MAM : des solutions améliorées, sans casse-tête

Société d’architecte et conseil IT, Mesclado s’adresse aux groupes de médias, ayants-droit de contenu et fournisseurs de technologies et de services. Depuis huit ans, la société tient à jour une étude des offres de MAM. Son fondateur, François Abbe, présente ici quelques-unes des conclusions de son rapport. Et vous savez quoi ? Le marché est en pleine explosion ! D’où l’intérêt de regarder de plus près quelques éléments clés.
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Les systèmes de MAM (Media Asset Management) sont des bases de données qui contiennent tous vos contenus audio et vidéo. YouTube, Dailymotion et Deezer sont des exemples de services de MAM grand public. Dans le milieu du B2B, Mesclado a repéré vingt-cinq acteurs internationaux actifs en Europe.

Vous avez à votre disposition quatre principales options pour gérer vos contenus médias : des systèmes de gestion de contenus (CMA) pour gérer votre site web; des systèmes de gestion du stockage pour gérer vos archives numériques et des systèmes de gestion d’entreprise (BMS) ou de gestion des contenus d’entreprise (ECM) pour gérer votre entreprise entière. Dans le présent rapport, nous nous penchons sur cette dernière option, qui regroupe les systèmes suivants : Digital Asset Management (DAM), Workflow Management, Production Asset Management (PAM) et Media Asset Management (MAM).

 

Une histoire sans fin

Avid pourrait ouvrir le débat en affirmant avoir inventé le concept ! Je reconnais qu’ils ont inventé le terme « Production Asset Management » (PAM). Les systèmes de MAM sont, comme tous les autres logiciels, en ce qu’ils offrent des fonctions supplémentaires à chaque nouvelle version. L’une des difficultés rencontrées à la fois par les utilisateurs et les fournisseurs est qu’il faut suivre l’évolution du logiciel. À l’occasion d’un projet à Paris, nous avons dû réaliser un processus de rétro-ingénierie sur l’outil afin de comprendre ses détails les plus pointus pour une production en direct. L’équipe de développement avait sans doute les réponses que nous cherchions, mais il fallait passer par toute une série d’intermédiaires avant de pouvoir entrer en contact avec la bonne personne, et nous avons donc décidé de tout faire nous-mêmes. Si cela arrive, c’est bien entendu en raison de la petite taille du marché, et nous reviendrons sur ce point plus loin.

 

Aperçu des ICP

Voyons le comparatif des fournisseurs dans le rapport de Mesclado. Une fois que nous savons précisément comment fonctionne le client, quels systèmes sont déjà installés et quelles exigences sont à respecter, nous mesurons quatre indicateurs clés de performance (ICP) pour le client. Chaque ICP inclut des dizaines de paramètres quantifiables. Nous attribuons alors à chaque solution un score de 0 à 40, qui reflète la variété des fonctions qu’elle offre.

Un système qui obtient un score parfait aura-t-il forcément du succès ? Non, mais cela réduit les chances d’échec, étant donné que les ICP reflètent les besoins des utilisateurs. Depuis quinze années que je travaille sur des systèmes de MAM, mes réussites ont le plus souvent été dues à la capacité des gens à collaborer, c’est-à-dire à la capacité de mes clients à communiquer efficacement avec les fournisseurs et à faire en sorte que leurs propres équipes travaillent ensemble de manière efficace.

Voici quelques-uns des points essentiels relevés dans les rapports sur les systèmes de MAM de 2009 à aujourd’hui.

Commençons par le début : quel est le résultat souhaité ? Quelles sont les exigences ? En théorie, il faut commencer par un inventaire des exigences (par exemple de vos besoins en termes commerciaux, de workflow ou techniques), puis repérer quelle solution est la plus adaptée. En pratique, les ingénieurs aiment faire leur shopping lors de salons professionnels. Ils y découvrent les systèmes de leurs rêves, prennent des cafés et souvent des cocktails le soir (voire plus à Amsterdam)… puis devinez quoi ? Ils reviennent au bureau avec un carnet d’adresses rempli. Je n’ai rien contre les salons professionnels et les impressionnantes démonstrations préenregistrées, mais soyons réalistes : il faut commencer au début, c’est-à-dire en recensant les besoins !

 « Qu’est-ce qu’il vous faut, monsieur/madame ? ». Il y a des années, les fournisseurs organisaient une visite de 48 heures pour présenter leur nouveau système. Chaque marque cherchait une première vente et un client important. Les solutions étaient attrayantes sur le papier, mais il fallait des années pour les déboguer. En 2016, cependant, le marché peut-il se permettre ce niveau d’effort ? Le délai de mise sur le marché est devenu un facteur essentiel, surtout pour les utilisateurs !

