HDR, du tournage à l’étalonnage : la production (Partie 4)

Pour faire suite aux récents articles que Mediakwest a consacré aux technologies du HDR*, nous souhaitions donner la parole à des acteurs de la production audiovisuelle et cinématographique s’intéressant de près à cette évolution que nous considérons avec eux comme majeure. Matthieu Straub, le professionnel que nous vous invitons à suivre ici, est un des premiers DIT français ; il a cofondé sa structure Be4Post, dont il est directeur d’exploitation.
1_Matthieu Straub_bis.jpg

 

En préambule, un petit rappel. Le HDR est une évolution technique du signal vidéo sur deux critères. Le contraste d’abord : jusqu’à aujourd’hui le signal vidéo était basé sur une valeur de luminance maximale définie à 100 nits, selon les possibilités des écrans à tubes cathodiques « de l’époque ». En HDR, le contraste est largement augmenté et selon les normes et les technologies d’affichage et de production le niveau de luminance peut aller jusqu’à 10 000 nits. Le second critère qui évolue parallèlement est l’espace colorimétrique qui grandit également fortement passant du Rec. 709 pour la HD jusqu’au Rec. 2020.

 

Mediakwest : Nous commençons notre entretien en observant quelques images HDR…

Matthieu Straub : Au bout d’un moment, regarder une image HDR donne une impression de relief. Je pense qu’il nous faut encore nous y habituer, mais cette sensation de profondeur et de réalisme est purement étonnante. Parmi les écrans utilisés par les postproducteurs, il y a le BVM X300 de Sony, et le LG Signature que l’on regarde actuellement. C’est un écran issu de la gamme grand public haut de gamme qui présente l’intérêt de pouvoir être calibré de façon assez sérieuse via une sonde Klein. En le réglant correctement, on obtient un résultat très cohérent. Sur une image de flammes, le résultat est vraiment hallucinant. Un feu comme celui-là en SDR afficherait un aplat blanc complété d’un contour jaune, là où en HDR on retrouve les détails du feu et où simultanément on peut détailler les personnages éclairés en basse lumière. Toutes les images que l’on étudie ici sont encodées en H265, HDR10, UHD et en Rec. 2020.

 

Mediakwest : Les normes…

M. S. : Ce qui est important, c’est qu’il y ait des normes claires pour les différents domaines d’activité, pour le foot, le cinéma ou le documentaire. Le format HLG, par exemple, peut être extrêmement risqué pour un chef opérateur soucieux du contrôle de son image. Le HLG est prévu pour un maximum de compatibilité. Sur un téléviseur SDR ou un téléviseur HDR, des vidéos au format HLG donneront un résultat « pas mal ». Les images seront visibles sur un téléviseur SDR tout en permettant un petit effet HDR sur un modèle compatible. Mais « le côté automatique » me fait personnellement très peur. Je trouve les technologies mettant en œuvre les échanges de métadonnées (comme sur nos visionnages) lors de la lecture de fichiers H265 très intéressantes. Le téléviseur reconnaît les informations HDR et adapte son affichage, avec une adaptation de la luminosité en fonction des caractéristiques de l’écran, mais également des conditions d’étalonnage.

 

M. : Cinéma et réalisme, cela fait-il bon ménage ?

M. S. : En préparant cet entretien, nous avons évoqué l’ultra-réalisme des images HDR. Ici les images sont HDR, mais pas du tout « réalistes » ; et cela fonctionne très bien.

 

M. : Cela demande alors, pour obtenir des images véritablement « cinématographiques », un travail différent de la part du chef opérateur ?

M. S. : C’est clairement tout l’enjeu ! Il faut absolument que toutes les équipes de production se rendent compte qu’il faut utiliser et maîtriser toutes les nuances apportées par ces nouveaux écrans.

 

M. : Avant de continuer notre échange sur le HDR, peux-tu nous préciser quelle est l’offre professionnelle proposée par ta société Be4post ?

