Comme vous le savez, autour de l’étalonnage, la centrale « Resolve » est devenue un puissant outil de montage, ainsi qu’une DAW (Digital Audio Workstation) ou, en français, une station de travail audio dédiée à l’audiovisuel et au cinéma (cela grâce au rachat de Fairlight). Pour parfaire cette solution de postproduction quasiment complète, il manquait un outil de titrage, d’habillage graphique et de motion design.
Nous souhaitons proposer, via cet article, un focus sur Fusion, afin de vous faire découvrir l’esprit et les atouts du logiciel phare initialement développé par la marque Eyon. Comme Fairlight, Eyon est une autre entreprise australienne acquise par Blackmagic. Cette fusion des forces vives d’Eyon au sein du vaisseau Blackmagic fut officialisée lors de l’IBC 2013. Depuis cette date, les développeurs ont d’abord œuvré au portage du logiciel initialement développé pour la plate-forme PC, vers les ordinateurs Mac et les stations utilisant le système d’exploitation Linux.
Palmarès
Blackmagic est fière des utilisateurs de son logiciel, parmi lesquels on trouve des superproductions hollywoodiennes. Fusion a notamment été utilisé pour les films Hunger Games, Dr Strange, Les Gardiens de la galaxie et pour des séries télé comme Empire, NCIS et American Horror Story. Les utilisateurs de Fusion dépassent le monde de l’audiovisuel et du cinéma ; des scènes cinématiques des jeux vidéo, tels que Dawn of War III ou encore Halo 5, ont profité de la puissance de Fusion.
Fusion 9 et Fusion 9 Studio
Fidèle à sa logique, Blackmagic propose deux versions de son outil d’effets visuels, de compositing, de motion design et de postproduction VR. La version gratuite, directement téléchargeable sur le site de la marque, est totalement exploitable en production, uniquement bridée de certains outils et de certaines fonctionnalités. Le prix de la version studio a subi une cure d’amaigrissement drastique passant de 999 à 299 dollars.
Nouveautés et VR
Plus de quarante nouvelles fonctionnalités sont apparues depuis la version 8 ; notamment un ensemble d’outils dédiés à la réalité virtuelle, parmi lesquels on compte la lecture sans à-coups d’images 360 ° et de scènes 3D à 90 images par seconde, le support des casques Oculus Rift et HTC Vive, le rendu de scènes 360 ° en cubemap ou en images équirectangulaires avec le support de différents formats d’images cubemap et un stabilisateur sphérique, disponible dans la version studio, qui adoucit ou stabilise les mouvements de caméras 360°.
Intégration de Fusion à DaVinci Resolve et à Media Composer d’Avid
Seul, Fusion est déjà un formidable outil ; grâce à la fonction Fusion Connect, il devient un allié de poids du logiciel DaVinci Resolve. Cette fonction permet d’envoyer un ou plusieurs plans d’une séquence montée dans DaVinci, de les habiller, les titrer ou leur appliquer des effets dans Fusion, et de les retrouver dans DaVinci, une fois la « magie » opérée.
Blackmagic ne s’est pas montré égoïste ; depuis la version 8.1 de Fusion, la fonction Fusion Connect est également disponible sur le célèbre et incontournable logiciel Media Composer d’Avid ! Pour Resolve, il suffit de sélectionner les plans que l’on souhaite traiter dans Fusion, et d’appeler, via un clic droit, la fonction « New Fusion Connect Clip… ».
Fusion Connect exporte alors les éléments sélectionnés, aux formats EXR, DPX, QuickTime ou Tiff avec différents codecs. Une composition Fusion est également préparée ; celle-ci intègre un node fusion connect qui représente le lien entre les deux logiciels. C’est la sortie de ce node qui sera rendue et exportée dans Resolve, après votre travail créatif sur les images sources.
Pour Avid, il faut télécharger, depuis le site de Blackmagic, et installer un plug-in AVX2 qui servira à envoyer les images vers Avid. L’export sera fait en Raw. Attention au poids des fichiers ainsi préparés ! On peut choisir jusqu’à huit pistes envoyées vers Fusion, définir l’emplacement des dossiers qui recevront les exports et les compositions Fusion, et choisir si les processus sont manuels ou automatisés.
Le cœur du réacteur
Ou, si j’osais cette pointe d’humour, le nœud du problème, ce sont les nodes. Fusion est un logiciel nodal. Les plus nostalgiques d’entre nous (ou les plus anciens peut-être !), se souviennent sans un certain pincement au cœur du défunt Shake qu’Apple avait racheté et qui explorait également ce principe.
Aujourd’hui, Nuke, développé par la société londonienne The Foundry depuis 2007, fait également un très bon usage des nodes. Au lieu de « compositer » (ou de mélanger) différentes sources visuelles via des calques, le flux de travail des logiciels nodaux passe par des nœuds connectés entre eux par des liens. Parmi les nœuds, les sources (images, vidéos) sont chargées dans des loaders, envoyées vers différents outils (incrustation, peinture, correction de couleurs, effets), et au final exportées via des nœuds « saver ». On peut imaginer des structures complexes permettant d’envoyer une seule source vers plusieurs outils ou, dans l’autre sens, assembler les flux de plusieurs sources via des nœuds « merge » ou « dissolve ». Si on souhaite plusieurs exports différents, il suffit de créer plusieurs « savers ».
