Annecy 2013: l’animation toujours plus internationale

 
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Pour sa 37e édition, le Festival International du Film d’Animation d’Annecy et son Marché ont enregistré un beau succès en termes de fréquentation mais aussi en faisant montre d’une ouverture sur des territoires « émergents » de l’animation.

 

Du 10 au 15 juin, toute la planète Animation avait les yeux tournés vers Annecy qui accueillait le festival et le marché international du secteur. Festival et Marché, sans oublier les conférences professionnelles, ont enregistré une hausse de fréquentation. Le signe d’une reprise ? Plutôt celui d’une diversification ; diversification territoriale d’abord avec l’arrivée de nouveaux territoires, jusqu’alors en retrait, tels la Colombie, l’Argentine ou le Chili sans oublier la bouillonnante Afrique du Sud. Diversification technique ensuite : plus que jamais les éditeurs de logiciels spécialisés dans les VFX ou la prévisualisation voient dans l’animation des leviers de croissance. Et vice-versa.

 

Des éditeurs de plus en plus en phase

Adobe était présent sur un stand commun à Wacom pour proposer des courtes sessions de formation ainsi que des échanges avec les utilisateurs de Cintiq et Photoshop. « L’objectif, confie l’un des représentants de Wacom, est de démontrer la capacité des tablettes à être utilisées comme une table à dessin numérique, en s’affranchissant de l’étape papier ». Ce fut le cas récemment avec le studio belge Walking the Dog qui a réalisé l’animation du nouveau film d’Ari Folmann, The Congress.

Non loin, ToonBoom proposait de découvrir la gamme de logiciels dédiés, dont Harmony qui permet la gestion de flux de production 2D ou 3D voire les deux. « Les demandes des studios ne sont plus focalisées sur une demande ou l’autre », confirme Jean-Raymond Lemieux, en charge des relations commerciales en Europe. « À Annecy, vous rencontrez autant d’interlocuteurs différents que de projets. Il n’existe plus un pipeline mais une multitude. À nous d’adapter notre offre pour répondre à leurs besoins ».

 

Pixar RenderMan : 25 ans déjà

Le fameux logiciel de rendu et d’éclairage a donc profité d’Annecy pour célébrer ses 25 ans d’existence et démontrer sa capacité d’innovation. Depuis la première version intégrant le rendu photoréaliste jusqu’aux fonctions de raytracing – développées pour la production du Monde de Nemo en 2002 – et de multi-threading, le système a été largement éprouvé.

RenderMan Studio 4.0, dernière version du maestro, a été testé sur le court-métrage The blue Umbrella (voir Interview) avant une mise en production pour Monsters University (voir interview). « Il permet désormais d’éclairer selon le mode d’illumination globale, explique Dylan Sisson, de Pixar Animation Studio, avec par exemple une fonction dite de shading physique plausible, soit une librairie de shaders disponibles avec des paramètres de physics réalistes, mais aussi une fonction de re-rendering pour optimiser les temps de calcul ». RenderMan Pro Server 18 s’appuie pour sa part sur le path tracing.

Pour rappel, RenderMan a été utilisé dans 19 des 21 derniers films lauréats des Oscars dans la catégorie Meilleurs Effets Visuels.

L’Afrique du Sud dans la cour des « presque grands »

Parmi les territoires à faire leur entrée dans le milieu de plus en plus ouvert de l’animation, l’Afrique du Sud fait figure de bon élève. Pour autant, son histoire est encore jeune. La preuve, Khumba, réalisé par Anthony Silverston, est le cinquième long-métrage d’animation produit dans le pays. Triggerfish, la société de production, a déjà produit Adventures in Zambezia qui sortira en France cet été.

Comme souvent, l’animation s’est construite autour de la technique du stop motion avant de progressivement s’installer dans le numérique, 2D puis 3D. « Avec Zambezia, nous avons fait beaucoup d’erreurs, perdu du temps, admet le producteur Mickael Buckland, mais notre industrie est encore très jeune ». Pour rappel, Triggerfish Studios a été créé en 1996.