Tout est dans les détails. « Votre système de MAM est-il compatible avec le nouveau format d’image UHD ? », demande le client. La réponse est évidemment « bien sûr ! ». Mais faut-il vraiment que vous preniez en charge tous les nouveaux formats de fichier (AVC Ultra, XAVC) et toutes leurs variantes (le format XAVC peut atteindre 960 Mb/s !) ? Si vous le faites, ce n’est probablement pas nécessaire : à de rares exceptions près, aucun MAM sur le marché ne prend en charge la UHD au même niveau que la HD.

 

Lorsqu’apparaissent des problèmes

À mesure qu’évolue le projet, les clients sont de plus en plus irrités, car le système déployé semble s’être éloigné de plus en plus de leur système idéal. C’est alors qu’ils mettent la pression sur le fournisseur, malgré de bonnes intentions au départ (« Nous allons acheter un système commercial standard »). En 2007, un grand diffuseur français a décidé de passer à la HD, et a mis une pression énorme sur son fournisseur. Soumis à une telle pression, ce dernier a produit un système de MAM impossible à gérer. Des questions de politique interne sont alors intervenues, et l’intégrateur système a été remercié. Je n’avais jamais vu autant d’équipements apparaître et disparaître en si peu de temps…

 

La poule et l’œuf

Les fournisseurs de systèmes de MAM écoutent donc les clients qui souhaitent de nouvelles fonctions, ce qui ralentit la fréquence des nouvelles versions, ce qui frustre le client, qui continue de demander plus de fonctions. C’est un cercle vicieux classique pour le système de MAM. Heureusement, les deux parties se mettent de plus en plus souvent d’accord sur une solution standard.

L’échec, une étape essentielle. Dans le monde des systèmes de MAM, il faut tester les solutions. Voici deux exemples utiles à retenir, arrivés au cours des vingt dernières années.

Au début des années 2000, un studio américain s’est lancé dans la VàD en HD, et souhaitait changer tout son catalogue de films au format numérique. Il avait donc besoin d’un système de MAM pour gérer les archives. Aucune solution commerciale standard n’existait, et il a donc décidé de faire appel à une équipe de développement informatique provenant… du secteur de la défense ! Leur justification : « une solution faite par des développeurs de l’industrie de la défense sera certainement à la hauteur pour l’industrie du cinéma. » Seulement voilà : les développeurs de l’industrie de la défense n’avaient aucune idée du fonctionnement de l’industrie du cinéma. Au bout du compte, le système de MAM n’a jamais fonctionné, et le projet a fini par être annulé. Le studio a perdu plus d’un million de dollars.

Le diffuseur de service public belge, la RTBF, est en train de déployer sa troisième génération de système MAM. Cela signifie qu’il lui a fallu plusieurs cycles pour se rapprocher de son objectif. L’élément différenciateur clé pour la RTBF est le fait que son système prend en charge un volume important de contenus pour la production et la distribution audiovisuelles (la RTBF produit en effet elle-même la plupart de ses programmes), et que des milliers de gens l’utilisent chaque jour.

Trouver un fournisseur qui comprend le monde de la production et de la distribution de vidéos. La gestion des contenus média n’est pas un sujet facile. Un système de MAM, c’est une grosse base de données qui contient vos contenus audio et vidéo. Mais ce qui fait la différence entre une application commerciale et une application professionnelle, c’est la possibilité d’explorer de manière approfondie les processus de travail, c’est-à-dire les workflows.

Calculer un CTP réaliste. Je trouve que le Coût total de possession (CTP) est un indicateur incroyablement utile. Si vous vous mettez à calculer le coût réel d’un système de MAM de A à Z, vous risquez de vous arracher les cheveux. Avec le modèle actuel, l’investissement initial peut être nul si vous faites appel à un système de MAM dans le Cloud. Ensuite, vous commencez à payer un abonnement. Les coûts dissimulés se trouvent à l’origine dans l’intégration avec d’autres bases de données. La méthode de gestion de projet de Mesclado consiste à se concentrer sur les besoins initiaux, ce qui permet de réaliser d’importantes économies en aval : tout changement apporté après le lancement du projet peut être très coûteux.

Une fois que le système est mis en place, il est certain que vous dépenserez des ressources pour le développer en fonction de nouveaux besoins, ou simplement pour le tenir à jour. En 2012, un diffuseur a fait appel à Mesclado pour l’aider à mettre à jour plusieurs grands systèmes de MAM. Une fois la décision prise, la mise à jour a coûté un million d’euros. Ces jours-ci, qui peut se permettre de payer autant pour une simple mise à jour ?