La configuration habituelle fait usage de deux visualiseurs. On choisit d’orienter une source (loader), un outil, une sortie (saver) ou tout autre nœud particulier via deux boutons situés sous chaque nœud (cf. illustration). Il est également possible d’envoyer la sortie d’un nœud en tapant sur son clavier le numéro du visualiseur (pour le premier visualiseur, tapez 1 ; pour le second, tapez 2). On peut ainsi affecter jusqu’à neuf visualiseurs, qui pourront être intégrés à l’interface, ou sous forme de fenêtres volantes, ou encore via une carte Blackmagic sur un moniteur externe. Ce principe est très élégant ; pour une incrustation, on peut ainsi visualiser le premier plan sur un visualiseur, le fond sur un second et la source d’incrustation sur un dernier.
Paramétrages
Une fenêtre dédiée aux contrôles et originellement située sur la droite de l’interface permet de régler les paramètres des outils, effets ou générateurs de particules. On pourra choisir de limiter l’affichage à l’outil actif ou au contraire de visualiser simultanément les paramètres de plusieurs nœuds. Ce dernier choix permettant la mise en place d’interactions entre différents outils ou différents paramètres. Pour préparer des animations, on fera évoluer les paramètres dans le temps via la création d’images clés.
Interface
Le premier contact avec le logiciel ne manquera pas de vous surprendre comparativement aux autres logiciels de compositing. Passé le premier cap, et après une prise en main nécessaire des fonctionnalités et usages de l’outil, on ne peut que convenir de l’efficacité des choix faits par les développeurs.
En complément du ou des visualiseurs qui apparaissent en premier lieu dans l’interface « usine », une grande partie de l’espace est occupée par le panneau de travail principal (work panel) au sein duquel prend place le Flow Node Editor (l’éditeur de nœuds) sobrement nommé Flow. C’est tout naturellement ici que vous assemblez vos modules d’effets selon des schémas plus ou moins complexes.
Pour compléter la fenêtre dédiée aux contrôles dans l’étape de réglage des effets, deux onglets offrent un accès à une time-line pour prévoir la chronologie des différents outils et d’une fenêtre Spline pour régler finement les courbes d’interpolation de chaque effet.
Outils puissants intégrés
Nous ne pouvons qu’effleurer les possibilités offertes par Fusion. Des outils de suivi très élaborés sont proposés dans la version Studio de Fusion 9, parmi lesquels un outil de tracking planaire particulièrement performant ; les résultats du tracking pouvant, entre autres, être associés à des éléments rotoscopés.
Un outil de tracking caméra 3D (version studio) analyse les scènes réelles sur lesquelles vous travaillez pour en extraire les informations sur la caméra, la distance focale et les plans dans l’espace 3D ; cela permet, grâce à la génération d’un nuage de points dans l’espace, d’incorporer des éléments 2D ou 3D dans le plan en leur appliquant les mouvements ainsi analysés. Les outils d’incrustation sont nombreux et puissants, notamment l’incrustateur Delta.
3D et VR
La troisième dimension est particulièrement bien intégrée à Fusion. Un espace de travail 3D 360 ° complet vous permet d’intégrer, d’éclairer, de compositer et de rendre des scènes et objets 3D importés à partir des formats Maya, 3ds Max ou encore Cinema 4D. L’accélération OpenGL permet un travail fluide sur des effets atmosphériques volumétriques et l’intégration de systèmes de particules 3D.
Cette intégration de sources issues de logiciels tiers est déjà impressionnante ; vous pouvez également, sans quitter Fusion, utiliser la bibliothèque d’objets 3D intégrée ou transformer votre texte ou les illustrations vectorielles que vous importez en objets 3D, avec modification de la matière, des biseaux, des textures, des reflets et animations des caméras.
Studio Player
Un nouvel outil de lecture est proposé avec la version studio de Fusion 9. Les fonctionnalités innovantes vont bien au-delà de la lecture simple des médias ; au menu, une playlist, une fonctionnalité de visualisation de plusieurs plans sous forme de storyboard et de time-line, un historique des différentes versions (d’un plan truqué, par exemple) et des outils d’annotation et de collaboration.
Plusieurs studio players peuvent être synchronisés à un master ; les actions de lecture et de déplacement initiés dans le premier étant répercutés sur tous les postes de travail, possiblement dispatchés sur plusieurs sites.
Conclusion
Mission doublement accomplie pour Blackmagic, en tant qu’outil d’habillage pour la suite que représentent Resolve et Fusion grâce au Fusion Connect, mais aussi en tant qu’outil indépendant et extrêmement puissant de motion design et de compositing au sens large.
L’outil ayant sa propre logique et une personnalité forte, une vraie phase d’apprentissage sera nécessaire pour l’appréhender dans un premier temps ; une maîtrise en profondeur demandant un investissement plus important encore. Ces dernières affirmations soulignent la qualité et la puissance de l’outil. Les utilisateurs de solutions comparables, telles que Nuke ou After Effects, savent combien les possibilités de leurs outils sont extensibles, et les portes d’entrée dans l’outil nombreuses.
La question se pose toujours face à un outil nouveau ou nouvellement mis au devant de la scène : le temps passé pour le maîtriser sera-t-il bien investi ? La réponse est OUI ; si vous souhaitez utiliser Resolve en tant que solution de montage, c’est une évidence ; c’est aussi vrai en tant qu’outil indépendant. Les utilisateurs d’Avid y trouveront un intérêt également avec le Fusion Connect.
* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #24, p. 84-85. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.