Video Live sur IP, work in progress !

La mention « live sur IP » tenait le haut de l’affiche sur de nombreux stands de l’IBC 2015. Des démonstrations reliant des stands entre eux présentaient les avancées de cette technologie et en particulier l’interopérabilité entre des matériels de marques amies ou concurrentes. Le chemin est encore long avant de basculer en tout IP et ce sont surtout des architectures hybrides qui étaient mises en avant.
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Les architectures déployées sur les stands reliaient essentiellement des îlots techniques câblés en SDI via des autoroutes IP. Le principal enjeu était de valider l’interopérabilité entre divers constructeurs s’appuyant la plupart du temps sur la norme SMPTE 2022-6 qui, hélas, ne couvre qu’une partie des problématiques posées par la transmission vidéo live en mode paquets.

 

Des démonstrations en mode hybride

Sur son stand, Sony a dévoilé plusieurs matériels équipés d’interfaces Ethernet 10 Gb/s sur connecteur RJ-45 pour transmettre les signaux vidéos via des équipements actifs réseau, de marque Cisco et Juniper réunis sur le même réseau. Le mélangeur XVS-8000 est ainsi équipé de telles interfaces voisinant avec les connecteurs BNC traditionnels. Le serveur vidéo PWS-4500 est également équipé de la même manière et le processeur vidéo BPU-4500 sert d’interface entre le monde SDI et l’IP pour des voies de commandes caméras. Sony a mis en avant son architecture NMI (Network Media Interface) qui prend en compte toutes les facettes de ce basculement en IP. Le constructeur a également présenté les premiers chips NMI prévus pour équiper des cartes Matrox, Advantech et Macnica. Elles sont destinées à des ordinateurs pour transmettre leur sortie vidéo directement en IP.

SAM (nouveau nom de Snell) a présenté la nouvelle gamme de mélangeurs IP Kahuna. Elle reprend les caractéristiques des trois modèles 4800, 6400 et 9600. Grâce à leur architecture modulaire, les cartes SDI sont remplacées ou combinées avec des cartes d’entrées IP et des cartes de sorties IP. Les capacités d’entrées/sorties des cartes IP varient selon la taille du châssis et le format d’images (HD ou 1080p). Elles sont compatibles SMPTE 2022-6 et avec le codec de compression VC-2 soutenu par la BBC. SAM propose également des cartes IP pour les grilles Sirius et pour son châssis modulaire IQ afin d’établir un pont entre les deux environnements SDI et IP.

Pour interfacer ses équipements dans une architecture IP, EVS fait un choix différent et a développé XPI un boîtier prototype indépendant. Il fait le pont entre ses serveurs XT3 et le monde IP.

Fort de son expérience acquise avec le Tricaster qui exploitait déjà les interfaces IP pour récupérer ou diffuser des contenus par réseau, Newtek propose NDI, un protocole qu’il a développé sous forme de SDK à intégrer dans les périphériques qui dialoguent en live avec ses propres machines. Il s’appuie sur des ports gigabit Ethernet plus économiques que les 10 Gb/s. En passant sur la nouvelle version de logiciel Tricaster Advanced Edition, le mélangeur accepte des entrées caméras câblées en IP. Plusieurs constructeurs, dont Panasonic, ChyronHego, Playbox, Vizrt, Aja, Matrox, JVC, Wowza entre autres, ont annoncé leur souhait d’intégrer NDI à leurs produits.

Grass Valley complète sa voie de commande XCU avec une interface 10 Gb/s sur module SFP compatible SMPTE 2022-6 et une compression Tico. Mais c’est avec le GV Node que Grass Valley pousse le plus loin l’intégration SDI et IP. Reprenant le principe des châssis modulaires de type Densité, le GV Node accueille jusqu’à 16 cartes interfaces SDI ou IP faisant fonction de grilles 8 x 8. Associé à deux puissants modules de commutation, l’ensemble se transforme en grille 144 x 144 avec sorties multiviewers quand il est équipé des cartes ad hoc. Des liaisons 40 Gb/s relient plusieurs GV Node dans une architecture de type « fabric » pour constituer une alternative IP aux infrastructures traditionnelles.

