Dossier : Les systèmes de finition

Quand on est au stade où un programme est monté et mixé, vient le moment de le finaliser  ce que les Anglo-saxons appellent le finishing. Quelles solutions s’offrent aujourd’hui aux producteurs en France ?
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La finalisation d’un programme commence quand le montage prend fin, avec le passage de la résolution de travail (offline) à celle de diffusion (online), l’ajout d’éléments préparés sur d’autres postes essentiellement les effets et le son mixé  l’étalonnage, et se poursuit dans la déclinaison en divers formats pour répondre aux desideratas de la diffusion. La première étape consiste à importer la séquence, soit en récupérant les médias du montage, soit en retournant aux originaux. Si l’on a monté sur Avid, un fichier AAF permet de transmettre la séquence et éventuellement les médias ; si l’on vient de Final Cut Pro 7, on importe un XML ; si l’on utilise une EDL, il faut s’attendre à refaire manuellement la plupart les effets.

Malgré toutes les précautions prises, il est courant qu’on veuille encore faire des modifications, souvent même lorsque le montage est supposé être terminé. Et dans ce cas, de deux choses l’une : ou ces modifications sont importantes, et il faut retourner sur la station de montage ce qui montre l’importance d’outils facilitant ces allers-retours; ou, si elles sont limitées, on aura envie de faire ces modifications directement sur le système de conformation ils sont de plus en plus nombreux à offrir des outils de montage ou de retouche d’image. Plusieurs systèmes de finition étaient en fait au début des systèmes d’étalonnage (Pablo, Scratch…) dont les fonctions ont évolué pour finaliser complètement le programme ; cependant, ce n’est pas toujours le cas, et il faut s’assurer des possibilités du système choisi. 

La gamme des prix est extrêmement étendue, allant de logiciels gratuits à des stations lourdement dotées en matériel, voire assistées par des postes auxiliaires de calcul. Il peut paraître étrange que de telles disparités subsistent, mais il reste entre les machines des écarts considérables de fonctionnalités et surtout de rapidité de travail. Par ailleurs, la gratuité de certains logiciels peut se retourner contre eux : si tout le monde peut les installer chez soi, est-ce que tout le monde est étalonneur ? Un professionnel qui travaille sur un système gratuit aura plus de mal à se distinguer d’amateurs autodéclarés compétents. Il est hors de la portée de cet article de faire un comparatif exhaustif entre les systèmes examinés, il s’agit plutôt de donner quelques perspectives, quelques points forts mis en avant par les constructeurs ou leurs distributeurs, et les directions dans lesquelles ils se développent. (Beaucoup de fonctions similaires se retrouvent dans différents systèmes : qu’elles ne soient pas citées ne signifie pas qu’elles ne soient pas disponibles.)

 

Adobe l SpeedGrade

SpeedGrade est une technologie acquise par Adobe en 2012 (Iridas) qui lui a permis de compléter son offre « Adobe Creative Cloud ». SpeedGrade fonctionne indépendamment de la résolution, ses caractéristiques de temps réel dépendent donc du matériel utilisé (Mac ou PC) et, dans la pratique, vu les écrans et le stockage accessibles, on s’arrêtera à la HD, ou 2K, en 16 bits, et 60 i/s. L’interopérabilité de SpeedGrade avec Premiere Pro est très avancée, puisque les deux systèmes n’échangent que leurs projets, c’est-à-dire des métadonnées (Direct Link). Cela permet de faire autant d’aller-retour qu’on veut, sans avoir besoin de calculer les effets ni de les « aplatir » (flatten). Quand le montage a été réalisé sur un autre système, SpeedGrade n’accepte guère mieux que les EDL CMX 3600, mais comme Premiere Pro prend les AAF et les XML, une bonne façon de finaliser est d’importer le projet dans Premiere Pro, le rouvrir dans SpeedGrade, et de là, si des aménagements sont encore nécessaires, faire des allers-retours avec Premiere Pro : il suffit de le fermer d’un côté et rouvrir de l’autre.

Si l’on a besoin de travailler en parallèle, il faut ouvrir dans SpeedGrade quelques échantillons d’une scène, créer une tonalité d’image (look) qui sera sauvegardée en tant qu’effet, et l’utiliser dans Premiere Pro. Ce travail préalable sera récupéré par la session d’étalonnage. Premiere Pro (que certains présentent un peu comme la version 8 de Final Cut Pro…), ouvre les fichiers Raw Red, Arri, Sony, les CinemaDNG de Blackmagic, mais aussi les DPX et les TIFF en 10 et 16 bits, les QuickTime, ProRes, DNxHD, MXF Op 1a, XDCam HD, AVC Intra, AVC Ultra, XAVC… et les transmet donc à SpeedGrade sans transfert ni transcodage.

