Après avoir travaillé dans la publicité comme freelance pendant une quinzaine d’années, Hervé Hadmar, graphiste et directeur artistique de formation, a commencé à raconter des histoires avec des images qui bougent… D’abord dans deux courts-métrages, puis dans les séries… Il a fait ses débuts il y a onze ans avec Les Oubliées pour France Télévisions avant de poursuivre avec Pigalle la nuit pour Canal+. Avec Romance, il signe sa septième série et il nous dévoile ici une partie des coulisses de la fabrication de cette ambitieuse production.
M : Pouvez-vous nous présenter Romance et son contexte de tournage ?
Hervé Hadmar : Romance, c’est l’histoire d’un jeune homme, Jérémy (joué par Pierre Deladonchamps), qui n’est pas bien dans son époque. Le réel le plonge dans un tel inconfort qu’il va voyager dans le temps de 2019 jusque dans les années 60 par amour pour une femme… Il en tombe fou amoureux à partir d’une photo et il va trouver le moyen de la rejoindre dans les années 60 à Biarritz.
D’habitude, pour un épisode, je demande toujours douze jours de tournage ; pour Romance, j’avais onze jours, mais j’ai anticipé et écrit des épisodes plus courts. Nous avons tourné un peu partout, à Paris, en studios, puis à Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, au Cap-Ferret et même quelques jours à Fréjus. Il s’agit d’une reconstitution historique avec un budget de 6,4 millions… Je ne peux pas dire que j’ai eu trop d’argent, nous n’en avons jamais assez en matière de création, mais je pense que j’en ai eu suffisamment pour faire une belle série !
M : Quels sont les challenges techniques que vous avez relevés pour Romance ?
H. H. : À chaque série, ce qui m’intéresse, c’est de continuer à apprendre tout le temps. Il s’agit d’essayer dans la mesure du possible de sortir de sa zone de confort, techniquement et artistiquement. Toujours apprendre et essayer de faire toujours mieux. J’essaye de faire cela à chaque aventure, de pousser mes limites…
Pour Romance, le challenge technique est dû à la reconstitution historique. D’habitude, j’aime bien mettre mes caméras dans le réel, les camoufler un peu, filmer en longue focale et inclure les comédiens et la dramaturgie dans la vie. Quand j’ai fait Pigalle la nuit, par exemple, je n’arrêtais pas la circulation dans la rue. Je dissimulais les caméras, je mettais les comédiens à 30, 40, 50 mètres voire plus et je les incluais dans la vraie vie de Pigalle avec les vrais véhicules, les vrais gens qui marchaient dans la rue…
Forcément pour une fiction qui se passe dans les années 60, nous ne pouvions pas faire cela ! Le challenge était de recréer la vie avec des figurants, des costumes, des décors… J’ai dû sortir de ma zone de confort en mettant en place les scènes de façon différente, en filmant aussi de façon différente… je dois dire que j’ai adoré cela !
M : Aviez-vous déjà travaillé sur une reconstitution historique ?
H. H. : Non, c’est la première fois… Et j’ai aussi décidé d’insérer en postproduction des images d’archives des années 60. Des comédiens seront même intégrés à l’intérieur de certaines de ces images d’archives. J’ai eu cette idée assez rapidement. Cela marche très bien.
Il a fallu d’abord trouver les archives, les sélectionner et j’ai même écrit parfois des scènes en fonction de ces images. Lors du tournage, nous avons filmé les comédiens sur fond vert avec les images d’archives à côté et un mélangeur qui nous permettait d’avoir un retour. Il a fallu recréer, pour chaque séquence d’archives, la direction de la lumière, retrouver le cadre, l’objectif, la focale… Ce travail assez millimétré concerne une quinzaine de plans. Nous y avons passé une journée.
M : Quel a été le déploiement technique sur le tournage ?
H. H. : Je tourne toutes mes séries à deux caméras Alexa avec deux équipes images complètes. Pour Romance, j’ai voulu m’inspirer des photos de Saul Leiter (ndlr, photographe américain contemporain, pionnier de la photographie couleur) ainsi que du film Carol de Todd Haynes… Ces images ont une texture particulière, très datée années 60.
Avec mon chef opérateur, Jean-Max Bernard, nous avons longtemps hésité entre le super 16 et le numérique… À la fin, pour retrouver la texture que nous attendions, nous avons fini par faire un casting de bas féminins avec une vingtaine de bas différents et nous avons mis le bas sélectionné entre l’objectif et le boîtier de la caméra… C’est amusant de penser que pour cette histoire d’amour qui s’appelle Romance, un bas féminin imprime l’image et lui donne cette texture ! Nous avons opté de produire cet effet lors de la prise de vue car nous savions qu’en postproduction, la diffusion de la lumière ne serait pas identique…
M : Comment abordez-vous vos projets au niveau des images ?
H. H. : Quand je démarre l’écriture, comme je suis graphiste de formation, la première chose que je fais, c’est une affiche. Je travaille le visuel… Pour moi, la direction artistique, l’image, le son, c’est de l’écriture… Ce n’est pas pour rien qu’on parle de grammaire filmique dont l’écriture continue avec la réalisation. Comme j’ai la chance d’être à la fois scénariste et réalisateur, c’est un travail qui, dès le départ, tourne en boucle. Je sélectionne des photos, la direction artistique que je développe influe sur l’écriture dramaturgique et inversement.
Dès que j’ai les premiers épisodes écrits, je parle du projet à mon chef opérateur pour évoquer avec lui les images que nous pourrions avoir… Cette question du Super 16 ou du numérique, nous nous la sommes posée alors la série n’était pas encore en production.
M : Quelle est la séquence qui a été la plus complexe à traiter ?
H. H. : Dans la série, il y a une boîte de nuit qui s’appelle le Wonderland. Il a fallu la penser pour que nous puissions tourner à 360 ° comme je l’avais prévu et pour que cela soit beau dans tous les axes. Nous avons reconstitué ce club de jazz et de rock à Vitry-sur-Seine dans un grand entrepôt que nous avons réhabilité en studio. L’élaboration du décor s’est faite à la fois en termes de couleurs, de formes et d’éclairage pour que la lumière fasse partie du décor… Nous y avons filmé cinq/six jours ; il s’agissait de notre plus gros décor récurrent. Une fois que tout a été bien préparé, bien construit, nous avons pu tourner les scènes avec nos 200 figurants qui chantent, qui dansent sans intervenir sur la lumière…
M : Quid de la postproduction ?
H. H. : Je postproduis à Paris. J’ai une équipe de postproduction qui m’est fidèle également. J’ai trois monteuses images, trois monteurs son. C’est comme une deuxième équipe pour moi. Il y a l’équipe de tournage et il y a l’équipe de postproduction qui est toujours la même depuis une dizaine d’années quasiment. J’ai monté en septembre et la série a été mixée, étalonnée début novembre avec l’étalonneur fétiche de mon chef opérateur. La postproduction image s’est faite chez Deflight et les VFX chez Autre Chose.
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FICHE TECHNIQUE
Idée originale : Hervé Hadmar
Scénariste / Réalisateur : Hervé Hadmar
Compositeur : Eric Demarsan
Production : Cinétévé
Producteurs : Fabienne Servan-Schreiber, Jean-Pierre Fayer
Diffuseur : France 2 / France Télévisions
Distributeur : Mediawan Rights
Avec : Pierre Deladonchamps, Olga Kurylenko, Simon Abkarian, Barbara Schulz
Format : 6 x 52’
Date de diffusion : À partir du mercredi 10 juin 2020