Le MIP se pense multi-écrans mais préserve sa fenêtre historique

 
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Du 8 au 11 mai, Cannes a accueilli le 50e MIP TV, plus grand marché de programmes audiovisuels du monde. Il fallait également compter avec son dernier avatar, le MIP CUBE, qui avait pris ses quartiers au sein même du Palais des festivals. Au menu : projets transmédia, stratégies second écran et attente autour du 4K ou Ultra-HD…

 

Entre politique clairement affirmée et navigation à vue – voire annonces non suivies d’effets – le MIP TV suit l’évolution par à-coups, souvent violents, que subit le marché des programmes avec l’avènement du Web, puis des Smartphones, désormais des tablettes et demain de la télévision connectée. Ce n’est donc plus le contenu qui mène le bal, plus trop le tuyau par lequel il transite mais bel et bien la fenêtre via laquelle elle se lit/voit/écoute/perçoit.

C’est bien pour cela que le MIP CUBE, « petit frère multi-écrans » du Marché International de Programmes historiques, suscite de plus en plus d’attrait auprès non plus seulement des prestataires techniques mais aussi des diffuseurs qui ne peuvent faire l’impasse sur un programme de sessions souvent brillantes, toujours pertinentes.

 

Des chaînes demandeuses voire exigeantes

Tout comme on a opposé, en son temps, cinéma et télévision, ou encore film et numérique, le petit écran a eu souvent droit à des nécrologies flamboyantes pour mettre en avant l’arrivée des écrans de Smartphones et désormais de tablettes. Pour autant, jamais les diffuseurs historiques n’ont été autant présents sur les sessions de meeting du matin. Présents et demandeurs de projets transmédia.

Parmi ceux-ci, A+E Networks, aux États-Unis, fait office de lapin de la fable. Avec des marques aussi emblématiques que History Channel, penser numérique s’en trouve facilité : « les revenus issus des productions numériques disponibles en VàD, IPTV et mobile ont progressé de 50 % en deux ans », résume Christopher Barry, à la tête du département stratégie des médias numériques du groupe.

On pourrait penser qu’une télévision fonctionnant sur fonds publics serait plus lente à amorcer le virage du multi-écrans… et on aurait forcément (pas que) tort. En témoigne Arte en France et France Télévisions, dans une moindre mesure. Au Canada, « les applications pour le second écran, telles celles issues des jeux « Over the Rainbow » ou « Would You Invest ? », sont cruciales dans une stratégie de modernisation d’une chaîne publique », explique Julie Bristow, de Canadian Broadcasting Corporation, dont 50 % du budget provient de l’État.

Même son de cloche en France à Canal+, comme le fait remarquer Fabienne Fouquet, directrice des médias numériques pour le groupe : « Le second écran est indispensable dans nos stratégies et dans les éléments qui attirent notre attention sur un projet que l’on nous soumet. L’équation est on ne peut plus claire : « Pour que les gens reviennent, il faut renouveler les contenus régulièrement » ce qui signifie produire toujours plus mais pas n’importe comment : « Nous recherchons des projets de programmes qui disposent d’une intégration rapide par les utilisateurs pour créer rapidement une communauté, une synergie parfaite entre l’écran et le web, avec une dimension de gaming, social et intégrant des statistiques. Quelque chose qui soit facile d’usage et rapidement customisable ». Exigeant ? pas plus que toutes les autres qui savent bien que leur mort programmée a finalement fait long feu et que le diffuseur historique a encore les moyens sinon de dicter sa loi, du moins d’imposer son point de vue.

 

Le 4K, c’est maintenant… ou un peu plus tard, peut-être

Avec un atelier parrainé par Sony, on aurait pu penser assister à un panégyrique sur la marque et l’avènement imminent de ce format sur les écrans de télévision. C’était sans compter sur la présence des intervenants, tous convaincus de sa pertinence, moins sur un calendrier précis d’installation.

Thomas Morrod, Senior director, consumer electronics & media technology au sein de IHS Global a recadré les ambitions et estimé à 2025 l’horizon du 4K installé durablement ; « la transition du SD vers la HD a pris plus de 20 ans », rappelle-t-il. En 2012, 74 % des ménages en Europe du Sud ont une TVHD mais sans pour autant les programmes qui vont bien dessus. « L’avenir de la Ultra-HD ou 4K dépendra uniquement du développement de son écosystème. Le point, actuellement, demeure la question de l’agrégation des contenus. En 2013, beaucoup de modèles de téléviseur vont pouvoir afficher de la U-HD mais leur adoption massive va prendre du temps ». Pour l’analyste, « les conditions sont réunies en 2017, à l’instar des conditions qui ont présidé à l’essor de la HD en 2002, pour un marché de masse que nous pouvons estimer en 2023 ». Alors, pourquoi 2017 ? Pour Thomas Morrod, c’est un double phénomène à la fois de palier technologique et aussi d’attrait massif des annonceurs pour la qualité qui va booster l’adoption.

Il faudrait donc attendre avant de réaliser des programmes en 4K (ou U-HD) si leur diffusion ne doit intervenir que dans un laps de temps minimum de 4 ans ? Forcément non : « La production en 4K natif est nécessaire », assène le directeur de la photographie Berti Kropac, co-fondateur de Kropac Media en Allemagne, qui s’est fait connaître pour ses captations en 4K dans le domaine sportif – et même une production en 6K pour une diffusion écran de base 70 mètres. « La 4K est parfaite pour les manifestations sportives, surtout si on utilise au minimum du 50 P ; je trouve l’image encore plus immersive que la 3D relief avec un niveau de détail sans pareil. C’est comme si l’on regardait vraiment le monde autour de soi, sans le filtre de l’écran ».