Patrick Palmer, Senior Product Manager chez Adobe, met l’accent sur l’interface « rassurante» de SpeedGrade, et sa facilité d’apprentissage : une semaine suffit à un étalonneur pour être opérationnel.

 

Assimilate l Scratch

Une des gageures de la production, aujourd’hui, est le nombre exponentiel de formats qu’il faut intégrer lors d’une conformation. Daniel Esperanssa, Product Specialist chez Assimilate, explique, par exemple, que The Lunchbox de Ritesh Batra a utilisé pas moins de 5 caméras différentes ! Par sa conception, Scratch gère jusqu’au 65K!, ses capacités de lecture en temps réels, 4K et au-delà, dépendent donc de la puissance du matériel utilisé. Auparavant surtout orienté cinéma et pub, Scratch commence à faire son entrée dans le milieu des chaînes de télévision. Distribué en France par DI-dea, une quarantaine de stations tournent en étalonnage et conformation. La version 8 ajoute plusieurs fonctions de collaboration de type « Cloud » sous l’emblème MyAssimilate. Le Repository est réservé aux utilisateurs de Scratch et permet de déposer un projet (sans les médias) qui sera accessible par n’importe quelle station connectée : un opérateur A récupère le projet, le modifie, puis le synchronise ; un opérateur B situé dans un site distant rouvre le projet modifié, le modifie à son tour, le synchronise, etc. Si A et B modifient le projet chacun de leur côté, le Repository gérera le conflit sans perte de données. Et comme le projet est également copié localement, la connexion n’est nécessaire que pour les synchronisations. Le Publish permet de publier un construct (séquence) sous la forme de page Web, avec des médias en basse résolution, à l’intention de non-utilisateurs de Scratch, par exemple un client qui validera un travail depuis n’importe quel navigateur, annotera les plans, publiera ses commentaires, le tout dans le projet d’origine. Enfin, le Remote permet d’inviter un ou plusieurs opérateurs à intervenir depuis leur propre interface Scratch sur une station distante, qu’ils disposent ou non des médias sources. Par exemple, un étalonneur depuis son système travaillera sur les médias de la station d’un DIT : il visualisera un flux JPEG 2000, qui n’a pas besoin d’être stocké en local, et disposera des fonctions habituelles de son système. À la fin de cette session Remote, le résultat restera sur la station du DIT.

Philippe Perrot, qui dirige Cosmodigital à Paris 18e, un prestataire au service du cinéma, travaille depuis longtemps avec Scratch. Il avait choisi ce système d’étalonnage, le premier à proposer un prix compétitif, pour ses outils polyvalents de composition, de conformation, et sa souplesse devant les formats de caméras. Il est resté client car il apprécie les qualités d’écoute de cette petite société, réactive, qui examine les problèmes sans tarder à les résoudre. Signalons au passage le Scratch Play, téléchargeable gratuitement, un lecteur universel de constructs et de tout fichier vidéo, mais qui ne permet d’exporter rien d’autre que des LUT et des CDL.

 

Autodesk l Smoke – Flame

Chez Autodesk, l’outil de finition orienté vidéo est le Smoke Advanced, un ensemble logiciel et matériel qui tourne sous Linux et travaille jusqu’en 2K. Il y en a une trentaine en France. Il peut être associé à des stations chargées de calculer les effets (burn) mais, contrairement à une Render Farm, elles sont ici esclaves du Smoke et directement contrôlées par lui. Il existe aussi un Smoke pour Mac, logiciel seul, qui se positionne désormais comme un système dédié à un assistant. Le Smoke récupère les AAF ou les XML : certains effets sont reconnus et reproduits, sinon ils apparaîtront sous forme de notes et devront être recréés.