M. S. : Be4post est une société spécialisée dans la location de matériel de postproduction sur le lieu de tournage. Nous louons également des véhicules équipés de petites salles d’étalonnage, principalement pour l’étalonnage de rushes. Ce qui nous différencie c’est que notre équipe reste constituée de professionnels toujours actifs sur des tournages. Cela nous permet de concevoir des roulantes hyper adaptées. Que ce soit pour des gros ou des petits tournages. Nous proposons une gamme complète de configurations, tout a été fait pour réduire au minimum nos équipements afin d’être physiquement au plus proche des chefs opérateurs : l’idée c’est d’être à côté de la caméra, de pouvoir parler en directeur avec le chef opérateur, de pouvoir lui montrer des images. Il y a une vraie intention de collaborer sur tous les sujets technologiques : les réglages de la caméra, les types d’éclairages, l’équilibre d’une scène. On trouve que la possibilité d’utiliser les outils d’étalonnage sur le plateau apporte une vraie plus-value artistique. Parfois, lorsque sur le tournage on se demande si les hautes lumières vont passer ou s’il faut envoyer un électro placer des borniols, nous sommes là pour apporter des réponses justifiées et rendre le tournage plus rapide, plus sûr, plus serein et plus artistique, l’équipe peut alors oser aller plus loin.

 

M. : Matthieu, tu étais un des premiers DIT (Digital imaging technician)…

M. S. : En raison de mon âge oui ! C’est grâce à mon expérience professionnelle, notamment chez TSF. TSF a, en effet, été le premier endroit en France, voire en Europe, où ont été mélangés les caméras vidéo et les enregistreurs sur disques durs. C’est Danys Bruyère qui a eu cette vision à ce moment-là, et j’étais le technicien à cet endroit-là, à ce moment-là. J’ai donc complété grâce à cela la formation sur les caméras que j’ai eue par mes études avec une formation informatique, grâce aux sociétés auprès desquelles TSF achetait les produits. J’ai eu la chance de travailler sur des projets comme la Dalsa Origin et la Viper. La caméra D21 est ensuite arrivée, suivie de la Red One puis de l’Alexa. Un profil comme le mien, quelqu’un qui connaissait simultanément les contraintes des caméras et l’environnement informatique, était assez rare.

 

M. : Tu me rappelais d’ailleurs que l’arrivée des caméras grands capteurs dans le domaine du cinéma numérique est relativement récente…

M. S. : Oui, la première « révolution digitale » dans le monde du cinéma a été la Red One. Une caméra à grand capteur enregistrant sur cartes mémoires et avec de grandes promesses. Ensuite, c’est l’arrivée de l’Alexa qui a provoqué un changement complet de vision. C’est la première caméra qui a été adoptée en fiction. Auparavant, on se battait avec des caméras Panasonic ou Sony, encore extrêmement estampillées broadcast. On tournait déjà des téléfilms en numérique, mais en restant dans cette gamme-là. Quand l’Alexa est arrivée, c’était une caméra Arri, donc 50 % du travail était déjà fait. De plus, le capteur était excellent ; sept ans après, c’est d’ailleurs toujours le même capteur avec de superbes qualités d’encaissement dans les hautes lumières.

 

M. : On peut dire qu’elle était déjà HDR Ready !

M. S. : Tout à fait ! Elle offrait aux opérateurs une dynamique proche de 14 diaphs afin de retrouver, comme en film, une possibilité d’ajuster en postproduction les hautes et les basses lumières.

 

M. : Donc en fait, si on veut être un peu plus clair, presque une possibilité de se tromper ?

M. S. : Oui et non ! En tout cas c’était une possibilité d’avoir le choix, ce qui n’était pas le cas en vidéo à l’époque. On se rappelle d’ailleurs de l’arrivée de l’oscilloscope sur les plateaux. Le DIT, à l’époque encore appelé ingé vision, avait l’œil sur l’oscilloscope et tirait l’alarme si le signal dépassait le niveau de 100 %. Cette caméra permettait alors de dire : « Ne t’inquiète pas, tu as de la marge ! » Grâce à la courbe log tirée du film avec l’héritage Cineon Kodak, il y avait toute une histoire à raconter : ce n’était pas une caméra vidéo sortant de nulle part. De plus elle ressemblait à une caméra cinéma – ce qui n’était pas le cas de la Red One – une caméra lourde qui a su combler tout de suite les opérateurs.

 

M. : Tu évoquais, en préparation de notre entretien, le fait que les opérateurs tardaient à s’emparer avec entrain de cette évolution que représente le HDR, peut-être en partie dû un ras le bol « technologique ».

