L’attente aura porté ses fruits. La plate-forme mondiale dévoilait le 29 mars dernier les huit épisodes, d’une seule traite, « un moment merveilleux et vertigineux », glisse Aude Albano, qui a produit avec Claude Chelli et Sarah Aknine cette vision futuriste des jeux de l’amour, sans hasard. Pour « Osmosis », on peut dire que les planètes se sont alignées, ou du moins les calendriers. En effet, le 24 mars, les deux premiers opus, sélectionnés dans la compétition française du prestigieux Series Mania, seront projetés dans l’écrin lillois du temple de la série. Une sacrée rampe de lancement pour ce bel objet sériel qu’incarne Osmosis by Netflix.
Si le concept d’Osmosis s’appuie à l’origine sur la websérie éponyme produite pour Arte Creative, le concept a énormément évolué. Repris à bras le corps par sa créatrice originelle Audrey Fouché (qui a notamment travaillé sur « Borgia » et « Les Revenants ») et l’équipe de Capa, son univers a été totalement repensé avec un soin infini du détail et de la cohérence, visuel mais aussi scénaristique. « Elle présentait deux frères. L’un avait créé une technologie et la faisait tester à l’autre. Celle-ci permettait de rencontrer son âme sœur. Netflix a adhéré au sujet et nous a demandé de l’adapter en 8 x 52 minutes », explique Aude Albano.
À partir de ce concept, Audrey Fouché a poussé les curseurs. De fait, la technologie s’est affinée, devenant un implant cérébral, un élément encore plus invasif et intrusif. « L’idée du bêta-test permettait de mettre tout de suite au cœur de la série l’idée pivot, à savoir comment la technologie peut (ou pas) répondre à des troubles comme ceux de l’amour », reprend-elle.
Agathe Bonitzer y incarne Esther, une jeune femme brillante, froide qui ne se laisse pas aller à l’amour, sauf quand elle revêt un casque virtuel pour, dit-elle, analyser « la concurrence ». Spécialiste de la chimie du cerveau, ce génie quelque peu autiste n’a qu’un but : sortir sa mère de son coma. Pour cela, elle est prête à tout.
Avec son frère Paul (campé par Hugo Becker), business man du duo, ils sont sur le point de lancer une application révolutionnaire : Osmosis. Une douzaine de jeunes gens se portent alors volontaires pour tester cette nouvelle technologie. Le deal est simple : ils avalent une gélule qui va libérer des nano machines dans leur cerveau et trouver l’image de leur parfait amour. À eux ensuite de prendre le chemin et leur destin en main.
Un voyage dangereux et excitant
On découvre rapidement que le frère Paul, premier testeur, n’est pas si stable que prévu, que les actionnaires ne sont pas si fiables qu’espérés… Dans cette vision d’une société si lisse, si propre, si clinique, si tout n’est pas rose. Elle génère aussi ses opposants qui prônent l’humain dépouillé de la technologie… Et la concurrence reste féroce.
Pour construire ce récit d’anticipation, créateurs et producteurs sont partis de l’existant et l’ont glissé sous une loupe extrêmement grossissante. À l’heure des applications de rencontres et d’amours virtuelles, il n’y avait qu’un pas à franchir pour imaginer l’amour et ses affres matérialisées par des nano composants, dans un futur indéfini.
Une fois les bases de la bible de la série établies et approuvées par Netlix, deux pôles de scénaristes ont développé le récit sur huit épisodes. De même, il a fallu adapter l’environnement au récit : « Nous avons imaginé le Paris de demain, sans toutefois le dater. Cela a été un important travail afin d’avoir une vision très claire », détaille Aude Albano. Le parti pris se marie avec le récit : la capitale est repensée à l’aune d’un monde où l’écologie s’est imposée, les voitures sont très peu présentes, sauf via une flotte de voitures électriques. Les gens se déplacent en vélo, à pied ou en véhicules écologiques.
Pour plonger le spectateur dans cette vision futuriste, la série propose ainsi de splendides vues panoramiques des toits de Paris, entièrement végétalisés à grand renfort d’effets spéciaux. « Nous avons fait des choix visuels très précis dans la direction artistique, tant au niveau des costumes, des looks, des matières, des décors, mais aussi de moult détails (les contenants dans lesquels boivent les bêta-testeurs, etc.). Ces derniers ont demandé énormément de finesse en termes de création, à l’instar du tatouage sub-thermique en hélice. Il fallait rendre notre univers à la fois crédible, réaliste et en même temps plonger le spectateur vraiment dans le futur », ajoute-t-elle, saluant le travail « colossal » d’Alain Carsoux et de sa société de SFX, CGEV.