Le Flame Premium, qui reprend toutes les fonctionnalités du Smoke en y adjoignant davantage d’effets spéciaux et de fonctions d’étalonnage, sera réservé à des situations où toutes les décisions n’ont pas encore été prises et où l’on a besoin d’avoir les outils sous la main pour introduire des modifications de dernière minute. Il intègre un univers de composition pour des effets élaborés, l’intégration d’éléments de synthèse en 3D avec la gestion de la profondeur (Z depth), les effets de lumière, la projection de textures, etc. Il permet donc de finaliser rapidement des programmes complexes, et de retarder le moment où il devient difficile de changer encore quelque chose. La compatibilité des effets avec Smoke est complète. Le Lustre reste un outil d’étalonnage dédié, intégré dans l’offre Flame Premium. Jean-Pierre Fournier de Post Logic, qui distribue Autodesk et Quantel, voit dans le Smoke un outil qui permet un travail puissant sur les trucages, quand le Pablo est davantage un « couteau suisse » qui va moins loin dans les effets, mais est plus pointu pour l’étalonnage, et surtout axé sur le temps réel. Le premier sera adapté aux produits courts, tandis que le second traitera facilement des magazines, des téléfilms, etc.

 

Avid l Media Composer – Symphony

Media Composer et Symphony ont, en quelque sorte, fusionné, le second devenant une option qui ajoute plusieurs fonctions, notamment d’étalonnage secondaire et global (corrections qui se propagent sur un ensemble de plans en fonction de leurs sources). La résolution de sortie reste pour le moment en HD (on peut imaginer que cette limitation sautera prochainement) mais, depuis la version 7, au travers de la fonction AMA, Media Composer gère maintenant les rushes sans limitation de résolution la Red, mais aussi l’Alexa, les Sony F55 et F65 etc. On a accès aux métadonnées dans la fenêtre Source Settings où, à tout moment, des LUT peuvent être appliquées et modifiées et où l’on peut choisir l’espace colorimétrique dans lequel travailler. La fonction FrameFlex permet de recadrer en HD, et cela tout le long de la timeline, en y plaçant éventuellement des clés. L’interpolation se fait donc, image par image, directement depuis l’original. C’est un peu ce que faisait déjà l’effet Pan&Zoom sur des images fixes, explique François Duché, Solutions Specialist chez Avid France. Une fois le dérushage ou un prémontage constitué, il reste conseillé de transcoder en DNxHD 185 ou en XDCam HD 50 par exemple, ce qui peut maintenant se faire en tâche de fond. Les exports AAF reprendront ces métadonnées (pas encore les opérations de recadrage). En plus de l’AS-02 déjà disponible, Media Composer exporte maintenant aussi en AS-11. Ces fichiers peuvent être repris en source par un lien AMA. (Rappelons qu’Avid DS a été arrêté en 2013.)

 

Blackmagic l DaVinci Resolve

Emmanuel Pampuri au sein des Machineurs, à Paris dans le 9e, fait beaucoup de fictions pour la télévision, mais aussi pour le cinéma, et il utilise le Resolve depuis la version logiciel seul, installée sur un portable pour constituer une station DIT, jusqu’à la version lourdement équipée en matériel, travaillant en 4K, avec un pupitre de contrôle complet. Il trouve ce système multiplateformes (Mac, PC, Linux) modulaire et surtout ergonomique. Comme ses concurrents, il récupère EDL, AAF, XML, mais peut aussi se débrouiller avec un média consolidé unique (video mixdown) sur lequel le Resolve fera de la détection pour retrouver les changements de plans. Il lit tous les codecs. « DaVinci, Adobe et Apple sont sans doute les sociétés les plus réactives quant à l’intégration de nouveaux codecs dans leurs systèmes », soutient-il.

Pour le moment, il est encore souvent nécessaire, après étalonnage, si l’on a besoin de certaines finitions comme l’ajout de titres, de sous-titres, etc., de retourner vers d’autres stations et aux Machineurs on utilise Premiere Pro. Mais de plus en plus de fonctions sont intégrées à Resolve au fur et à mesure des nouvelles versions. Par exemple, grâce au plugin Easy DCP, il est désormais possible de sortir directement un master de cinéma numérique. Des fonctions de montage s’intègrent aussi au fil des versions.

 

Digital Vision l NuCoda FilmMaster

On le comprend à son nom, le FilmMaster est orienté cinéma, mais il peut aussi concerner des productions de télévision auxquelles il permet un étalonnage rapide et puissant. Il en existe plus d’une dizaine en France. Il dispose d’une série d’outils pour résoudre tous les petits soucis issus du tournage (problèmes de codecs, d’entrelacement, de flicker), lesquels sont simples d’utilisation et très accessibles. Il offre un haut niveau d’intégration avec Avid puisqu’il permet de commencer l’étalonnage alors que le montage est encore en cours. La finition peut donc se faire au choix sur le FilmMaster ou, si l’on reste en HD, sur le Media Composer. C’est le système retenu par exemple chez Eliote.