Mais alors, pourquoi attendre ? Ainsi que l’expliquait Morrod, il faut un écosystème viable pour bien grandir. Or, actuellement, explique Barry Bassett, Managing director chez les anglais de VMI.TV, « le risque pour une production 4K, c’est de subir une postproduction destructrice lors de sa reconversion en HD. Pas de reconversion, pas de diffusion. Si on ne veut pas toucher à l’image, aucun diffuseur n’ira coproduire quelque chose d’impossible à diffuser ». Autre pierre d’achoppement, toujours sur le versant postproduction, « les tonnes de données à traiter, gérer, transmettre qui, au final, grèvent le budget d’une production ».

 

Maximiser la valeur « contenu »

On peut soutenir l’exception culturelle et reconnaître la valorisation des contenus dans le sens qu’il faut désormais penser son programme non pas pour un écran mais pour trois ou quatre, que le temps consacré à « installer » un programme dans une grille est réduit à sa portion congrue et que la création d’une communauté prévaut presque sur le contenu d’origine… Une fois tout cela ingéré, la session « Maximising the value of digital and TV content accros platforms, in an audience-based world » par Anne de Kerckhove prenait toute sa valeur.

En préambule, la Managing director EMEA de Collider, spécialiste des solutions de monétisation des contenus et des audiences, a bien rappelé que l’écran premier demeure celui de la télévision. Cette primauté est à prendre en considération, même si force est de constater que les règles ont quelque peu changé : « il faut bien que diffuseurs et producteurs travaillent de concert pour déterminer ce que les marques attendent d’eux. Et à cette nouvelle donne, trouver de l’audience ajoute une pression supplémentaire : les outils de mesure s’avèrent donc cruciaux ». Comment en effet appréhender correctement le fait que « 43 % des usagers commencent à regarder du contenu sur un écran et finissent sur un autre. Pour comprendre l’audience, il faut croiser, affiner une masse d’informations pour éviter les mauvaises interprétations ».

Et d’avancer quelques aphorismes bien sentis tels que « Content is King, Audience is Queen » pour appuyer la gamme proposée par Collider : revenuemanager (pour améliorer les revenus issus des canaux indirects), directsalesmanager (outil de gestion d’audiences) ou encore audiencelink (pour monétiser et contrôler et monétiser l’utilisation des datas collectées).

 

Difficile d’être exhaustif face à la diversité des conférences, workshops et autres keynotes proposées. Il suffisait de constater que, contrairement à l’an passé, le MIP CUBE avait trouvé sa place aux mêmes dates que son « grand frère » du MIP TV, au cœur même des allées jusqu’alors dévolues aux producteurs de contenus linéaires. Comme si la dimension multi-écrans était devenu une donnée intrinsèque d’un marché de contenus qu’il ne convient plus de penser sur une, voire deux, fenêtres uniquement. Il était temps…

 

Magine : 30 jours de catch-up à portée de tablettes

Il fait décidément bon vivre en Suède en ce moment. Outre les paysages, les auteurs de romans policiers et sa jeunesse débordante, il faudra désormais ajouter… Magine. Lancée en mars 2013, Magine est une plate-forme de diffusion d’une trentaine de chaînes de télévision – 25 suédoises, plus CNN International, BBC World News, National Geographic, Cartoon Network, etc., disponibles à la fois sur le Web, les Smartphones et tablettes mais également… sur le bon vieux poste du salon (si vous disposez d’un Samsung ou LG).

Concrètement, Magine est une app pour iOS, les smart TV de Samsung ainsi que pour le Web permettant de visionner l’offre de contenus sur votre Smartphone, tablette et téléviseur. À l’aide d’un QR Code affiché sur l’écran, vous pouvez également connecter tablette ou Smartphone à ce dernier pour en faire votre télécommande.

Des outils de recherche par mots-clés sont disponibles pour accéder, sur l’ensemble des chaînes disponibles, à des émissions, séries ou documentaires sur le thème demandé. Une timeline avec l’intégralité des programmes indique les programmes en cours ; cliquer dessus lance immédiatement leur diffusion. Et pour reprendre le programme à l’origine, il suffit de faire glisser la timeline au début du « bloc » magazines ou émissions, presser Play et regarder !

Moyennant 10 euros par mois, l’utilisateur bénéficie de 30 jours de programmes disponibles.

Déjà, des constructeurs d’écran ont fait part de leur intérêt pour Magine ; Samsung s’est notamment dit partant pour pré-installer l’app directement sur sa nouvelle gamme d’écrans en Suède. « Magine intervient dans la chaîne de valeur uniquement au niveau de la distribution », explique Michael Turner, Head Of Content chez Magine, qui s’érige donc comme un autre distributeur. Les chaînes de télévision sont rémunérées sur l’abonnement.

Les résultats semblent être à la hauteur : « la première enquête que nous avons réalisée montre que plus de 40 % des utilisateurs de Magine ont regardé plus de programmes de façon très significative », rappelle le responsable de Magine… sans pour autant donner de chiffres précis.

Pour l’instant cantonné à la Suède, le distributeur cherche naturellement à s’étendre sur d’autres marchés en Europe. Dans un premier temps…