis le début des opérations, a permis de filmer au plus près des scènes d’une très grande émotion et ce, à tous les moments importants des travaux. Après quelques mois, Charlène Gravel est venue renforcer l’équipe de réalisation, pour prendre en charge le montage, pendant que Quentin Domart continuait à tourner au sein de la cathédrale. Un autre réalisateur, Bruno Ulmer est également venu en renfort pendant trois mois.
Comment avez-vous articulé le financement de Sauver Notre-Dame ?
Même si nous avons été sollicités par de nombreux partenaires privés dès les jours qui ont suivi nos premiers tournages, nous avons souhaité travailler avec le service public, donc France 2. Il ne nous semblait pas possible de travailler pour une chaîne privée ou une plateforme payante. D’une part, ce sont tous les services publics de l’État qui se sont unis pour le sauvetage de ce lieu qui est l’un des plus symboliques de notre patrimoine national. D’autre part, l’incendie de Notre-Dame a touché tous les Français et ils se sentent concernés par le chantier de sa reconstruction. Donc ce documentaire devait être accessible à tous, gratuitement sur le service public.
Après France 2, notre filiale de distribution, TERRANOA a passé un accord avec la NDR/ARD en Allemagne, ainsi que SBS en Australie, CCTV en Chine et National Geographic pour tous les autres pays. Tous ces pays diffuseront Sauver Notre-Dame à la date anniversaire de l’incendie, et National Geographic le proposera dans 160 pays en 26 langues. Nous aurons tenu notre parole : raconter cette première année de mobilisation pour sauver Notre-Dame à un très large public international. Par ailleurs, comme nous nous y étions aussi engagés, nous montons des clips pour le site internet de l’Etablissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame.
Techniquement, comment les équipes ont-elles travaillé ?
Nous avons tourné en 4K, avec parfois des Go pro sur casques ou grues pour des moments impossibles à filmer de près. Nous avons aussi utilisé un drone 4K et une caméra fixe pour des time laps. Ce qui est complexe lors d’un tournage en zone contaminée, est que le matériel doit rester confiné à l’intérieur de la zone pendant tout le tournage. Celui dernier a duré 70 jours, le plus souvent avec deux caméras. Quelques animations graphiques viennent aussi souligner des éléments disparus sur certains plans tournés.
Allez-vous continuer à suivre ce chantier ?
Oui, nous nous sommes aussi engagés à filmer les travaux dans leur continuité. Nous désirons poursuivre les tournages avec les partenaires de ce premier film. Pour le moment, ils attendent la diffusion du documentaire avant de confirmer leur engagement pour la suite. Réponse, donc après le 14 avril.
Pensez-vous proposer un film l’an prochain ?
Nous pensons qu’il y a un film à faire pour le second anniversaire. Il reste une foule de travaux à effectuer, avant même de reconstruire la cathédrale. Ensuite, le troisième film portera sur la reconstruction.
Fiche Technique :
Sauver Notre-Dame
Un film de 100’et 52’ (version internationale)
Tourné et monté en 4K UHD
Réalisé par Quentin Domart et Charlène Gravel, avec la participation de Bruno Ulmer
Produit par Stéphane Millière et Valérie Menard-Battisti
Productrice associée Maya Lussier-Seguin
Une coproduction GEDEON Programmes, INRAP, NDR/ARD, CCTV
Avec la participation de France Télévisions,
En association avec National Geographic Channels, ABC Documentaries, SBS TV Australia.
Avec le soutien du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de la Procirep-société de producteurs et de l’Angoa.
Musique originale : Studio ABC
Montage : Charlène Gravel
Budget : 1 400 000 M€
Grâce au travail de financement international opéré par la société de distribution TERRANOA ce film aura une diffusion mondiale, le 14 et le 15 avril dans plus de 160 pays en 28 langues. En France, le documentaire sera diffusé ce mardi 14 avril à 20h50 sur France 2. Ce documentaire exceptionnel devait aussi être projeté en soirée d’ouverture du MIPTV le 30 Mars dernier…
Article extrait du Sonovision #19 à paraître prochainement…