Sahar Baghery, directrice du pôle Etudes et Stratégies des Contenus chez Eurodata TV Worldwide, souligne : « La clé est de créer un contenu attractif pour l’audience internationale, avec deux objectifs : développer une audience premium et identifier les leviers de l’innovation pour rajeunir son audience. Les récentes alliances multilocalisées sont une réponse à ces enjeux ».
Le digital façonne les contenus et la façon de les regarder
Pour Estelle Chandèze, responsable d’études et de clientèle chez Eurodata TV Worldwide, « l’essor du digital s’accompagne de l’accroissement de la consultation de vidéos en mobilité, notamment chez les millenials. »
Ainsi, de nouvelles plates-formes comme Studio + (lancée en 2016 par Vivendi) et Blackpills (soutenue par Xavier Niel) proposent des mini-séries de 10 min pour mobile. Les chaînes développent également des offres dédiées aux jeunes, comme la plate-forme digitale Funk conçue par les chaînes allemandes ARD et ZDF, destinée aux 14-29 ans.
Pour faire face à la concurrence, les chaînes de télévision déploient des stratégies innovantes. C’est le cas de la RAI, en Italie, qui propose une offre plus qualitative grâce à une ligne éditoriale audacieuse, un développement des relations avec l’international et une digitalisation de ses services.
La fiction et le factuel entertainment en tête des créations
La création est clé pour se différencier et, en 2016, plus de 8 350 nouveaux concepts de programmes TV et SVOD ont été lancés dans 50 pays. Plus de la moitié de ces nouveaux programmes sont des créations nationales. Les séries et les programmes factuels – magazines, documentaires – constituent les principaux viviers de nouveautés (40% chacun), les programmes de divertissement sont en légère baisse de 3 points (20% des lancements).
La France devient le 3e exportateur de programmes en volume de titres, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni, gagnant ainsi une place ; l’Allemagne fait son entrée dans le top à la 4e place. D’autres territoires sont plus présents à l’export qu’en 2015 : les Émirats Arabes Unis, l’Ukraine et le Brésil.
Des contenus qui vont toujours plus loin
En termes de contenus, la tendance consiste à repousser les limites existantes, qu’il s’agisse de donner la voix aux femmes, aux communautés moins entendues, d’évoquer des thèmes qui dérangent, de changer de paysage ou de mixer les genres et les temporalités.
La question de l’« Empowerment » des personnes est centrale. Tout d’abord la prise de pouvoir par les femmes : la série « Pitch » (lancée sur Fox en septembre 2016) s’intéresse à la première femme à entrer dans le monde du baseball professionnel. Empowerment aussi de communautés : « Kids on the Edge » (diffusé sur la chaîne anglaise Channel 4) montre les difficultés rencontrées par des enfants en crise d’identité autour de leur genre.
La démarcation continue de s’estomper entre fiction, réalité et divertissement. « Six Wives with Lucy Worsley » est une reconstitution historique dramatisée dans laquelle la narratrice navigue entre fiction et réalité, commente en aparté face caméra ou, au contraire, s’intègre au décor parmi les figurants.
Autre approche qui cette fois mixe les temporalités, le format « Fremantle This Time Next Year » sur ITV au Royaume-Uni suit des personnes qui se lancent des défis à réaliser en un an, avec une impression de passage instantané entre l’avant et l’après. Il a entraîné une augmentation de 12% de part d’audience sur la case des 16-34 ans.
Quand la TV montre ses propres dérives, des émissions pénètrent dans l’intimité des gens, jouent avec le voyeurisme et les thèmes qui dérangent. « Come to bed » est un format de Small World, en développement aux États-Unis, qui suit en caméra fixe des personnes dans leur lit, au coucher avant que les lumières ne s’éteignent.
Enfin, la fiction change de cadre et nous emmène dans des pays chauds, où la nature et le paysage sont prédominants dans la narration. Le thriller suédois à venir « Farang » nous transporte en Thaïlande. D’un autre côté, certains formats de factual entertainment s’intéressent à la rencontre de soi et des autres dans des pays lointains. « Better late than never » est l’adaptation américaine du format coréen à succès « Grandpas Over Flowers » qui suit quatre célébrités senior dans une aventure en sac à dos à travers l’Asie du Sud-Est. Le format a rassemblé 28% de part d’audience supplémentaire par rapport à la moyenne de la case sur la cible totale individus, et une adaptation italienne vient d’être annoncée, ce qui est la première version européenne pour ce format.
Cet aperçu reflète, conclut Eurodata TV Worldwide, l’inventivité des contenus TV, plus qualitatifs et surprenants pour conquérir un auditoire – notamment les millenials – exigeant, très sollicité et dont les pratiques évoluent avec le digital.
Source : NOTA – © Médiamétrie – Eurodata TV Worldwide – partenaires audimétriques – DR