Rencontre avec Danys Bruyère, DGA Exploitation & Technologies de TSF (WebTV)

Danys Bruyère, directeur général adjoint Exploitation & Technologies au sein de TSF, était notre invité sur le plateau WebTV Mediakwest-Satis 2015. Nous avons saisi cette opportunité pour mieux comprendre la convergence récente des métiers du broadcast et du cinéma, les fonctions actuelles du DIT (Digital Imaging Technician), mais aussi son rôle futur et les possibilités de formation. Si l’on en croit Danys Bruyère, immergé au quotidien dans cette réalité, le métier a vocation à se généraliser. Le défi du DIT est, aujourd’hui comme demain, « d’arriver à une bonne équation entre la partie créative et la partie technique ».
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«  Nous assistons actuellement, sur les plateaux de cinéma, à une demande d’immédiateté des images. Évidemment, les caméras numériques nous permettent d’y répondre. On fournit au DIT un signal vidéo qui peut être travaillé, étalonné, présenté au réalisateur, au chef opérateur et débattu directement. La tension est-elle la bonne ? Comprenons-nous tous la même dramaturgie de l’image ? Ces images devront être retraitées pour le montage, envoyées à l’intention du réalisateur, du chef opérateur, avec une esthétique qui s’apparente le plus possible au moment où elles ont été créées, avec la charge émotive que l’image peut véhiculer.

« Dans ce cadre, le Digital Imaging Technician (DIT) remplit plusieurs fonctions, le tire lui-même revêt différentes appellations. Je dirais que la fonction de base du DIT est déjà de faire la sauvegarde des images et des fichiers qui ont été captés sur les SSD, sur les différentes cartes des caméras, et de les stocker pour qu’ils soient acheminés vers la postproduction. Telle est la première des tâches du DIT. Ensuite, une fois que l’on a des stations de travail puissantes sur le plateau, on peut diversifier ce travail là, ce qui arrive de plus en plus. On assure un rôle de pré-étalonnage de tous les moniteurs sur le plateau pour s’assurer que chacun a une vision cohérente du travail présenté. À l’heure où il n’est pas rare de compter sur un plateau trois ou quatre références de moniteurs, des iPad, des personnes qui regardent du streaming sur des iPhone, avoir une référence colorimétrique à peu près cohérente est important. Au-delà de cela, le DIT peut aussi travailler en étroite collaboration avec le chef opérateur, un peu à la façon d’un étalonneur, en faisant le pré-étalonnage du film directement sur le plateau. Ce pré-étalonnage là n’est évidemment pas définitif comme à la télévision, c’est un pré-étalonnage qui va donner la matière à réfléchir, à évaluer si le plan contient suffisamment d’informations, à déterminer si pour les VFX on possède toutes les informations pertinentes, à pouvoir les visualiser en temps réel et ensuite les transférer dans la chaîne créative qui suivra.

Le DIT devient de plus en plus fréquemment plus qu’un data manager ou qu’un exécutant ; il se révèle, au même titre que le coloriste ou l’étalonneur, être l’une des deux mains du chef opérateur.

«  Le métier de DIT a assurément vocation à se généraliser, parce qu’aujourd’hui on arrive avec des stations de travail qui sont compactes et suffisamment puissantes pour accomplir nombre de ces tâches en temps réel. Nous avons passé la période d’expérimentation, de se dire que, voilà, on vient avec un micro-laboratoire de la Nasa pour essayer de faire des images sur le terrain, alors que, économiquement, ce n’était pas toujours la meilleure idée. Aujourd’hui, nous pouvons effectuer ce travail dans les mêmes conditions, au même niveau de qualité que le laboratoire, voire supérieur, parce que nous disposons d’un collaborateur dédié à l’image, qui n’est pas dispersé sur plusieurs tâches, comme cela arrive en laboratoire. Nous allons, par conséquent, voir les professionnels externaliser, comme nombre d’entre eux ont externalisé le montage au début des années 2000, comme ils ont aussi externalisé une partie du mixage son. Avec les DIT, ils vont externaliser, à leur façon, le processus de fabrication des rushes.

«  Aujourd’hui, au niveau des formations, l’Ina annonce justement un nouveau programme comprenant des formations de DIT dont je ne connais toutefois pas le contenu. À ma connaissance, il existe déjà des stages via la Cifap. Dans les cursus des grandes écoles, notamment Louis Lumière, sont données les bases techniques de la compréhension de la couleur de l’encodage in situ qui sont des outils utiles aux DIT. Après, il faut arriver à faire la bonne équation entre la partie créative et la partie technique.

«  À l’avenir, je crois que les DIT démultiplieront les tâches au fur et à mesure que les workflows s’accélèreront, que les disques deviendront plus rapides, les machines plus puissantes, plus abordables. On assiste aujourd’hui déjà aux premières tentatives de stockage des images une fois qu’elles ont été travaillées et converties au format DNX. On peut aussi les convertir en H264 et imaginer d’avoir un serveur sur le plateau. Le réalisateur pourra retourner revoir une prise sans faire appel au DIT qui peut se trouver sur une autre fonction, regarder des éclairages, observer le jeu de comédiens. J’ai l’impression que nous allons assister à la convergence des métiers de DIT et d’opérateur combo, tel que ce dernier apparaît aux Etats-Unis et qui est très différent de nos stagiaires video assist. Aujourd’hui, il est encore compliqué d’accomplir l’ensemble des tâches, parce que des lenteurs existent dans le système. Mais nous savons très bien que l’année prochaine cela ira plus vite ; l’année d’après, tout ira encore plus vite. Il y aura des outils clés en main qui permettront de faire des fonctionnalités de ce type là, sans trop d’intervention.

On aura juste besoin d’un pilote de cockpit qui aiguillera ces différentes fonctions et les rendra accessibles en temps et en heure et de façon efficace, sans retarder le tournage à l’ensemble de l’équipe. Et là, tout le monde en bénéficiera : la costumière pourra avoir son iPad et retourner voir son costume d’avant-hier, la scripte voir les continuités, et on pourra centraliser toutes les métadonnées. À savoir, aussi bien les métadonnées saisies au moment du tournage par la scripte ou assistants caméra, que les métadonnées associées aux images et qui sont générées par les appareils de captation, voire d’autres métadonnées qui serviront à faire de la réalité virtuelle, du VFX in situ. »