M. S. : Plaçons-nous du côté d’un chef opérateur. Il y a 15 ou 20 ans, il choisissait le type d’émulsion, Kodak ou Fuji, la sensibilité et les optiques ! Pour la caméra, il pouvait avoir des habitudes ou des préférences ; mais que ce soit avec une Arri, une Panavision ou une Aaton, l’image était la même. Les seules différences étaient l’ergonomie et quelques fois la vitesse de prise de vue. Dans son parcours, en tant qu’assistant caméra, il avait appris les recettes d’un chef opérateur : comment il mesurait, sa lumière, ses techniques. Il y avait des évolutions sur le grain de la pellicule et quelques techniques, mais elles arrivaient tous les cinq ans, pas tous les six mois comme aujourd’hui. Je comprends très bien la complexité pour un chef opérateur d’être en confiance avec son outil. Celui-ci est en constante évolution, mais le chef opérateur reste lui le garant de l’image qui sera enregistrée. Je comprends que pour un opérateur aujourd’hui, quand tu lui demandes « comment » il veut tourner : en Sony, en Red, en Alexa, en 3,2K, 3,8K en 8K, en 5K, compressé, pas compressé, en Apple ProRes, la question en HDR/pas en HDR peut devenir too much.

 

M. : À Be4post, vous avez démarré la réflexion sur le HDR il y a environ un an. Tu pensais que cela allait prendre une plus grande importance ?

M. S. : Notre démarche a débuté il y a un an après le visionnage chez Mikros d’images d’un court-métrage en HDR sur un Sony BVM X300 dans une salle d’étalonnage. C’était ma première expérience. Matthieu Leclercq m’a montré plusieurs travaux et j’ai été bluffé. J’ai trouvé cette expérience, en tant que spectateur, incroyable. J’avais devant mes yeux, une fenêtre ouverte sur le monde. Je regardais un court-métrage avec une petite fille qui court dans le jardin d’une maison de famille au mois de juillet avec un soleil déjà un peu rasant, les arbres, la couleur. Pour moi, j’étais sur la terrasse en train de regarder mes enfants courir ; et cela sans artifices, sans lunettes, et avec un confort de vision incroyable ; j’ai vraiment ressenti la sensation de regarder par la fenêtre.

Je ne suis pas forcément très bon public pour les images 3D ou VR, mais là je me suis dit : il se passe quelque chose. C’est pour cela qu’on a décidé de continuer. Par contre, sur le terrain on se retrouve avec des contraintes d’affichage car les écrans HDR de référence sont difficiles à avoir et coûtent très cher. Nous avons alors fait de la R&D, notamment avec Quentin Bourdin qui était stagiaire chez nous. Il sortait de Louis-Lumière et avait justement fait son mémoire sur le HDR. Nous nous sommes interrogés sur les atouts et contraintes du HDR, et on a acheté un grand écran LG Signature pour nos tests. Nous avons présenté nos travaux à l’occasion du micro-salon 2018.

 

M. : Le HDR, ce sont deux évolutions : du contraste et de l’espace colorimétrique. Que vont faire les professionnels du cinéma et de la publicité de ce supplément d’informations ?

M. S. : Aujourd’hui, notre expérience est limitée du fait de la faible demande de la part de nos clients, chefs opérateurs ou producteurs. Je pensais que la publicité allait rapidement s’emparer du sujet, ce qui n’a pas été encore le cas. Mais il faut éviter que le sujet s’éteigne trop rapidement ; il ne faut pas que « cela passe systématiquement par un bouton automatique ». Si les gens n’en parlent pas au moment du tournage alors qu’il y a une diffusion en HDR, il y a bien un moment où on doit construire le signal HDR, cela veut dire qu’aujourd’hui on a le risque qu’un algorithme construise ce master HDR. On souhaite donc poursuivre les discussions avec les chefs opérateurs et les différents acteurs et les sensibiliser à cela.

Actuellement, on doit produire deux versions, HDR et SDR. La question c’est : comment on les fait ? Il y a deux écoles : étalonner en SDR et faire confiance à un algorithme pour la conversion en HDR ; ou inversement. Il est toujours possible de retoucher des zones particulières de l’image, mais il reste quand même la question de l’étalonnage de référence. Si l’on choisit le HDR d’abord, cela crée vite une frustration, car après avoir tout étalonné en HDR, on est très décontenancé à la vision du SDR. Mais évidemment au passage du HDR au SDR, il est impossible de retrouver les niveaux de contraste.

 

M. : Cela confirme donc l’indéniable apport du HDR !

M. S. : Oui, mais la deuxième école dit : « 95 % des gens regardent en SDR, a-t-on envie qu’ils profitent d’un étalonnage fait de façon précise pour le SDR ou préfère-t-on étalonner d’abord en HDR, connaissant la faible proportion du public regardant cette version du programme ? » J’ai l’impression que pour beaucoup de chefs opérateurs, il y a une confusion entre les passages du 2K au 4K et du SDR au HDR. On leur avait dit que la projection 4K allait tout changer et il ne s’est pas passé grand-chose. Et il est vrai que dans la plupart des cas on perçoit peu l’apport du 4K. Je pense qu’il y a un amalgame et que de nombreux professionnels pensent que le HDR va donner le même résultat.