Sur Khumba, qui relate les aventures d’un zèbre né avec seulement la moitié de ses rayures et qui part à la recherche de celles manquantes, la production a utilisé ZBrush directement pour le développement de personnages. « Nous sommes partis très vite sur la 3D pour des raisons budgétaires mais cela nous a aussi énormément aidé pour constituer des références sous forme de sculptures ».

Quand les zèbres de Madagascar souffraient d’un manque d’originalité – si tout le monde est identique, en quoi suis-je différent ? – ceux de Khumba misent sur leurs différences. « À chaque zèbre de premier plan correspond une stylisation de leurs rayures, en accord avec leur personnalité ». Le challenge était naturellement de pouvoir animer ces rayures, quelle que soit leur forme. « Nous avons placé beaucoup de contrôleurs sur les faces des animaux, avec des face shapes associées pour que la fourrure puisse suivre les mouvements des différents personnages ».

 

Innovation : la France à la pointe

Parmi les conférences professionnelles auxquelles il convenait de participer, celle sur les outils émergents méritait une attention toute particulière. On a pu découvrir de nouveaux outils développés en interne et qui devraient, rapidement, trouver un mode de commercialisation.

Marc Miance travaille actuellement sur la postproduction du long-métrage Pourquoi j’ai (pas) mangé mon père, réalisé et interprété par Jamel Debbouze, qui s’est tourné en mocap. « Le casting faisant partie des atouts du film, il nous semblait un peu regrettable de ne pas avoir la capture faciale en même temps que celle du corps », explique le PDG d’Alkymia, l’une des sociétés développée par Marc Miance. « Dans ce type de cas, on se retrouve souvent avec un équilibre des yeux différent de celui du corps et cela se sent à l’écran ». Si la décision de capturer donc visage et corps faisait sens, restait à trouver la bonne technologie.

Déçu par ce que proposait le marché, Alkymia a choisi de créer son propre casque de mocap faciale. « Pour cela, nous avons scanné plusieurs formes de crâne pour tenir compte de la diversité de celles-ci avant de constituer trois modèles en résine. À partir de ces prototypes, nous avons élaboré un casque en fibre, avec un système d’attache en lacet pour éviter des points de pression trop contraignants. » D’un poids de 350 g, il est accompagné d’une caméra Horus, dépouillée de son électronique (replacée dans un boîtier externe) avec un enregistreur piloté par Wifi. Ce casque a servi pendant 9 semaines de tournage et devrait être disponible à la vente dès septembre.

Dans le même temps, et une fois encore pour faciliter le travail de production, un tout nouveau système d’échanges de médias a été développé. Son nom, Horyzon ; son concept : il s’agit d’une app pour iPad permettant l’envoi de médias liés à la production. Il peut s’agir de concept arts, quicktime d’animatiques, tournettes, etc. « L’idée était de pouvoir correspondre entre les différents postes clés en toute sécurité – les datas sont véhiculées via le Cloud – avec la possibilité d’annoter les séquences à l’image près, voire d’enregistrer via la webcam des indications sans perdre de temps à les écrire ».

Une timeline, basée sur une classification sémantique des différentes séquences du film, permet de visualiser d’un glissement de doigt l’intégralité de celles-ci, quel qu’en soit leur stade. « Les médias viennent automatiquement s’intégrer dans cette frise ce qui permet d’avoir une vision synthétique de la production, à l’instant T, avec une fonction de versioning ». Marc Miance précise bien qu’il ne s’agit pas d’un système de suivi de production – Shotgun a d’ailleurs servi pour cette production, pluggé avec Horyzon – mais plus d’un échange facilité entre les équipes de production.

L’app iPad devrait être commercialisée en 2014 sous forme d’applicatif.

 

Une fois encore, le Festival et le Marché du film d’animation d’Annecy ont su prouver leur vitalité et, par conséquent, celle d’un secteur qui s’internationalise, cherche à rationaliser et optimiser ses coûts sans pour autant perdre en qualité.

 

Note : l’intégralité des conférences professionnelles sera disponible sur le site www.annecy.org en français et en anglais à partir du 15 juillet 2013.