Evertz avait déjà présenté des équipements dotés d’interface IP, en particulier sa grille IPX. Pour combler les manques de la norme SMPTE 2022-6, Evertz propose une nouvelle architecture dénommée ASPEN. L’objectif est de transporter la vidéo, l’audio et les métadonnées dans des flux séparés pour faciliter le brassage des signaux, indispensable en production. Le transport des données est basé sur le MPEG2-TS déjà largement développé et maîtrisé depuis des années. ASPEN est transparent vis-à-vis du codage vidéo, sans compression, H.264, HEVC ou JPEG2000 et il est compatible avec des signaux UHD. Evertz a déposé une demande de standardisation d’ASPEN auprès du SMPTE sous forme de RDD (Registered Disclosure Document).

Lors de sa conférence de presse, David Ross a fait part de ses interrogations face à l’arrivée en force des technologies IP pour le câblage des équipements de production live. Il voit encore de multiples avantages au SDI par rapport à l’IP, au niveau de la latence, de la configuration ou de la fiabilité. Néanmoins Ross a choisi de collaborer avec Evertz pour fournir des accès IP à son mélangeur Acuity grâce à la technologie ASPEN sous forme d’une carte à insérer. Ainsi le mélangeur Acuity échangera par réseau les signaux vidéos avec la grille EXE-VSR ou les équipements Evertz dotés d’interface IP et s’intégrera dans le système de supervision SVDN.

 

Valider l’interopérabilité

Comme expliqué dans le précédent numéro de Mediakwest, le basculement de la vidéo live vers les réseaux IP s’appuie sur une multitude de standards, de normes et de technologies à associer entre elles. Souvent les difficultés se nichent dans les détails non pris en compte dans les spécifications générales. Il est donc indispensable, même pour les éléments normalisés, de valider la parfaite interopérabilité entre les matériels de chaque constructeur. D’un côté les clients ne veulent plus d’un système global acquis chez un seul fournisseur et souhaitent faire leur marché selon leurs propres choix. D’autre part, tous les constructeurs ont pris conscience que face à l’ampleur du bouleversement technologique envisagé, ils ne peuvent pas travailler de manière isolée chacun dans leur coin. Cela se traduit par la constitution de multiples alliances autour des propositions phares : la Tico Alliance pour la compression faible latence, l’alliance autour de la proposition NMI de Sony, l’initiative d’Evertz avec ASPEN ou encore Newtek qui tente de fédérer de nombreux acteurs autour de son protocole NDI.

Au cours de l’IBC, de nombreuses démonstrations de vidéo live sur IP ont été mises en place en reliant plusieurs stands entre eux. Ainsi Sony faisait dialoguer son système de supervision IP Live System Manager avec le système Magellan d’Imagine et le Magnum d’Evertz en s’appuyant à la fois sur des switchs de marque Cisco et Juniper. Le prestataire anglais Gearhouse avait installé sur son stand un mélangeur DYVI d’EVS relié en remote production à une caméra 4K exploitée sur le stand Hitachi.

EVS et Imagine ont associé à distance un serveur XT3 et un système de traitement Selenio, le tout sous la supervision de l’orchestrateur Magellan. L’EBU mène une expérimentation grandeur nature avec la VRT (TV belge flamande à Bruxelles) et ses équipes de production internes. Elle avait apporté une partie des équipements sur son stand pour montrer que la production sur une infrastructure IP devient une réalité.

 

Les 12 travaux d’Hercule

En examinant le détail de toutes ces expérimentations, on constate que, dans chaque cas, seuls quelques éléments du puzzle sont mis en œuvre et qu’aucun constructeur n’a déployé pour l’instant un système totalement IP sur des infrastructures exclusivement IT. À partir d’un schéma diffusé par Sony et reprenant les douze thématiques couvrant les technologies à mettre en œuvre pour passer au tout IP, nous faisons le point sur l’avancement des travaux. En couleur verte sont repérés les thèmes couverts par la standardisation adoptée et qui font l’objet des tests d’interopérabilité évoqués ci-dessus. En couleur rose, les domaines techniques pour lesquels les industriels proposent des solutions différentes et qui sont l’objet de débat entre eux. Ils sont l’objet de RDD déposés auprès de la SMPTE pour devenir des standards, chacun espérant être retenu ! Enfin en couleur jaune les sujets sur lesquels doivent être encore menés des travaux d’études et de recherche avant d’aboutir à des propositions industrielles opérationnelles. Une simple vue d’ensemble de ce tableau montre que la route est encore longue pour aboutir à une infrastructure de production live totalement IP avec tous les avantages qu’apporte ce basculement. Selon les avis exprimés dans les allées de l’IBC, cela demandera encore 5 à 10 ans d’efforts avec des améliorations techniques et des mises au point progressives.


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