 

M. : Alors que de nombreux tests démontrent que les spectateurs sont beaucoup plus sensibles à l’évolution vers le HDR (même en HD) qu’à l’évolution vers la 4K ou l’UHD !

M. S. : Les chefs opérateurs que l’on côtoie travaillent pour la plupart sur des films de long-métrage pour des projections en salle. Au vu du nombre de salles équipées actuellement en HDR, ils préfèrent reporter cette question. Quelques salles, très peu nombreuses, sont équipées avec le procédé EclairColor et encore moins en Dolby Vision. Les opérateurs ne ressentent donc peut-être pas pour cette raison le besoin de s’accaparer cette nouvelle palette de couleurs et de création.

 

M. : Tu me parlais justement pour les salles de cinéma d’une technologie que tu as pu voir chez Eclair et qui pourrait faire évoluer les choses.

M. S. : Oui, c’est un écran Onyx à micro-led assemblé à partir de modules de 90 cm de largeur ; l’écran peut donc être très grand. Celui que j’ai vu chez Eclair fait 6 mètres de base et le résultat est clairement étonnant. On voit de façon extrêmement marquée les différences entre les types d’images et les types de plans : certains plans fonctionnent, d’autres un peu moins. On peut vite avoir l’impression de regarder une télé géante, mais avec certains plans, certaines séquences ou certains traitements d’image, on obtient une sensation immersive absolument incroyable.

J’ai pu voir un plan d’un astronaute en train de réparer la station ISS, il est filmé avec derrière lui le noir sidéral et juste quelques petites étoiles dans le fond. Avec juste cet astronaute en blanc, un morceau de la station et le noir absolu dans la salle, on est là avec lui dans le vide ; on ressent une sensation de vertige complètement incroyable. C’est assez évident sur des plans larges, mais même avec des plans beaucoup plus intimistes, dans des maisons, il y a déjà clairement une sensation de troisième dimension. Cet écran n’est pas plat, il provoque une perception de profondeur : on fait croire à notre cerveau qu’il est en train de regarder la réalité.

 

M. : N’est-ce pas une des raisons de l’appréhension des chefs opérateurs ? Une image hyper réaliste ne nous ramène-t-elle pas à une image télé ?

M. S. : Pas forcément, on a toujours les mêmes outils de créativité, et de sortie du réel. La profondeur de champ est toujours là ; surtout avec les caméras grand format comme l’Arri Alexa LF ou les caméras à capteur Monstro de Red. Avec une palette de couleurs plus fine, on va pouvoir oser des choses plus ambitieuses.

 

M. : Finalement, on peut rassurer les chefs opérateurs ; leur travail va encore plus être mis en avant.

M. S. : Complètement ! C’est vrai également pour le réalisateur, il doit envoyer des challenges à son chef opérateur… oser ! On m’a expliqué qu’à cause de notre héritage de l’école française du réalisme de la nouvelle vague, nous n’avions pas l’habitude de créer des artifices. Les chefs opérateurs ne seraient donc pas assez poussés par des réalisateurs en recherche d’une vision. Il faut oser ! Ce ne sont pas que des artifices techniques, mais aussi des possibilités artistiques offertes aux cinéastes.

Moi, j’aime ce parallèle avec le monde de la peinture. L’arrivée du HDR est comme le passage de la peinture sur bois à la peinture sur toile ; tout d’un coup, on dispose d’une palette de couleurs et de contrastes beaucoup plus large. La peinture sur toile a coïncidé avec l’arrivée de l’impressionnisme ; je suis très enthousiaste de cette période créative qui peut s’ouvrir pour les cinéastes.

Aucun chef opérateur, depuis 100 ans, n’a disposé d’un outil capable d’une palette de couleurs et d’une palette de contraste de cette envergure, de la captation à la diffusion. Au passage du 35 mm au cinéma numérique, on est resté dans la même gamme dynamique avec 6 à 8 diaphs. Le numérique a été adopté lorsque sa qualité a équivalu à celle de la pellicule. Aujourd’hui, on est face à un bouleversement qualitatif.

 

M. : En résolution, on est presque arrivés aux limites de l’œil. Il restait trois autres critères à faire évoluer : la plage de dynamique et l’espace colorimétrique ; avec le HDR, le HFR sera la nouvelle grande évolution.