Un système personnalisé ou commercial ? C’est un dilemme éternel : faut-il entretenir un système « maison » existant et vieillissant, ou acheter un nouveau système de MAM commercial ? En fait, la réponse est liée aux ressources humaines plutôt qu’à d’autres facteurs. Il peut être difficile de former tout votre personnel au nouveau système. De plus, le recours à une équipe de développement interne est un bon moyen de garantir la flexibilité et la réactivité. Mais cette solution est-elle financièrement viable ? En 2015, Mesclado s’est lancé dans le remplacement d’une solution développée en interne (associée à un système de MAM) par une solution commerciale. La décision finale pourrait bien dépendre du coût de la formation.

Capex ou Opex. « Monsieur le directeur financier, comment devrais-je dépenser mon budget ? ». Les systèmes de MAM représentaient auparavant un coût initial élevé en termes de Capex. Actuellement, les coûts d’exploitation (Opex) sont élevés quelle que soit la solution choisie, puisqu’il vous faut payer pour les mises à jour, l’assistance, etc. Ces coûts peuvent représenter jusqu’à 25 % du coût d’achat théorique du système. Vous pouvez donc vous demander s’il vaut mieux opter pour un modèle tout-Opex, dans lequel vous ne commencez à payer beaucoup que lorsque vous profitez réellement du système.

Développement du système : accumuler une expertise interne. Autrefois, une chaîne de télévision pouvait mettre en place une régie centrale pour cinq à dix ans sans grands changements. Aujourd’hui, vous pouvez vous estimer chanceux si le système ne change pas avant la date de mise à l’antenne. C’est ce qui est arrivé à l’équipe Mesclado : nous avons déployé un grand système de MAM, et quelques mois plus tard FIMS [www.fims.tv] est né, contribuant à créer un système plus ouvert.

 

Industrialisation

Tous les systèmes de MAM actuellement disponibles incluent des Business Process Managers (BPM), également appelés moteurs de workflow (mon ami Bruce Devlin pourra vous expliquer la nuance subtile entre ces deux notions). Leur rôle est d’automatiser les opérations. Parfois, ils font appel à un bus (aucun lien avec les transports en commun, comme l’a souligné un fournisseur !). Il faut faire attention à ne pas penser que tous les BPM se valent, ce qui est faux ! Deux possibilités existent :
– le fournisseur peut avoir développé sa propre solution (même si certains utilisent toujours un outil commercial de conception de workflow, ce qui leur permet de suivre la norme BPMN 2.0 pour le développement de workflows) ;
– le fournisseur peut avoir intégré une solution commerciale (laissant donc en théorie plus de temps pour développer la valeur ajoutée du produit lui-même).

 

Mythe ou réalité ?

Beaucoup d’acteurs automatisent les processus à l’aide d’architectures orientées services. En 2008, Mesclado a déployé son premier projet de BPM pour des contenus sportifs et d’information à la télévision. Depuis cette époque, nous avons repéré de nombreux écueils. Le premier d’entre eux, c’est le risque de traiter ces projets comme n’importe quel autre projet informatique. Les problèmes apparaissent quand le fournisseur commence à confier le développement à des ingénieurs logiciels qui n’ont aucune idée de la manière dont vous utilisez vos contenus audiovisuels. Au final, vous payez deux fois : une fois pour le développement à bas coût, et une fois pour la gestion du projet en local (qui devrait en principe mieux tenir compte de vos workflows).

 

Conclusions

Sur fond de grandes évolutions, d’une explosion des offres sur le marché et de perspectives favorables… les systèmes de MAM ont le vent en poupe ! Comme l’indique le rapport de Mesclado, le nombre de fonctions disponibles est impressionnant, et les composants intégrés font une grande différence sur le résultat final.

Vous avez donc lu le rapport de Mesclado : que faire ensuite ? Plus que jamais, votre projet est une aventure humaine. Les directeurs financiers qui mettent avant tout l’accent sur la technologie se heurtent toujours à des obstacles, parce que la véritable question porte sur la constitution d’un nouvel environnement de travail. C’est pourquoi Mesclado s’engage sur trois plans pour soutenir les projets : la technologie, les workflows et les utilisateurs !

Il y a dix ans, en discutant avec un diffuseur, j’ai demandé en plaisantant pourquoi, dans la mesure où toutes leurs ressources, à l’exception de leurs contenus vidéo, étaient gérées par l’ERP (Enterprise Resource Planning) SAP, pourquoi ne pas adopter un système unique pour toutes les ressources sans exception ? Des années plus tard, c’est exactement ce qu’est en train de faire le Bayern de Munich. SAP comprendra-t-il les workflows audio et vidéo aussi bien que les workflows de comptabilité ? La réaction sera-t-elle positive ou négative ? Seul l’avenir le dira ! Une chose est certaine : comme tous les projets de MAM, le travail sera difficile.