Sport et techno ont passé l’automne à Monaco

Centré sur les contenus sportifs, le Sportel de Monaco, dont Mediakwest est partenaire, se veut aussi un forum de la technologie, où la présentation d’outils ou de solutions broadcast qui ont marqué l’année sportive se dispute à l’annonce de nouvelles expérimentations ou de nouveaux produits. Du 22 au 24 octobre derniers, la 29e édition de la convention internationale annuelle du sport business et des médias l’a encore démontré. Quelque 3 026 professionnels de 968 sociétés – dont plus de deux cents nouvelles – représentant 78 pays y étaient présents.
1_DSCN1998.jpg

 

AMP Visual TV lance Letsee…

Le 29e Sportel a marqué le lancement officiel de Letsee, la nouvelle Business Unit (BU) du groupe présidé par Gilles Sallé, fidèle au rendez-vous monégasque. « L’activité digitale était assez méconnue chez nous », contextualise le dirigeant. « Elle se limitait à vendre des solutions de streaming. Aujourd’hui, cette activité va bien au-delà, au point de devenir une entité opérationnelle, à côté de celles de tournage vidéo mobile et de tournage en studio qui sont les deux autres piliers du pôle France d’AMP Visual TV. »

Dirigée par Guillaume Allais, également présent à Monaco, Letsee portera ainsi toutes les offres digitales du groupe. « L’idée était de centraliser nos prestations en la matière et de regrouper dans un même lieu – en l’occurrence, notre media center de la rue Cauchy dans le quinzième arrondissement de Paris – une équipe dédiée, composée actuellement de vingt collaborateurs, issus à 80 % du digital et à 20 % de la télévision », prolonge son responsable.

 

Les services proposés visent précisément à alimenter les deux mondes à la fois, qui vont du plus classique, comme l’émission-réception vidéo en studio, à la transmission Internet depuis le plateau télé jusqu’à la chaîne cliente ou jusqu’au cloud, en passant par la production à distance, le clipping et d’autres solutions clés en main, destinées non seulement au sport, mais aussi à d’autres univers, comme la musique, la mode, sans oublier le corporate. Ici, « quand autrefois on avait recours au satellite pour un multiplex, aujourd’hui on sait le faire avec Skype », éclaire Guillaume Allais.

Les prestations offertes par Letsee concernent également l’habillage, et notamment l’habillage à distance. Ainsi, « dans le cadre de notre contrat avec la Confédération africaine de football (CAF), on récupère certains week-ends neuf à dix flux simultanés de matches produits localement et qui parviennent à notre media center pour y être enrichis graphiquement (score, horloge, entrées et sorties de joueurs…) », expose Gilles Sallé.

 

 

… et dépoussière l’habillage graphique

Cette activité d’habillage antenne constitue d’ailleurs l’autre innovation du moment. « Le service n’est pas nouveau puisqu’il existe depuis quatre ans », poursuit le dirigeant. « Mais désormais, nous le proposons à l’ensemble du marché, et non plus seulement aux clients qui faisaient appel à nous pour la vidéo mobile. » Pour cela, le groupe a développé en interne une nouvelle solution graphique qui, techniquement, peut être prise en main très facilement.

Quelle solution ? « Une solution beaucoup plus dématérialisée que les stations propriétaires classiques que nous avions l’habitude de voir jusqu’à présent et pour lesquelles nous avons toujours été limités par l’aspect intégration des cartes graphiques dans les machines », confie Nordine Sekouri, responsable technique habillage, sur le stand de la société. Avant d’ajouter : « Pour autant, nous avons utilisé des composants très répandus, telle la suite Adobe, qui équipe nos clients ou leurs partenaires, et inventé un support qui puisse faciliter les échanges entre eux et nous. »

Le logiciel a été conçu pour être beaucoup plus orienté production, de telle sorte qu’il procure à l’opérateur synthé une facilité d’usage et que d’autres profils (journaliste, opérateur son…) que le sien, typiquement dans le cas de productions légères, soient capables d’opérer.

 

« Autrefois, il fallait passer énormément de temps à analyser une charte graphique, à trouver la machine la plus appropriée, à trouver des partenaires pour intégrer tous les graphiques dans la machine et à former les opérateurs, en espérant que tous les graphiques sur tous les matches soient les mêmes », énumère Nordine Sekouri. « Maintenant, nous avons une solution extrêmement simple, techniquement pérenne, grâce à des mises à jour qui visent par exemple à ajouter des équipes et à en enlever de manière totalement transparente pour les opérateurs, et qui demande à peine une demi-heure de formation, par téléphone le cas échéant. »

D’ailleurs, la solution ne compte pas de sous-menus. Les compositions d’équipes, les noms des joueurs, des stades… tout est centralisé et rentré à l’avance. En outre, le logiciel n’est pas dépendant du hardware et peut être installé sur n’importe quel ordinateur. Du coup, « nous pouvons déployer autant de stations que nécessaire », conclut Nordine Sekouri.