M. S. : C’est vrai ! Il faut donc dès aujourd’hui prendre à bras le corps le HDR : le comprendre, le maîtriser, l’intégrer à sa palette créative. C’est important de le faire rapidement ; avant l’arrivée du HFR. Le HFR sera pour moi plus complexe. Avec des images hyper fluides, le challenge en termes de perception et de créativité sera encore plus grand.

 

M. : Notre approche du cinéma est fortement liée à notre expérience, nous avons intégré ses défauts comme des caractéristiques propres, notamment la cadence de 24 images par seconde. Si on commençait à regarder des films aujourd’hui sans influence du passé, cela changerait tout !

M. S. : Moi, je me souviens très bien du passage de la projection pellicule à la projection numérique. Chez TSF, on avait la chance de pouvoir comparer les deux types de diffusion sur les mêmes programmes. Et les réactions démontraient clairement un problème générationnel. Les générations ayant grandi avec du 35 mm associaient la pellicule au cinéma et la projection numérique à la télévision ; les plus jeunes spectateurs, qui avaient une vingtaine d’années, voyaient avec la pellicule une image typée « ancienne et floue » et associaient à la projection numérique les termes : hyper définie, jolie et brillante. On va se retrouver avec un même décalage générationnel : les gens dont je faisais partie à ce moment-là, qui associaient les images d’un projecteur numérique à 24 images/seconde à la « bonne image », seront réticents face aux images HFR. Des jeunes de 20 ans, qui utilisent très régulièrement des écrans de 60 Hz, ont l’habitude de cette fluidité et associeront certainement cette fluidité à une image de qualité.

 

M. : Oui, tu as raison ! Ces jeunes spectateurs parlent de FPS avec leurs jeux vidéo !

M. S. : Oui ! Pour eux la fluidité n’est pas forcément synonyme de télévision, elle peut être synonyme de fiction. Lorsqu’ils jouent à des jeux vidéo, ils ont conscience que c’est de la fiction.

 

M. : En prise de vue cinéma, pour faire du HDR, faut-il répondre à des normes spécifiques ?

M. S. : Les caméras de cinéma numériques, Red, Sony Venice, F55, F65, Panasonic VariCam sont HDR depuis le début. Pour travailler efficacement, les prochaines caméras intègreront certainement des sorties 4K HDR pour connecter directement un moniteur HDR et permettre un visionnage HDR direct. Pour l’instant, on visionne les images en mode log, qu’on peut transformer en HDR via des boîtiers de LUT (IS mini X) et les logiciels type FilmLight Prelight ou LiveGrade. Il est important de pouvoir visionner les images HDR.

Les lumières dans le champ sont à la mode actuellement : des petites lampes de chevet et des points de brillance qui permettent de composer une image. Demain, en HDR, il faudra être précautionneux sur leurs niveaux : elles pourront devenir extrêmement perturbantes dans notre analyse de l’image. L’œil est en effet très rapidement attiré par ce genre de lumières. Si une lumière est allumée à droite et qu’un personnage dans la pénombre parle à gauche, l’iris va alors se fermer. On pourra maîtriser ces lumières avec des masques, mais on ne récupérera peut-être pas toute la matière à l’intérieur de la lampe.

Sans vouloir être outre mesure alarmiste, les chefs opérateurs disposent actuellement de 14 diaphs de dynamique pour une exploitation de 6 à 8 diaphs sur les écrans au final. Cette marge va fondre en HDR avec 12 diaphs à la diffusion. Il faut juste en avoir conscience et ressortir son spotmètre et également bien connaître son outil. L’arrivée des caméras numériques à grande plage dynamique avait donné de la marge aux chefs opérateurs, cette marge étant utilisée en HDR, une plus grande rigueur sera nécessaire. Les opérateurs devront bien se réapproprier les contrastes et savoir ce qui rentre dans la caméra.

 

Un grand merci à Matthieu Straub pour ce moment très enrichissant. Nos échanges autour de l’étalonnage et du HDR se poursuivront dans le numéro 31 de Mediakwest (Avril-Mai 2019) par notre rencontre avec Rémi Berge, un étalonneur de grand talent, surnommé amicalement par certains confrères le Monsieur HDR des étalonneurs. Son expérience de ce jeune format est en effet déjà importante.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #30, p.34/37. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.

 

* LISEZ NOS AUTRES ARTICLES DÉJÀ PARUS DANS LE MAGAZINE MEDIAKWEST ET DISPONIBLES EN LIGNE :

HDR : les premières clés du high dynamic range (partie 1)

HDR : les nouveaux termes apparus (Partie 2)

HDR : Comment peut-on en profiter ? (Partie 3)