Le tournage, onze jours par épisode, s’est déroulé dans la région parisienne et à Paris, pour moitié en extérieur. « Nous avons créé les locaux de la société Osmosis en studio et utilisé de nombreux décors naturels. Les extérieurs ont été tournés en haut de la tour Saint-Jacques, dans des boîtes de nuit, etc. Nous avons aussi souhaité tourner sur les bords de Seine. Le fleuve constitue un marqueur visuel fort de Paris. Nous ne voulions pas recréer une carte postale, mais c’était important de bien ancrer la série dans Paris, même si c’est une vision décalée », souligne-t-elle.
À ces ambiances très travaillées, s’ajoute aussi une réelle fraîcheur grâce à un casting composé de nombreux acteurs inconnus encore du grand public. Une possibilité d’ailleurs encouragée par Netflix. En effet, outre Agathe Bonitzer et Hugo Becker, des talents confirmés, « Osmosis » permet de découvrir de nouveaux visages, dénichés par la directrice de casting, Mathilde Snodgrass. « C’est galvanisant de travailler avec ces jeunes acteurs qui incarnent les bêta-testeurs. « Osmosis » parle d’amour, un sujet universel. Nous voulions que cette série parle à tous les spectateurs, qu’ils puissent s’identifier, sans archétype. Cela s’accordait parfaitement à la philosophie de l’histoire », précise la productrice.
Mention particulière au personnage incarné par Yuming Hey, le troublant et mystérieux Billy. « Cela faisait partie des sujets que nous voulions aborder, qu’il soit homme, femme, transgenre, peu importe. Ce n’est pas un sujet en soi. Billy existe au-delà de ce questionnement. C’est aussi notre rôle de pouvoir mettre en avant ce genre de personnage qui fait son chemin sans que ces questions aient une réelle incidence. »
Trois réalisateurs ont travaillé sur les huit segments de « Osmosis » : Julius Berg (La Forêt), Pierre Aknine (Souviens-toi) et Mona Achache (Accusé). Pour la production, il était toutefois essentiel, afin de conserver une cohérence artistique, qu’un unique chef opérateur, Jean-François Hensgens, soit le garant de l’identité visuelle (lumière et photo). « Même si chaque réalisateur se coule dans un moule, il arrive avec son désir de créateur. Avoir un même chef opérateur a permis que ce changement de réalisateur soit un vrai plus et qu’il ne se traduise pas par des ruptures ».
Le dispositif de tournage était très classique, avec deux caméras Red 4K. « C’était très intense, car nous travaillions toujours en flux tendu. L’écriture se faisait en même temps que le tournage, tout comme le montage, enclenché rapidement. » Tourné en octobre, « Osmosis » a nécessité quatre mois de postproduction. « Osmosis est souvent comparé à des productions telles que la Britannique Black Mirror », une comparaison flatteuse pour Aude Albano qui souligne tout de même que « Black Mirror est une collection de films, chacun ayant sa propre personnalité, son identité visuelle.
La comparaison touche au cœur de la thématique : l’interrogation d’un sentiment humain au prisme de la technologie. Mais quand on creuse, les similitudes s’arrêtent là, sourit-elle. Nous avions de nombreuses références en tête, mais au final, la série a trouvé sa propre patte. Nous avons vraiment voulu créer un univers singulier », reprend-elle. Et le pari est réussi. Alors in fine, comment la collaboration avec Netflix s’est-elle déroulée ?
« Comme avec tous nos diffuseurs. Netflix nous a toujours dit que l’important, était qu’Osmosis soit un succès en France ! La bonne nouvelle, glisse-t-elle, est que nous parlons, dans notre série d’amour, de technologie, du rêve qu’a tout le monde : rencontrer le grand amour éternel ! » « Osmosis » réunit tous les ingrédients pour captiver sans aucun doute les plus de 139 millions d’abonnés de Netflix. C’est tout le mal que l’on souhaite à cette perle de l’anticipation qui, conclut Aude Albano, « n’aurait jamais pu exister ailleurs que sur Netflix aujourd’hui », saluant la « libération narrative, un casting constitué à 85 % d’acteurs entre 25 et 30 ans, une série d’anticipation parlant d’amour et de technologie ».
Une liberté qui n’exclut pas un travail très sérieux avec un accompagnement tout en confiance de Netflix. Quand à savoir si « Osmosis » reviendra en seconde saison, il faudra attendre. Première injection dès le 29 mars !
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #31, p.48/49. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.
