« Tribes of Europa » se déroule en 2074 dans une Europe ravagée. Trois frères et sœurs luttent pour leur survie dans une Europe meurtrie, fracturée en plusieurs micro-États après une mystérieuse catastrophe mondiale. Chacune des tribus souhaite dominer l’ensemble du continent européen.
Comment la décision d’utiliser le HDR Dolby Vision a-t-elle été prise ? Pourquoi vouliez-vous travailler avec cette technologie ?
Christian Rein : En 2016, j’ai participé à Girlboss, l’une des premières séries de Netflix filmées en Dolby Vision. À l’époque, il était tentant d’exploiter le HDR au maximum de ses possibilités, au point d’obtenir un résultat lumineux et colorimétrique, parfois excessif, qui devenait difficile à regarder. Quatre ans plus tard, le format a mûri. Et moi aussi. J’étais donc impatient d’utiliser le HDR sur ce projet. Au niveau du produit final, c’est un peu comme si l’on comparaît le Blu-ray à la VHS. Netflix étant du même avis, la décision a été simple.
Stephan Kuch : Le HDR offre une gamme et un volume incomparables. Avec Dolby Vision, vous pérennisez votre contenu et votre investissement. Le rendu est excellent sur tous les nouveaux écrans, des iPad aux grands téléviseurs HDR. Si vous voulez maximiser votre impact sur un vaste public, c’est la solution qu’il vous faut.
Comment avez-vous défini le style visuel de la série ? Et en quoi le HDR Dolby Vision a-t-il contribué à cette vision ?
C.R. : C’était la première fois que je travaillais avec le réalisateur Philip Koch. Lorsqu’on m’a donné le scénario, j’ai immédiatement pensé à The Revenant. J’avais vu juste : quand j’en ai parlé au réalisateur, il avait pensé exactement pareil. J’ai donc regardé ce film une vingtaine de fois, mais aussi d’autres classiques comme Le Fils de l’homme et Blade Runner, ce dernier étant aussi une source d’inspiration essentielle pour nous. Le HDR nous garantissait de pouvoir reproduire la clarté et les contrastes de Blade Runner, ainsi que la profondeur des ombres.
Dans The Revenant, nous avons notamment repris l’utilisation constante de prises de vue grand-angle. J’ai surtout filmé avec une caméra Arri Alexa 65 équipée du grand capteur de 65 mm, parmi les plus grands du marché. Nous avons testé vingt-cinq objectifs, mais tout le monde est tombé sous le charme du vieil Arri Prime 28 mm, utilisé sur 80 % de la série. En clair, ce n’était pas tant un tournage à une seule caméra qu’un tournage à un seul objectif.
Sur le plateau, nous avons utilisé des moniteurs SDR. Le monitoring HDR n’est toujours pas très pratique en tournage à cause des coûts et du manque de standardisation : deux problèmes qui seront bientôt résolus. Mais ça n’a pas posé de problème. Stephan gardait un moniteur HDR dans le camion-régie pour vérifier et j’ai éclairé le plateau exactement comme pour un film. J’ai réglé la caméra sur 400 ASA, surexposé d’un stop, utilisé mon vieux spotmètre et diminué l’ouverture du diaphragme. Si cela rendait bien sur le moniteur SDR, alors je savais que le HDR ne serait pas un problème au vu de ses capacités supplémentaires. Nous avons testé tout le pipeline pour vérifier que tout marcherait bien. Et ça a été le cas.
Comment le pipeline a-t-il fonctionné pour les rushes ? Avez-vous eu des surprises ?
S. K. : Pour les rushes, j’ai utilisé un moniteur LG HDR et mon moniteur Sony SDR dans le camion, juste au cas où il y aurait eu des questions ou des choses à vérifier. Mais nous avons essayé de ne pas trop regarder le HDR car les rushes étaient en SDR et les décisions artistiques étaient prises sur cette base. Quant aux surprises, nous savions que nous devions surveiller certains aspects. En HDR, lorsque vous éclairez des fenêtres, il arrive que la lumière elle-même soit visible. Mais nous savions comment repérer ce genre d’effet et ensuite le dissiper à l’écran. Nous nous y attendions, nous connaissions nos outils et, au final, nous n’avons eu à retoucher qu’une trentaine de plans sur toute la série
Qu’en a-t-il été du workflow et du livrable final ?
C. R. : Au cours des quatre dernières années, le processus de création en SDR s’est aussi grandement amélioré. Lors du développement de Dolby Vision, la magie a opéré. Si bien que la conversion du HDR au SDR donne maintenant un meilleur résultat qu’un master SDR. Elle restitue l’atmosphère comme jamais le SDR natif n’aurait pu le faire.
S. K. : L’analyse SDR de Dolby Vision est désormais excellente et tout le workflow s’est considérablement amélioré dans Dolby Vision. Vous avez ainsi une bonne idée de ce que donnera le résultat final, si bien que vous pouvez vous concentrer sur le HDR. Nul besoin de vous demander sans cesse ce que vous serez peut-être amené à faire en SDR ou si tout fonctionnera. L’analyseur sait parfaitement comment convertir le gamut. Bien entendu, vous pouvez l’ajuster, mais l’étalonnage en HDR est parfaitement restitué en SDR. Il suffit de produire le master HDR et ses métadonnées serviront à créer toutes les autres versions. Plus besoin de créer un master SDR. Nous livrons simplement notre master Dolby Vision et ses métadonnées à Netflix qui utilise le tout pour créer les flux HDR et SDR destinés aux abonnés. Visuellement, le résultat est excellent
Maintenant que vous utilisez le HDR Dolby Vision depuis quelques années, que pensez-vous du format ?
C. R. : C’est un excellent moyen de transposer votre vision à l’écran. Pour ce projet, nous avons vraiment repoussé certaines limites. Nous avons travaillé très dur, mais le HDR Dolby Vision nous a facilité la tâche. Les producteurs ont été extrêmement satisfaits. Une fois l’étalonnage terminé, alors que j’étais déjà passé à un autre projet, l’un d’eux m’a écrit : « C’était une vraie expérience cinéma, l’émotion d’un film grand écran sur petit écran », ce qui est un sacré compliment. Les prises de vue grand-angle y sont pour beaucoup peut-être, même trop de l’avis de certains acteurs et producteurs. Le HDR Dolby Vision aide réellement à retranscrire le cheminement émotionnel des acteurs. Il peut amplifier leur jeu sans le dénaturer.
S. K. : Je me rappelle aussi d’une scène de nuit où nous n’avons pas opté pour un clair de lune, mais pour une brume en arrière-plan et quelques projecteurs. L’obscurité offre tant de possibilités… ! Quand vous transportez un personnage de l’ombre épaisse vers la lumière du soleil, vous pouvez pratiquement aveugler le public. Effet dramatique assuré.