Bertrand Chevojon, ingénieur chef produit chez SAV, annonce la sortie en avril d’une carte temps réel 4K et UHD1, « Thor ». Elle permettra en plus d’appliquer les filtres de traitement DVO (ajout de grain, anti-aliasing, désentrelacement, dépétouillage, stabilisation, battements, etc.) en temps réel pour le 4K, et plus rapidement encore pour les définitions inférieures. Les ingénieurs travaillent sur différents formats de sortie : outre le QuickTime ProRes, MXF Op Atom et Op 1a actuellement disponibles, JPEG 2000 et IMF sont en cours de développement.

 

FilmLight l Baselight

La société anglaise, FilmLight, spécialisée dans la calibration avec Truelight et l’étalonnage avec Baselight, est représentée en France par Alain Jouan pour la partie commerciale. Baselight est un système très couramment usité pour l’étalonnage de films (Elysium, Pacific Rim, ou le prochain The Amazing Spider-Man 2…), mais aussi dans la publicité haut de gamme et la télévision. Baselight gère des séquences 4K avec des traitements colorimétriques primaires et secondaires en temps réel. En France, FilmLight compte une vingtaine de clients. 

Une des spécificités de Baselight est son plug-in qui lui permet de s’intégrer dans d’autres systèmes Media Composer, Final Cut Pro, et bientôt Nuke où l’on dispose ainsi de l’ensemble des outils de correction colorimétrique de Baselight. Si l’on prend l’exemple d’Avid, Baselight y apparaît comme un AVX. Ces effets peuvent être appliqués sur l’ensemble de la timeline ou sur des clips spécifiques, et ajoutent plusieurs couches d’étalonnage, sans limitation de nombre, primaire ou secondaire, c’est-à-dire sur une partie seulement de l’image. Ils se paramètrent dans leur propre fenêtre, qui peut aussi s’afficher plein écran, offrant le même aspect et les mêmes contrôles qu’un Baselight standard. On peut utiliser le nouveau pupitre Slate de FilmLight, ou les classiques Avid Artist Color, Tangent, Wave… Tout le travail fait dans Media Composer est sauvé avec le projet, et sera incorporé dans un export AAF pour continuer le travail sur un autre système, Avid ou Baselight. Ces plugins sont disponibles sur le site FilmLight, avec une version d’évaluation de 30 jours.

Jacqui Loran, responsable du support, fait remarquer qu’on peut également utiliser les fichiers BLG qui mémorisent des tonalités de scènes (looks) et qui se transmettent d’un système à l’autre, depuis le FLIP (outil de gestion des rushes) jusqu’à un Baselight intégré ou un Baselight autonome.

 

Firefly l FireCloud

Nouvel entrant dans le domaine de la finition, mais déjà avec une longue expérience de l’étalonnage, la société Firefly Cinema, créée par Philippe Reinaudo et Luc Guenard, propose plusieurs outils qui partagent un projet commun : le FirePlay, lecteur de médias téléchargeable gratuitement, le FireDay, qui gère les rushes (dailies utilisé entre autres par Panavision), et le FireCloud, qui permet de faire un DSM 4K (sous réserve du matériel utilisé) voire, avec une carte Red Rocket X, de lire en temps réel des rushes Red Epic Dragon 6K. Il y a quatre FireCloud en France.

FireCloud gère efficacement les EDL, même lorsqu’elles sont approximatives, et importe les XML (pas les AAF), à partir desquels il pointe directement sur tout type de médias, même en Raw (Red, Sony F65 et F55, Alexa, Canon C300 et C500, CinemaDNG, etc.) dont il récupère les métadonnées et les espaces colorimétriques. Il supporte aussi l’OpenEXR. L’étalonnage est très rapide, il existe de nombreuses façons de propager un réglage à toutes les occurrences d’un clip, tous les plans d’une scène, d’une bobine, etc. L’étalonnage d’un long-métrage n’est pas celui d’une publicité, il se fait en flux, rapidement, on n’a pas le temps de s’arrêter sur chaque image, et néanmoins il faut conserver une cohérence.Plusieurs FireCloud peuvent collaborer au sein d’un même projet, par exemple pendant que l’étalonnage se fait, un superviseur peut déléguer à un opérateur d’autres travaux, comme de la rotoscopie, des dessins de formes (shapes), des recadrages, une incrustation couleur, voire du montage.