 

 

EVS teste l’IA sur une production multicam à distance

Annoncé en avant-première lors du Sportel, la société belge a réalisé le 25 octobre, au lendemain de la convention monégasque, un premier test de production multicam basée sur l’intelligence artificielle, à l’occasion du match d’Europa League Olympique de Marseille –Lazio de Rome au stade Orange Vélodrome. Organisée en partenariat avec l’Union des associations européennes de football (UEFA), l’opération a mis à contribution un X-One, outil tout-en-un de production live à six entrées et une sortie, piloté par un opérateur sur site, et six caméras.

« On reprend les signaux de trois des caméras déployées pour le match et on remplace la caméra plan large et les deux caméras 16 mètres par des caméras Panasonic PTZ (Pan Tilt Zoom) », expliquait la veille Xavier De Vynck, senior vice-président, en charge des grands événements. Ces dernières, pilotées par un système de contrôle EVS basé sur l’IA et installé dans le stade, permettaient de suivre automatiquement le jeu. Pour cela, une petite caméra de type GoPro, placée à la hauteur de la ligne médiane, filmait le terrain en plan large. Par l’entremise de cette source primaire, la solution d’IA pouvait comprendre et analyser où se situait l’action, et diriger les caméras robotisées en conséquence.

« Ce sera la seule solution sur le marché permettant de faire une production multicam à distance avec mixage, effets graphiques (intégration NDI via le système NewBlu), audio, ralentis et replays, le tout opéré par une seule personne, dans un standard de qualité relativement élevé », vante son collègue Nicolas Bourdon, directeur marketing. Une promesse que ce premier test semble avoir confirmée, hormis quelques points à améliorer, comme l’ajustement des caméras, notamment en termes de zooming, et l’apprentissage par l’IA de certaines zones du terrain.

 

Si le premier test s’est déroulé de bout en bout au stade Orange Vélodrome, le second, sur la base du même dispositif, se doublera d’une opération de remote production. Ainsi, l’unité centrale du X-One sera physiquement à Marseille, mais l’interface utilisateur sera déportée au siège de l’UEFA à Nyon (Suisse), où sera produit le programme final. Un second test qui aura lieu en décembre. « Espérons qu’il n’y aura ni neige ni grêle ce jour-là car, dans cette hypothèse, la machine, qui a été “entraînée” avec des matches sur terrain vert, perdrait ses repères », sourit Xavier De Vynck.

 

 

La LiveU Solo App dans les starting-blocks

Avec une première participation au Sportel, LiveU confirme son positionnement dans l’univers du sport, après avoir prospéré dans celui des news où la société américaine, qui détient par ailleurs les brevets sur l’agrégation (bonding) des réseaux cellulaires, a été la première à lancer une solution mobile utilisant l’encodage HEVC.

Cette première participation intervient au lendemain de la Coupe du monde de football en Russie où LiveU a fourni 485 unités de son produit high end LU600 pour les besoins de l’opérateur hôte (HBS) et des diffuseurs de plus de quarante pays. Sur l’ensemble du tournoi, ces moyens ont permis de transmettre plus de 15 000 heures de contenus live, soit l’équivalent de 36 Tb, au cours de quelque 30 000 sessions.

« Cette solution haut de gamme à 20 000 € pièce, parfaitement adaptée pour le sport, dispose de huit modems en HEVC et permet de transmettre en 4K à 50p », souligne Jean-Christope Albou, directeur commercial France et Europe du Sud. De plus, tout comme le LiveU Solo (1 000 € pièce), l’autre solution maison orientée sport, qui permet d’acheminer en un clic un flux live HDMI ou SDI vers la plupart des plates-formes digitales actuelles, « nos boîtiers offrent une très grande facilité de configuration à distance, y compris par des personnels non spécialisés (journalistes…), et sont capables d’agréger du réseau cellulaire avec d’autres réseaux, de type wi-fi ou même satellitaire, en définissant pour chacun la bande passante à allouer. »

 

Aujourd’hui, l’économie de bande passante sur la compression du signal permet d’obtenir une latence de quelque 500 millisecondes sur les très bons réseaux, y compris en HEVC et en 4K. Dans d’autres cas, comme lors de la prochaine Coupe d’Afrique des nations en Égypte, « cette latence peut être légèrement supérieure, afin d’avoir en cas de coupure des réseaux cellulaires une sorte de buffer (tampon) garantissant la continuité du flux. »

Désormais, avec l’aide de partenaires, comme l’israélien Pixellot, dont le système permet de gérer des caméras IP sans intervention humaine, LiveU cible la réduction des coûts et la simplification des workflows avec le développement de solutions de remote production et de solutions d’habillage (logos, scores…) et de montage via le cloud.

En outre, « nous avons développé plusieurs types d’applications qui, en utilisant la carte Sim d’un simple smartphone, permettent non seulement de faire du live, mais aussi d’agréger des réseaux », indique le représentant de LiveU. Ainsi, avant la fin de l’année, la société américaine mettra sur le marché la LiveU Solo App. Cette application Android et iPhone permettra d’envoyer des contenus de bonne qualité et d’habiller un flux live destiné aux réseaux sociaux.