FireCloud ne dispose pas encore de certains effets, comme la stabilisation ou l’application de grain qui sont en cours de développement, mais de toute façon le FireCloud ne se destine pas à devenir une machine d’effets spéciaux. La société IKE NO KOI, à Paris dans le 20e, fait de l’étalonnage, des effets de longs-métrages, et articule toutes ses conformations autour d’un FireCloud. Arnaud Chelet, superviseur VFX, a installé sur la même machine un Smoke en pensant que ce dernier ferait la finalisation, mais il s’est rendu compte à l’usage qu’il pouvait tout aussi bien la réaliser sur FireCloud. Aujourd’hui, s’il va sur Smoke pour un effet par exemple, il revient ensuite au FireCloud.

 

Quantel l Pablo

Pablo RIO est aussi bien adapté aux projets de cinéma que de télévision et a de nombreux atouts quand les projets sont complexes ou lorsque la contrainte de temps est importante. Pablo RIO garde la même interface utilisateur que la version Pablo précédente et peut être installé sur une station matérielle non propriétaire. Il existe une gamme complète 2K, 4K, 6K et même 8K. Cinq Pablo RIO sont utilisés en France ainsi qu’une dizaine de la génération précédente. La société Post Logic est le nouveau revendeur pour la France.

Pablo RIO est richement doté en outils pour finaliser une conformation. Ils permettent par exemple de retoucher le montage même en plein milieu d’une session d’étalonnage. Jean-Luc Wolff, directeur des ventes chez Quantel France, met aussi en avant la qualité de la gestion de l’étalonnage en 3D. Même si le relief connaît depuis un moment un certain fléchissement, de nombreux films continuent d’être tournés et postproduits avec ce procédé, et la conjonction du 4K et du HFR pourrait lui rendre les faveurs du public.

Pierre Sudre est étalonneur et travaille sur FireCloud, Resolve, FilmMaster, mais, quand il le peut, il apprécie de travailler sur Pablo qu’il trouve plus souple et plus simple d’accès. Il importe les EDL et les AAF (pas les XML) et travaille sur les médias, quelles que soient leur résolution et leur cadence, sans avoir besoin de les importer. Tout est toujours accessible. On peut faire de la retouche d’image, créer un générique déroulant, importer des sous-titres en STL et les modifier, recréer les variations de vitesse (timewarps). Il y a même des outils de traitement audio, comme celui qui permet d’harmoniser le son entre le 24 et le 25 i/s. « C’est un système qui a un train d’avance », dit-il.

 

Rohde & Schwarz DVS l Clipster – Fuze

 

Chez Rohde & Schwarz, le Clipster est l’outil orienté cinéma : il a, entre autres, fait la masterisation 4K en 48 i/s de The Hobbit. Le Clipster est le système haut de gamme, celui qui fait tout, tandis que le Fuze, sur la base du même cœur, permet de se construire un système moins cher en n’achetant que les options nécessaires à un type de production. Il y a, en France, une quinzaine d’équipements Clipster ou Fuze. Ici aussi, l’accent est mis sur les capacités de lecture 4K non compressé jusqu’en 60 i/s, bientôt 120 i/s, mais également sur la rapidité de création des DCP et la gestion du cryptage. Le Clipster prend tous les formats en entrée (Raw, Sony, Red…) et en sortie (dont l’IMF), et là aussi différents outils sont à portée de main (transitions dans la timeline, transcodage RVB en YUV, recalage de sous-titres, fonctions basiques d’étalonnage, LUT…). Un outil de contrôle qualité (QC) examine les DCP pour en signaler les erreurs (drop frames, désynchronisation du son…).

Alexis Aubreton, Pre-Sales and Solutions Architect chez Rohde & Schwarz France, explique que tous les développements actuels concourent vers une rapidité d’exécution de la station toujours accrue.

 

SGO l Mistika

Faisant aujourd’hui figure d’outsider, SGO est une société espagnole qui ouvrira ses bureaux à Paris en juin de cette année, et qui a pourtant déjà vendu deux systèmes. Mistika a fait ses premiers pas sur l’hexagone à l’époque d’Astérix, où Alain Derobe l’avait utilisé chez Dubois, projet qui s’est finalement terminé sur le même Mistika chez Digimage. Il est orienté cinéma et puissance : il peut supporter deux flux 4K en temps réel, pour la 2D ou pour le relief. C’est un logiciel qui peut se configurer sur différents matériels, et qui utilisera pour une grande part la puissance du GPU. Grâce à quoi, les étalonnages primaires et secondaires se feront en temps réel, mais aussi certains effets comme les recadrages. Sergio Ochoa, responsable technique, explique que tous les outils de Mistika sont temps réel, ou presque temps réel : ils sont conçus pour être les plus interactifs possible, avec le client présent dans la salle qui ne veut pas attendre des rendus. Mistika importe les EDL, XML ou AAF, mélange dans la même séquence tous les codecs de caméras, toutes les cadences, toutes les résolutions, toutes les debayerisations, et récupère leurs métadonnées en temps réel.

À part les outils d’étalonnage, il permet aussi montage, trucage, composition pour finaliser sans avoir à ressortir de la machine. Les réglages relatifs au relief peuvent se faire pendant la correction colorimétrique. Un étalonneur venant d’un Lustre ne sera pas déçu, mais le système peut aussi être approprié à un opérateur chargé de la gestion du relief. La société, modeste en taille, permet aux clients d’avoir facilement accès aux techniciens, et offre une grande réactivité aux problèmes et autres suggestions de développement. Le prochain objectif est d’adapter Mistika au marché de la télévision, et notamment en UHD. Signalons que SGO a une offre commerciale pour la transformation d’un Avid DS en Mistika, qui réutilise le matériel d’origine.

 

Mikros

Après ce rapide tour d’horizon des constructeurs, terminons avec le point de vue d’un prestataire qui montrera qu’une conformation ne se fait pas forcément sur un seul système. François Duboux, responsable fabrication DCP et Masters chez Mikros, une société qui se consacre au long-métrage et à la publicité, raconte une procédure plutôt courante. On utilise d’abord un Scratch pour transformer les rushes en DNxHD 36 et les fournir au montage. Celui-ci terminé, même si le Scratch accepte un AAF, ce sont encore souvent des EDL qui sont employées pour la conformation. Parfois, l’étalonnage se fait sur Scratch, mais le plus souvent il se fait sur Lustre. Les effets sont poursuivis en parallèle de l’étalonnage et insérés au fur et à mesure dans le Lustre.

Puis, bobine par bobine, le Lustre exporte son travail en séquences d’images, DPX 10 ou 12 bits, ou TIFF 16 bits. Un des deux Clipster récupère ces séquences et intègre le son du mixage, les sous-titres, mais aussi d’éventuels logos, et réalise les modifications de dernière minute. Le Clipster est vu lui aussi comme un puissant « couteau suisse », une grosse timeline, rapide à prendre en main, et d’une très bonne ergonomie. Bien que les DCP générés par le Clipster soient accompagnés d’un rapport d’erreurs très complet, ils sont tout de même vérifiés en conditions réelles dans la salle du Max Linder à Paris.

Enfin, à part les cassettes HDCam SR qui restent encore le principal support des chaînes, les fichiers IMF commencent à être demandés, et en particulier pour de l’archivage : ils sont dans ce cas réalisés en JPEG 2000 12 bits compressé sans perte. On voit que la finalisation d’un programme est loin d’être un long fleuve tranquille… Bien des voies sont possibles et il est probable que celle empruntée pour une production ne sera plus exactement la même pour la suivante. Ce qui montre à quel point il est important de choisir la procédure tout au début, bien avant le tournage, et de s’assurer, grâce à une réunion préalable des intervenants, que tous les maillons seront compatibles, afin d’obtenir les éléments à livrer sans surprises et dans le bon format.

 

Acronymes

AAF       Advanced Authoring Format (format d’encapsulation).

AMA      Avid Media Access (pointage sur les médias).

AVC       Advanced Video Coding (codec).

AVX       Avid Visual Extension (effets externes disponibles depuis le logiciel qui les héberge).

BLG       Baselight Grade File (fichier d’étalonnage).

CDL       Color Decision List (liste d’étalonnage).

DCP       Digital Cinema Package (copie de distribution numérique).

DIT       Digital Imaging Technician (assistant opérateur numérique).

DPX       Digital Picture Exchange (conteneur).

DVO       Digital Vision Optics (filtres).

EDL       Edit Decision List (liste de points de montage).

GPU       Graphical Processing Unit (processeur graphique).

IMF       Interoperable Master Format (master vidéo).

LUT       Look Up Table (table de conversion colorimétrique).

MXF       Material eXchange Format (conteneur de médias).

QC         Quality Control.

Raw       fichier contenant les données enregistrées par un capteur unique et non débayerisées.

TIFF       Tagged Image File Format.

VFX     Visual effects.

XAVCX Advanced Video Coding (codec).

XML     eXtensible Markup Language (fichier de données).


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 16 octobre 2023