 

 

Digital Vidéo Sud filme le Tour à 300 images/seconde

La filiale d’Euro Media Group, établie à Aix-en-Provence et plusieurs fois primée aux Sportel Awards, présentait cette année la Superloupe RF embarquée sur l’une des motos du dernier Tour de France et préalablement testée en conditions réelles lors du Paris-Roubaix.

« Sur le Tour, on ne peut pas rajouter de motos supplémentaires pour des questions de sécurité », explique Aram Novoyan, manager général. « Il fallait donc que la caméra réponde aux normes d’ergonomie et de qualité d’une caméra classique, afin qu’elle puisse être commutée sur le direct, à l’égal de n’importe quelle autre caméra, par Jean-Maurice Ooghe, le réalisateur, et que les téléspectateurs puissent bénéficier pour la première fois de super ralentis au cœur du peloton. »

 

Pour mettre la caméra aux normes de poids et d’ergonomie, au terme de quatre années de développement, les ingénieurs de DVS ont eu l’idée de déporter la partie super ralentis dans l’une des sacoches de la moto. Pour ce faire, il a fallu concevoir un processeur (BPU) qui, indépendamment de la commutation en live, assure la gestion des ralentis, plafonnés en l’occurrence à 300 images/seconde pour des raisons éditoriales.

« Au fil des étapes, on aurait pu pousser à 500 i/s. Mais le fait de passer de 25 i/s à 300 i/s représentait déjà un bond technologique extraordinaire », poursuit le responsable. De même, une mini-caméra « finish » filmant à 2 500 i/s, installée à titre expérimental sur la ligne d’arrivée, intéresserait de près l’Union cycliste internationale (UCI) pour déterminer le vainqueur d’une épreuve.

 

DVS présentait également une Superloupe de la nouvelle génération, qui répond aux besoins actuels du marché. « Aujourd’hui, on se rend compte que les productions en Ultra HD privilégient le travail en 3G pour l’ultra slow motion et up-convertissent ensuite le signal en 4K. Aussi, notre Superloupe de nouvelle génération, très flexible, permet à la fois de travailler en HD+, en 3G/4K et de délivrer un signal natif en UHD, selon nos clients, et ce à des vitesses de capture oscillant de 500 i/s, comme à Roland-Garros, à 2 000 i/s », détaille Aram Novoyan. Avant de lever un coin du voile sur les autres développements en cours, dans un contexte économique tendu.

« Un dispositif comme la Superloupe mini-track sur rail derrière les buts, que nous avons déployé pour la première fois lors de l’Euro 2016, est aujourd’hui très difficile à vendre et, de surcroît, à mettre en œuvre avec les publicités qui ceinturent les terrains. Nos développements actuels s’orientent donc plutôt vers la miniaturisation des outils pour ne gêner personne. »

 

 

Wildmoka Platform grandit avec le live

En 2016, Wildmoka faisait ses premiers pas au Sportel. Cette année, la jeune société française, basée à Sophia-Antipolis où elle emploie actuellement trente collaborateurs permanents de dix nationalités, était de retour pour vendre une plate-forme d’édition vidéo, de type SaaS, permettant de créer les meilleurs contenus ou les meilleurs formats de contenus (clips) pour le digital.

En la matière, « si, encore récemment, les highlights étaient le format roi, aujourd’hui le live revient de plus en plus », note Christian Livadiotti, directeur général. Ainsi, de mai à octobre, à l’heure du Sportel, France Télévisions, qui utilise la plate-forme depuis août 2016, a diffusé 3 200 heures de direct sur des réseaux sociaux ou encore france.tv. Depuis cette année, en plus du clipping qui représente 277 000 publications de moments clés, « nous gérons quinze flux live 24/7 et trente flux événementiels, comme ceux (douze) des JO d’hiver de Pyeongchang et les dix caméras du Tour de France », complète le responsable.

 

Wildmoka Platform permet d’automatiser le process avec un minimum de supervision. Ainsi, pour les matches de Ligue 1 sur beIN Sports, la plate-forme va recevoir jusqu’à dix flux live simultanés, détecter automatiquement les moments clés, non seulement les créer, mais aussi les décrire (on saura, par exemple, quel joueur a marqué), et les publier sur les supports digitaux définis par le client, comme les applications mobiles Ligue 1, ce qui représente 100 à 150 clips par match. Depuis deux ans, quelque 104 000 clips, issus de 877 matches, ont ainsi été distribués aux abonnés de la chaîne qatarie.

Outre France Télévisions et beIN Sports, la plate-forme a déjà séduit de nombreux clients en France (Altice, Canal +, Orange…) et à l’international (vingt dans neuf pays sur quatre continents, dont NBC Universal et Viacom aux États-Unis). Elle est commercialisée sous la forme d’une location mensuelle dont le prix va dépendre du volume de contenus. « Entre janvier 2017 et décembre 2017, nos abonnements ont enregistré une croissance de 700 % », savoure Christian Livadiotti.

 

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #30, p.100/102. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.